Réutilisation des eaux, quel intérêt pour l'agroalimentaire ?
Un décret est imminent, qui doit permettre différents usages des eaux déjà utilisées dans la transformation agroalimentaire. Commentaires de l’Association des IAA de Bretagne, qui y a contribué.
Un décret est imminent, qui doit permettre différents usages des eaux déjà utilisées dans la transformation agroalimentaire. Commentaires de l’Association des IAA de Bretagne, qui y a contribué.
Réutiliser dans les usines agroalimentaires des eaux qu’elles ont déjà utilisées ou issues de leurs procédés ; cela devient possible du fait d’un décret dont la publication est imminente en ce début janvier 2024. « A priori ce décret à paraître ouvre deux voies à fort potentiel d’économie d’eau : l’industrie laitière, qui pourra valoriser toute l’eau issue de la concentration du lait, et les entreprises de toutes filières agroalimentaires ayant leur propre station d’épuration, qui en général prélèvent beaucoup sur la ressource d’eau potable », avance Clothilde d’Argentré, cheffe de projet sur le décret REUT (pour réutilisation) de l’eau à l’ABEA (Association bretonne des entreprises agroalimentaires). « Il y a à la clé un gros potentiel d’économie d’eau prélevée en Bretagne dans les industries laitières, dans les légumes transformés, les abattoirs et ateliers de découpe, la charcuterie, la biscuiterie. L’ABEA en est plutôt satisfaite parce-que c’est une grande avancée. Et bien sûr nous serons vigilants quant à l’arrêté d’application qui suivra », annonce-t-elle.
Délais et investissements
Marie Kieffer, déléguée générale de l’ABEA complète : « Il ne faut pas s’attendre à des économies du jour au lendemain. Les industriels déposeront leurs demandes d’autorisation aux DDPP. Il y aura des délais, et il faut considérer un besoin d’investissements d’au moins plusieurs milliers d’euros par entreprise, pour compléter les systèmes de traitement des eaux de stations. Au mieux, les entreprises seront équipées en 2025. » Certaines entreprises sont déjà prêtes à réutiliser leurs eaux. C’est le cas de la Cooperl, qui jusqu’alors utilise de l’eau purifiée pour laver les camions. Ces entreprises n’ont qu’à monter des dossiers pour développer de nouveaux usages et démontrer qu’ils ne comportent pas de risque sanitaire. Cela devrait aussi aller assez vite pour l’utilisation des eaux de concentration de la matière en industrie laitière (ECML). Le décret interdit l’usage des eaux de process ou traitées en tant qu’ingrédient. Pour les usages autorisés comme le nettoyage, il faut attendre les détails de l’Arrêté d’application, mais une qualité d’eau potable sur les plans bactériologique et physicochimique sera sans doute imposée. « Dans les laiteries, les efforts vont se concentrer sur l’économie d’eau du réseau pour le nettoyage », prévoit Marie Kieffer.
S’équiper ou louer
« Les agences de l’eau vont a priori soutenir les investissements. Il est bien possible aussi que le gouvernement lance un appel à projets », suppose la déléguée générale de l’ABEA. Marie Kieffer souligne que les équipements de REUT pourront être temporaires. « Certaines entreprises pourraient choisir par exemple de se brancher sur des containers de filtration loués pour la période estivale critique. Des équipementiers se disent prêts à mettre ces équipements en location », espère-t-elle.
Repousser les restrictions
Un enjeu important est la gestion de l’eau en période de sécheresse. En 2022 des lignes avaient été mises à l’arrêt en Bretagne. L’économie d’eau dans l’agroalimentaire va réduire la pression sur la ressource en eau, et donc repousser les restrictions pour les IAA.
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Les économies d’eau potentielles selon l’enquête de l’ABEA
D’après l’enquête « Eau et agroalimentaire » de l’ABEA réalisée en septembre 2023 et publiée en novembre, une entreprise laitière bretonne qui produit et valorise des ECML (Eaux de concentration de matière laitière) économise en moyenne environ 210 000 m3 d’eau par an. D’après une étude menée par l’association Atla (transformation laitière), en France seulement 5 millions m3 d’ECML sont valorisés pour des usages actuellement autorisés, sur un volume total produit de 16 Millions m3, soit un gisement potentiel encore disponible de l’ordre de 70% du volume d’ECML produit.
La réutilisation de l’eau (eaux usées traitées et eaux issues des matières alimentaires, actuellement non autorisées) permet d’envisager progressivement des économies d’eau de l’ordre de 20 à 25% du prélèvement d’eau des entreprises, notamment dans les filières lait, viandes et légumes. Sur un échantillon de 28 sites industriels enquêtés en Bretagne par l’ABEA et déjà prêts à mettre en place la réutilisation de l’eau, c’est plus de 2,5 millions de m3 qui peuvent être immédiatement économisés chaque année, soit l'équivalent de la consommation annuelle de la ville de Vannes.
D’après l’enquête, les IAA bretonnes sont 67% à considérer que leur gestion quantitative de l’eau est bonne et 23% à la voir correcte. Le montant estimé de l’investissement moyen en économie d’eau est de 150 000 euros par an et par entreprise entre 2018 et 2023, à travers l’échantillon comportant une part importante de grandes entreprises. L’investissement varie fortement, de plusieurs milliers à plusieurs millions sur cinq ans.
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