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Crise des abattoirs : que retenir du rapport de la mission parlementaire ?

La Commission économique de l’Assemblée nationale a lancé une mission d’information sur les problématiques économiques de l’abattage dans le contexte de réduction des cheptels. Dans leur rapport publié la semaine dernière, les députés font le constat de la fragilité du secteur et proposent 21 recommandations pour soutenir un maillon indispensable à la filière viande. 

pistolet étourdissement en abattoir
La mission d’information sur les problématiques économiques de l’abattage dans le contexte de réduction des cheptels a présenté son rapport le 28 mai.
© Virginie Pinson

Il reste en France 230 abattoirs de boucherie en 2024, mais une trentaine pourrait encore fermer d’ici un an, alerte la mission d’information sur les problématiques économiques de l’abattage dans le contexte de réduction des cheptels. Les députés Christophe Barthès (RN) et Thierry Benoit (Horizons & Indépendants) ont présenté les résultats de leurs auditions commencées en octobre ce 28 mai.

21 propositions pour soutenir les abattoirs

Après avoir constaté la fragilité de ce maillon de la filière viande, les députés ont émis 21 recommandations, visant à soutenir la compétitivité de la filière, accentuer contrôles et transparence, pousser la réflexion sur la valorisation des coproduits, pousser l’approvisionnement local notamment en restauration collective, développer l’attractivité des emplois. Les députés suggèrent aussi d’encadrer davantage l’abattage rituel. 

 

 

Soutenir l’amont agricole pour garantir de la matière aux abattoirs

La crise que traversent les abattoirs français est liée à la décapitalisation qui se traduit par une baisse des volumes et une diminution de l’activité des abattoirs. La concentration des sites parait donc « inévitable » préviennent les rapporteurs, afin de garantir un maillage territorial essentiel pour certaines filières et la mise en place des circuits courts, ils insistent « les grands abattoirs et les structures de plus petite taille doivent ainsi être considérés comme des modèles complémentaires ». Pour soutenir les élevages, et donc le maillon suivant, les députés préconisent de relever les seuils applicables aux installations d’élevage françaises et les aligner sur la réglementation européenne, une position défendue notamment par la FNSEA, ainsi qu’une réorientation de la prochaine PAC vers l’élevage et les prairies

Lire aussi : Viande bovine : « Il faut financer un maillage territorial des abattoirs » pour la FNH

Développer la contractualisation

 Constatant la faible appétence de la filière bovine aux contrats, les députés proposent aussi de les simplifier et de proposer une trame type de contrat Egalim. Les contrats tripartites pluriannuels sont aussi recommandés. Les députés mettent en avant la hausse des exportations d’animaux vivants ces dix dernières années et réclament de mieux cibler les aides financières pouvant inciter à l’engraissement des animaux en France.

Lire aussi : Luberon : « Nous voulons construire un abattoir semi-mobile, pour les ovins et caprins »  

Gouvernance, contrôle et transparence des abattoirs

Les contrôles sanitaires en abattoirs sont « exigeants, mais sécurisants » jugent les députés, qui proposent de revaloriser les métiers d’inspection sanitaire (vétérinaires et auxiliaires) pour garantir la sécurité sanitaire et le bon fonctionnement des abattoirs, en s’appuyant sur les recommandations du CGAAER et du CNEAb. Par ailleurs, le niveau d’exigence concernant la conformité des carcasses pourrait varier d’un abattoir à l’autre ou selon les départements, selon les personnes interrogées dans le cadre de la mission parlementaire. D’où une volonté de s’assurer de l’application rigoureuse et homogène des normes sanitaires sur l’ensemble du territoire afin d’éviter toute distorsion entre les sites d’abattage, en renforçant le pouvoir d’autorité du préfet. Les députés demandent en revanche que le préfet informe en amont les élus d’un territoire lorsqu’il envisage le retrait de l’agrément d’un outil.

Lire aussi : Viande : « Il faut redonner à tous les maillons de la chaîne des leviers de compétitivité » 

Maintenir le maillage territorial des abattoirs 

Les abattoirs publics, souvent en difficulté, ne représentent plus que 7 % de la production de viande française, selon des données de 2020. Leur rentabilité n’est pas toujours assurée, mais certains ont un rôle d’intérêt général dans le maintien des filières locales, notamment pour les petits élevages en polyculture-élevage. Les députés se montrent circonspect sur la concentration en cours dans les grands outils privés, qui « réduit la concurrence et limite les débouchés pour les éleveurs » et « peut accroître les risques en cas de crise sanitaire ». 

