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Démarches
Les exportateurs français font leurs premières expériences du Brexit

Habitués à expédier des produits céréaliers, des moutardes, des biscuits ou produits intermédiaires au Royaume-Uni, les industriels et expéditeurs découvrent les nouvelles pratiques. Témoignages.

poste frontière
© CCI Caen Normandie

« Il faut être très carré sur le plan administratif. C’est davantage de travail. Il y a un coût supplémentaire de gestion qui est refacturé au client… ou non », constate un expéditeur de légumes vers la Grande-Bretagne, devenue pays tiers le 1er janvier. Un petit expéditeur de primeurs signale l’augmentation de ses frais logistiques. « On passe plus de temps avec les clients ; il faut leur envoyer plus de documents, témoigne un responsable commercial chez un petit industriel biscuitier. Il faut prendre le pli. » Ce commercial s’est en outre plongé dans la lecture de l’accord commercial. Il explique, comme un fabricant de PAI, que certaines matières premières viennent de pays tiers. Ces pays fournisseurs bénéficient ou pas d’un régime préférentiel. Un fait général s’impose : le temps administratif s’est allongé pour qui veut continuer à commercialiser au Royaume-Uni. À moins de recourir à un représentant en douanes. Pour des industriels de toutes tailles, le commerce de détail britannique reste très attractif.

Ce marché est important pour nos PME

« Le Royaume-Uni est vraiment un de nos premiers partenaires, affirme Nelly Bonnet, secrétaire générale d’Alliance 7, qui rassemble dix syndicats des métiers de l’épicerie et de la nutrition spécialisée. Nos secteurs ont une balance commerciale positive avec le Royaume-Uni, et ce marché est important pour nos PME. » Nelly Bonnet a eu la confirmation, auprès des adhérents d’Alliance 7, que le Brexit coûte en frais administratifs et aussi logistiques. En revanche, il lui semble que l’attestation d’origine ne soit pas un gros enjeu sur ce marché. On lui a signalé des soucis de frais douaniers sur des produits laitiers venant d’Irlande.

Le camion préenregistré

« Les entreprises agroalimentaires de Normandie ont été pleinement informées et préparées à l’échéance du Brexit », estime Guillaume Muller, chef du pôle action économique (PAE) de la Direction générale des douanes de Rouen. Il fait référence notamment à deux webinaires réalisés avec la Draaf et la DDPP et à un webinaire réalisé avec Dynamic Export et l’Association régionale des entreprises alimentaires (Area), ayant réuni près de 100 participants.

La logistique subit des conséquences du Brexit. Arnaud Barbier, qui exporte des purées de fruits surgelés Sicoly en Grande-Bretagne, regrette de devoir gérer le transport jusqu’à destination pour le compte de clients qui jusqu’alors prenaient en charge la marchandise à Lille. Pour l’expéditeur de légumes bretons Le Dauphin, pas question de présenter à la frontière un camion autre que celui qui a été enregistré au préalable. À grande échelle, on voit grossir les flux directs entre la France et l’Irlande, la plupart des lignes se renforcer, d’après une dépêche AFP. « De Rosslare vers Dunkerque, il faut compter 24 heures en mer, alors qu’un trajet de Dublin à Dunkerque par le Royaume-Uni ne prend en théorie qu’autour de 13 heures », peut-on lire. Mais il y a un avantage : un trajet direct vers l’Europe « donne davantage d’assurance », argumente Simon McKeever, directeur général de l’Association des exportateurs irlandais.

Au détriment des produits à DLC courte

Le secteur de la volaille, outre le fort ralentissement des conjonctures des échanges, craint des allongements de trajets vers la Grande-Bretagne, ceci au détriment des produits à DLC courte. À la Fédération des industries avicoles (FIA), on déplore « des incertitudes et des problèmes de certification ». En revanche, pour Ernest Soulard, spécialiste du canard gastronomique et aguerri à l’exportation, le seul changement est un ralentissement du flux qui s’explique par la nécessité de fournir des certificats sanitaires pour la Grande-Bretagne.

Des intermédiaires ?

Dans le secteur fromager, les établissements Rivoire-Jacquemin, affineurs d’AOP franc-comtoises (comté, morbier…) ne voient pas de grands changements pour l’instant, attribuant ce répit à la période de transition. « Les commandes sont là et nos transporteurs ne constatent pas de temps rallongé pour les livraisons », témoigne la dirigeante, Véronique Rivoire. « À partir du 1er avril, nous devrons remplir un agrément sanitaire pour exporter vers le Royaume-Uni comme nous le faisons pour d’autres pays tiers : des formalités en plus, mais cela ne m’inquiète pas plus que ça. Le Royaume-Uni n’est pas le pays le plus dur. Ça ne sera pas insurmontable », commente-t-elle.

Pour des fruits et légumes en revanche, la donne change certainement. « Avant, on expédiait par palette ou camion, à destination directe du distributeur, rappelle un commercial de l’expéditeur Le Dauphin. Maintenant, ce sera au moins par camion, avec le risque pour le client de ne pas pouvoir tout écouler. On risque d’ajouter un intermédiaire entre nous et le distributeur. »

Le terrain administratif bien préparé

Les exportateurs qui étaient déjà enregistrés EE (Exportateur enregistré) en 2020 ont vu leur enregistrement REX (Registered Exporter System) automatiquement complété par la mention relative à la Grande-Bretagne. Un exportateur enregistré peut certifier lui-même l’origine préférentielle de ses produits, par une déclaration spécifique sur tout document commercial identifiant les produits exportés et l’exportateur, dite « déclaration ou attestation d’origine ». Les douanes encouragent les opérateurs à se connecter à la plateforme Soprano pour soumettre en ligne diverses demandes d’autorisation. Les professionnels n’ayant pas opté pour le statut « Opérateur Douane » passent par Soprano - Accès simplifié.

Du côté britannique, la frontière s’établit progressivement d’ici au 1er juillet, pour laisser aux opérateurs le temps de s’adapter et éviter des temps d’attente. Si l’importateur n’a pas de présence au Royaume-Uni, il a la possibilité de nommer un mandataire. Les douanes et services vétérinaires ont également mis les moyens dans les ports français du commerce trans-Manche. Cependant les flux sont conjoncturellement réduits et ne permettent pas de juger de l’efficacité des dispositifs.

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