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Acquisition
Le rapprochement entre Invivo et Soufflet bouleverse l’échiquier céréalier

L’union de coopératives Invivo et le groupe privé Soufflet sont entrés en négociations exclusives. Invivo achèterait l’ensemble agricole et industriel, invoquant la complémentarité des activités au bénéfice de la Ferme France. Des producteurs céréaliers s’inquiètent néanmoins.

Un coup de tonnerre dans le monde céréalier : l’annonce par le Groupe Invivo de son entrée en négociations exclusives avec le groupe familial Soufflet en vue de l’acquisition de 100 % du capital de ce dernier d’ici à la fin de 2021. L’émotion est forte parmi les producteurs céréaliers attachés au négociant ; il est pour eux une autre solution aux coopératives, doublée d’une réussite économique pour laquelle ils prennent parti. Soufflet est un leader mondial en malt et un important industriel en farine et en viennoiserie à travers Neuhauser.

Un fer de lance au service de la transition agricole et des intérêts de la Ferme France

Le projet de cession était connu depuis plusieurs années, aucun successeur ne se présentant. Les négoces agricoles sont couramment intégrés à des groupes coopératifs. Mais pour acquérir un ensemble de près de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, il fallait l’envergure d’Invivo : l’union de près de deux cents coopératives, une coopérative de coopératives, dit-on, qui réalise un peu plus de 5 milliards d’euros en biens et services à ses adhérentes, ainsi que par le commerce international de grains et de vin et la distribution de détail.

Deux ans après avoir terminé la vente à ADM de Neovia, sa branche d’expertise en nutrition animale, Invivo décide d’acquérir un fleuron français des métiers du grain. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a salué sur Linkedin la perspective de rapprochement de deux belles entreprises françaises. Peser plus lourd internationalement pour négocier des agrofournitures et des grains est un enjeu pour Invivo. Un autre enjeu est de « préserver la souveraineté alimentaire de la France – le made in France alimentaire – mais aussi de l’Europe », comme l’invoque Philippe Mangin, président d’Invivo. Le meneur agricole veut constituer « un fer de lance au service de la transition agricole et des intérêts de la Ferme France ».

Chacun préserverait son identité et son positionnement

Les céréaliers ayant affaire à Soufflet craignent, pour l’heure, de faire les frais du rapprochement. Selon un commentateur, « si ce nouveau “mastodonte” décide de réduire nos marges, nous, céréaliers, irons davantage vers le “petit négoce” ». Une crainte que les deux groupes veulent apaiser en insistant sur le fait que chacun préserverait dans la durée son identité et son positionnement. « L’empreinte et les valeurs familiales du Groupe Soufflet demeurent les atouts incontestés de notre identité et jouent un rôle crucial dans la relation de confiance que nous entretenons avec les agriculteurs, nos partenaires depuis plus de 120 ans », déclare ainsi Michel Soufflet, président du conseil de surveillance du groupe Soufflet, dans le communiqué d’annonce du rapprochement.

Michel Soufflet assure que ce projet n’empêcherait pas son groupe de « continuer à servir et aider ses clients agriculteurs à se développer, comme ils l’ont toujours fait avec lui ». Le consultant en agroéconomie Jean Marie Séronie s’interroge toutefois sur le devenir des silos de collecte de Soufflet qui sont en concurrence avec ceux de coopératives adhérentes d’Invivo sur le terrain.

Le business model du big data agricole

« La complémentarité des activités respectives de Soufflet et d’Invivo est le motif essentiel du rapprochement, insiste une source proche du dossier. La transition agricole demande des ressources humaines et le développement de technologies. La digitalisation demande des moyens financiers massifs. »

Soufflet s’engage à travers sa démarche globale « Semons du sens » : filières françaises, tracées, sans traitement après récolte, respectueuses de l’environnement. « Nous faisons en sorte que nos agriculteurs s’adaptent à ces débouchés et en tirent davantage de valeur. C’est un flux tiré de la fourchette à la fourche (et non l’inverse, NDLR) », expose le directeur général du groupe, Christophe Passelande, également directeur de la branche Soufflet Agriculture, dans le rapport d’activité 2019-2020.

Invivo de son côté s’est donné pour mission de « favoriser la transition agricole et alimentaire vers un agrosystème résilient ». L’union offre aux coopératives des expertises informatiques, technologiques et agronomiques, pour rendre les cultures plus écologiques. Invivo veut construire « le business model du big data agricole » et couvrir tous les besoins des agriculteurs sur sa plateforme digitale collaborative. L’arrivée de Soufflet dans le groupe conforterait ses outils tout en soutenant les efforts du négociant agricole.

Des projets au grand export

La complémentarité peut aussi se concevoir en aval des filières, avec des activités industrielles qu’Invivo n’a pas, même si elles restent en concurrence avec les coopératives adhérentes à l’union.

Sur le plan du commerce international de grains, la massification est clairement recherchée par Invivo. Il invite les coopératives à venir remplir ses silos portuaires en vendant une part de leur collecte sur sa plateforme InGrain. Par ailleurs, le groupe s’est associé aux coopératives Axéréal et Natup dans une société du grand export Grain Overseas, avec l’ambition à terme (avant le projet d’acquérir Soufflet) de rassembler 4 millions de tonnes de blé et d’orge fourragère.

Derrière l’allemand BayWa

Le nouvel ensemble que constitueraient Invivo et Soufflet se hisserait, avec 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires, derrière le groupe allemand d’émanation coopérative BayWa, qui présentait 16,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018. Ce dernier est un ensemble agri-énergétique. Son business model, décrit en anglais sur le site baywa.com « combine le commerce, la distribution, la logistique et le service dans ses trois segments principaux : agriculture, énergie et matériaux de construction, ainsi que dans le segment de développement de l’innovation et de la numérisation ». Exerçant en Europe principalement, BayWa « a pris pied en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis et établi des relations commerciales de l’Asie à l’Amérique du Sud en développant ses activités dans les domaines des fruits et des énergies renouvelables ».

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