Lire aussi : Décapitalisation, Egalim, crise des abattoirs, tensions avec la GMS, Jean-Paul Bigard s’explique face aux députés

D’où l’importance de préserver un maillage territorial. Ils relèvent aussi que le repreneur belge Sopraco de l’abattoir AIM d’Antrain a bénéficié d’une subvention de 1,6 million d’euros pour des travaux de modernisation, dont 832 000 euros ont été versés en avance. Cependant, ces investissements n’ont pas été réalisés, ce qui a conduit la préfecture à suspendre l’agrément d’abattage de l’établissement. Les députés demandent en conséquence de contrôler et évaluer pour chaque abattoir ayant bénéficié d’aides publiques, la mise en œuvre des plans Denormandie et Fesneau et en rendre les résultats publics.

Lire aussi : Abattoirs : quels critères pour avoir droit au fonds de garantie

Approvisionnement local, circuits courts et restauration collective

Face à l’essor des importations, les députés demandent de porter une initiative au niveau européen en faveur d’une obligation d’information sur l’origine de la matière première agricole. Toujours dans une logique d’information du consommateur, ils demandent de faire évoluer la réglementation en matière d’étiquetage et d’affichage afin d’élargir les obligations d’information aux produits transformés ainsi qu’aux autres produits issus d’animaux (œufs, fromages…). Les députés jugent aussi que les écoles pourraient être un vecteur de valorisation des productions locales, de qualité et en circuit court de la viande française, en joignant, par exemple, l’objectif d’approvisionnement des cantines à celui de sensibilisation aux métiers et enjeux de la filière.

Lire aussi : Porc : « Les abattoirs français résistent pour le moment mieux que ceux en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas » 

Valorisation des produits et coproduits

Les rapporteurs considèrent que la réglementation actuelle liée à la crise de la vache folle, qui ne permet pas de vendre certaines farines animales issues de bovins, engendre des distorsions de concurrence puisque, dans le Sud-Est asiatique, elles sont utilisées pour nourrir des poissons susceptibles d’être vendus sur les marchés français et européen (sous forme éventuellement de produits transformés). Par ailleurs, ils jugent que la très forte concentration de la filière équarrissage autour de deux acteurs, Saria et Akiolis nécessite de renforcer les contrôles de la DGCCRF pour garantir l’absente de pratiques abusives au regard du droit de la concurrence. 

Lire aussi : Pourquoi les prix des abats et des co-produits du porc se sont effondrés 

Des débouchés dans les carburants pour les graisses

Les députés constatent que les cours des graisses C1 (éliminées ou ne peuvent être valorisées qu’énergétiquement) se reprennent grâce à des objectifs d’incorporation dans les carburants pour l’aviation. En conséquence, ils proposent de favoriser les programmes de recherche et d’innovation axés sur l’intégration de coproduits à la création de sources énergétiques, à l’instar des carburants constitués à partir de graisses animales. La question de la valorisation des peaux est aussi évoquée, qui pourraient être mieux valorisées.

Emploi, attractivité et formation

Le travail en abattoir est jugé difficile, physique et contraignant, ce qui explique la faible attractivité des métiers pour les députés, qui proposent d’encourager le développement des formations internes, la généralisation des parcours diplômants au sein des entreprises, et la mise en place de conventions collectives pour de meilleures rémunérations. Autre piste, des partenariats avec France Travail et les chambres d’agriculture pour renforcer la visibilité des métiers en abattoir. L’automatisation permet d’améliorer les conditions de travail mais n’est pas adaptée à tous les outils.

Abattage rituel et bien-être animal

L’interdiction de l’abattage rituel, mesure portée par le RN, est jugée contreproductive au regard de l’exemple belge. La Flandre et la Wallonie l’ont effectivement interdit, ce qui s’est traduit par un afflux de viande halal en provenance de Hongrie, pays jugé moins regardant en général sur le bien-être animal. 

Lire aussi : Halal : des ventes en GMS en croissance de 15 % en deux ans

Néanmoins, les députés jugent que l’abattage rituel doit rester exceptionnel. Ils préconisent ainsi de le conditionner à l’établissement d’une commande claire, faisant l’objet de relevés et de contrôles réguliers par les autorités compétentes dans l’objectif d’établir une base de données fiable sur ce type d’abattage. Ils demandent aussi la reprise du dialogue entre la CNEAb et les cultes sur les modalités de l’abattage rituel, notamment le développement de techniques d’étourdissement susceptibles de concilier les exigences des rites cultuels, de la protection sanitaire et du bien-être animal. 

 Voir le rapport complet

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