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Rendre l’agneau plus accessible

L’agneau est une viande onéreuse, qui souffre en cette période d’inflation. Toutefois, la campagne testée par la filière dans trois régions, depuis un an, améliore son attractivité et va se déployer plus fortement cette année.

C’est avec un certain soulagement que Patrick Soury, président de la section ovine d’Interbev, fait le bilan de la campagne « Nos clients changent, changeons l’agneau ». Lancée l’an dernier dans 50 points de vente des régions Nouvelle-Aquitaine, PACA et Occitanie, cette campagne proposait d’accompagner des bouchers traditionnels et ceux de la GMS à revoir les propositions sur les étals. « C’est simple, il s’agit de proposer des portions plus petites, donc plus adaptées à la composition des foyers actuels et à leur budget. L’objectif principal, c’est vraiment de rendre l’agneau plus accessible, résume le président. La différence de poids, et donc de prix, entre un gigot et un rôti est énorme. Pour le consommateur, ça donne envie d’essayer. »

Les gigots sont proposés tranchés, bien plus adaptés à une consommation quotidienne. « Je vends chaque semaine six à huit gigots tranchés, contre deux gigots entiers. Les petites découpes ont clairement la cote, notamment auprès des jeunes ! » témoigne ainsi auprès d’Interbev David Gojard, responsable boucherie Intermarché en Haute-Garonne. Pour les petites découpes en libre-service, le travail sur la mise en évidence des prix portion permet aussi un meilleur passage à l’acte d’achat, relaie la filière.

Les bouchers participant au programme ont aussi développé davantage de produits élaborés, préparations bouchères et produits traiteur. Un bon argument pour un consommateur qui ne sait plus forcément cuisiner l’agneau, mais aussi pour le commerçant qui gère ainsi mieux son équilibre matière et sa rentabilité.

Au-delà des saucisses et merguez d’agneau, les bouchers pilotes ont innové avec des médaillons et sucettes de poitrine, des steaks hachés, des produits adaptés aux pierrades l’hiver, aux barbecues et planchas l’été… Ces préparations permettent de toucher une clientèle plus jeune, un point crucial puisque plus des trois quarts des volumes de viande d’agneau sont achetés par des personnes âgées de plus de 50 ans, selon Interbev. « Valoriser la poitrine d’agneau façon kebab, marinée au cheddar, tranchée fin, le tout monté sur un support par embrochement, nous a apporté un double bénéfice : toucher une clientèle âgée de 20-50 ans et une gestion plus fine de l’équilibre matière », témoigne à son tour Jean-Michel Croisé, responsable boucherie E.Leclerc en Charente-Maritime.

Un changement de pratique qui « limite la casse »

Les volumes d’agneau achetés par les ménages pour la consommation à domicile auraient reculé de 13,9 % en 2022, comparés à 2021, selon les données de Kantar transmises par Interbev. Par rapport à 2019, la baisse atteint même 20,3 %. Toutefois, « dans les boucheries pilotes, on constate que les nouvelles pratiques ont limité la casse », avance Patrick Soury. Un bon argument pour l’extension de la campagne. « Nous allons passer de 50 professionnels formés à 500, nous allons démultiplier la démarche. L’objectif, c’est que ceux qui s’en sortent le mieux communiquent leurs trucs et astuces aux autres », explique l’éleveur charentais.

« Nous allons démultiplier la démarche » Patrick Soury, président de la section ovine d’Interbev

L’interprofession s’adresse aux formateurs, aux animateurs des enseignes, aux enseignants de CFA en leur présentant les exemples mis en place chez les pilotes. Cette année, la région Auvergne-Rhône-Alpes rejoint le programme. Les quatre régions concernées en 2023 représentent à elles seules 80 % de la production française d’agneaux et, donc, ont une bonne culture professionnelle de travail de cette viande. « Mais dès cette année, nous espérons que ces nouvelles façons de vendre l’agneau vont commencer à se diffuser au niveau national. Par exemple, six formateurs d’Intermarché ont déjà pris en main la démarche et pourront la porter dans des magasins de toute la France », rajoute Patrick Soury.

Une offre française en repli

Au premier trimestre, les abattages d’agneaux ont reculé de 4,9 % par rapport à la même période de 2022, selon les données d’Agreste. Dans le même temps, les abattages d’ovins de réforme progressaient de 4,7 %. « C’est un choix stratégique des éleveurs. Ils s’adaptent à la sécheresse et à leurs stocks fourragers. On a manqué d’herbe l’automne dernier, au moment de la mise en lutte, et la prolificité des brebis s’en est ressentie », décrypte Pascal Soury. D’où cette baisse des disponibilités actuelles qui devrait perdurer jusqu’à l’été. L’offre devrait, en revanche, revenir à partir du quatrième trimestre, juge-t-on au niveau de l’interprofession.

Des prix qui restent élevés

Cette offre limitée, notamment à Pâques, a permis aux prix des agneaux de battre de nouveau record cette année. Le pic de Pâques s’est établi à 8,55 €/kg, contre 8,07 €/kg l’an dernier et 7,65 €/kg en 2021. Les années précédentes, il n’atteignait pas 6,80 €/kg. « Des prix élevés sont nécessaires pour les éleveurs qui sont confrontés à une forte hausse de leurs coûts de production. D’ailleurs, selon les types d’exploitation, ces cours ne sont pas toujours suffisants », précise Patrick Soury. Si l’indice Ipampa, calculé par l’Idele et qui reflète les coûts de production, s’est légèrement tassé sur un mois en mars, il n’en restait pas moins 16,6 % au-dessus de son niveau de l’an dernier.

Ces prix élevés sont aussi un gage pour le renouvellement des générations. « On garde une bonne dynamique des installations, notamment car les conditions économiques sont favorables », explique Patrick Soury qui se réjouit de voir que cette tendance nationale est « adaptée à notre tissu industriel ». Si beaucoup de nouveaux éleveurs sont attirés par la vente directe et les circuits courts, le président les met toutefois en garde : « C’est compliqué en ce moment pour la vente direct, il faut aussi abonder la filière, c’est sécurisant et complémentaire de diversifier ses débouchés. »

En résumé

1 Des découpes plus petites, des prix plus abordables

2 Des produits élaborés pour répondre aux consommateurs

3 Le travail de l’équilibre matière et de la rentabilité

L’agneau bio peine à trouver sa place

L’agneau n’échappe pas à la crise du bio, loin de là. « L’agneau conventionnel, c’est déjà un produit qui a une image de viande proche de la nature dans l’esprit des consommateurs », juge Patrick Soury. La forte saisonnalité de l’élevage ovin bio colle mal avec les périodes de consommation, puisque les sorties sont en automne, et « n’est pas adaptée à la régularité des besoins des consommateurs », complète Patrick Soury qui précise que la filière travaille à étaler les abattages. « Mais c’est complexe, les Français veulent de la viande tendre, d’un animal jeune, sans trop de goût », ajoute-t-il. À ces facteurs limitants s’ajoute celui du prix, crucial en cette période inflationniste. L’agneau bio arrive au même moment que l’agneau irlandais et britannique. Cet automne, les carcasses s’affichaient à 8,50 €/kg pour le conventionnel français, 10 €/kg pour le bio français et seulement 6 €/kg pour l’origine britannique, « avec un tel écart de prix, l’argument bio à du mal à passer, alors même que c’est compliqué pour l’éleveur », conclut le président.

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