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Sécurité sanitaire
La fraude alimentaire : un risque à ne pas négliger

Face à des fraudes alimentaires de plus en plus nombreuses, plusieurs stratégies d’anticipation, d’identification et de lutte ont été décrites lors d’un colloque international la semaine dernière à Nîmes. Décryptage.

La première édition du colloque international Food Risk organisé par le groupe Phytocontrol, qui s’est tenue à Nîmes les 30 et 31 janvier, a été l’occasion d’aborder les risques liés à la fraude et à la sécurité alimentaire auxquels les professionnels de l’agroalimentaire sont de plus en plus exposés. Si tous les produits peuvent être concernés, notamment ceux à haute valeur ajoutée, une dizaine de catégories sont souvent ciblées par les escroqueries, d’après le rapport de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen : l’huile d’olive ; le poisson ; les produits biologiques ; le miel ; le lait ; les céréales ; le thé et le café ; les épices ; le vin et les jus de fruits.

Le nombre de fraudes progresse en raison de l’intensification du commerce mondial, la complexification et la fragmentation des chaînes d’approvisionnement et le développement des ventes en ligne. Ces actes peuvent avoir des répercussions considérables, parfois durables, sur les entreprises.

À l’instar de Findus, impliqué en 2013 dans le scandale de la viande de cheval, ou, plus récemment, Ferrero attaqué sur son approvisionnement en noisettes turques issu du travail des enfants que des ONG dénonçaient dans une enquête révélée dans The Guardian. Ferrero ayant reconnu être au courant.

Un panel d’analyses

Selon le produit alimentaire, les laboratoires proposent un panel d’analyses ciblées ou non. Ainsi, les chromatographies ou les spectroscopies permettent de détecter des éventuelles dilutions ou substitutions tandis que l’analyse isotopique et la caractérisation d’éléments traces vont vérifier l’origine géographique et les méthodes de production. Les coûts, variables d’une méthode à l’autre, commencent aux alentours de 200 euros par échantillon analysé. « Il y a de plus en plus de contrôles. Les demandes proviennent des producteurs, des entreprises, des associations de consommateurs et surtout de la grande distribution », commente Franck Dejean, responsable relation clients laboratoire analyses et expertise à Iterg.

Il y a de plus en plus de contrôles

Des technologies plus récentes se frayent aussi un chemin. C’est le cas du séquençage nouvelle génération qui permet d’identifier les composants d’origine animale ou végétale dans un échantillon alimentaire au sein d’une base de données répertoriant plus de 20 000 espèces. Phytocontrol travaille aujourd’hui avec l’Afnor pour aboutir à une normalisation et une reconnaissance de cette méthode d’analyse. Phytocontrol a annoncé le 31 janvier le lancement, en 2022 d’Origo, plateforme technologique dédiée à l’authenticité des produits agroalimentaires. Dotée de 10 millions d’euros et implantée dans la zone de Magna Porta, elle sera équipée de matériel de pointe.

Prévenir les fraudes et assurer la traçabilité

Plusieurs leviers existent pour prévenir les fraudes : « il faut connaître son produit, limiter les étapes intermédiaires, travailler dans les pays d’origine des matières premières, avoir des relations durables et de long terme avec des fournisseurs agréés et audités régulièrement et être à l’écoute des risques potentiels », a insisté Jean-Louis Lafeuille, expert herbes aromatiques et épices chez McCormick & Company.

En ce sens, la Global Food Safety Initiative (Initiative mondiale de la sécurité alimentaire, en français) fournit des évaluations de vulnérabilité des matières selon leur prix, les risques géopolitiques ou encore le climat. « L’évolution de ces indicateurs fait varier les tendances de fraudes, il est intéressant de se maintenir informé », poursuit-il.

La blockchain permet à l’entreprise de se différencier

Assurer la traçabilité est également nécessaire pour limiter les fraudes et « la blockchain permet à l’entreprise de se différencier et d’optimiser sa chaîne de production dans un contexte d’évolution de la réglementation », commente Matthieu Hug, président-directeur général de Tilkal.

Danone a par exemple développé un système de traçabilité de ses poudres de lait infantile en temps réel pour le marché chinois tandis que Naturalim a pu s’offrir de nouveaux marchés sur le miel. « La blockchain pose également la question de l’appartenance et la gestion des données : intégrer les associations et les laboratoires au sein d’un système collaboratif est aussi à construire », poursuit-il.

Des cadres réglementaires multi-échelles et des opérations terrain

Si l’huile d’olive est très contrôlée, car soumise à de nombreuses normes en France et à un règlement européen, ce n’est pas le cas d’autres denrées. Par exemple, l’huile de tournesol ne fait l’objet que de recommandations émises par le Codex. « Il serait nécessaire d’avoir des normes européennes et mondiales », commente Franck Dejean. Par ailleurs, les laboratoires d’analyse français n’ont aujourd’hui aucune obligation d’alerter les autorités publiques s’ils détectent une molécule illégale lors d’un contrôle, contrairement à leurs homologues belges et roumains.

Les chaînes criminelles sont complexes et régionales

Les opérations Opson sont menées annuellement par Interpol, pour retirer du marché des denrées alimentaires contrefaites et démanteler des groupes criminels. Cependant, « les chaînes criminelles sont complexes et régionales, rendant les interventions délicates. Il faut encore renforcer la coopération internationale, améliorer les liens entre secteur public et secteur privé et impliquer davantage les systèmes judiciaire, décisionnaire et académique », commente Francesco de Angelis, officier du renseignement criminel à Interpol.

Des exigences renforcées dans la version 7 de l’IFS Food

L’IFS Food, le référentiel d’audit de la qualité et de la sécurité des produits alimentaires reconnu internationalement par la GFSI, a revu à la hausse ses exigences en matière de fraude alimentaire. Les entreprises devront identifier les risques pour l’entreprise et définir des critères pour évaluer la vulnérabilité à la fraude alimentaire de leurs matières premières, ingrédients, emballages et produits sous-traités. Des plans de réduction et de surveillance de la fraude alimentaire devront aussi être mis en œuvre et revus selon les risques. Reconnue par la DGAL en décembre 2019, la version 7 sera publiée d’ici à mars et sera mise en place obligatoirement au 1er trimestre 2021.

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