Traiteur frais : comment mieux répondre à la demande
Le traiteur frais présente l'un des rayons les plus dynamiques des GMS. Toutefois, le potentiel du secteur reste encore largement sous-exploité selon le syndicat ETF. Cet « eldorado », selon son président, est à la portée des distributeurs à condition qu'ils prêtent l'attention nécessaire à la mise en avant des innovations. Une étude a été récemment livrée en ce sens.
Il y a encore beaucoup à travailler sur l'usage des produits traiteur », convenait une category manager de la marque Marie (LDC) au buffet de la journée Traiteur frais le 25 juin dernier à Paris. « Il y a beaucoup de travail pour mieux répondre aux besoins de consommation », abondaient des responsables de la marque Saint-Jean. « C'est un domaine multisectoriel, il n'a pas de limite », commentait encore le responsable des marques de clients de Bonduelle Traiteur.
Comment ce domaine diffus peutil mieux exploiter son potentiel ? L'étude Iri, présentée devant quatre-vingts invités du syndicat ETF (Entreprises du traiteur frais), a livré quelques pistes à exploiter. Elle invite les enseignes à se démarquer à travers les produits traiteur et les responsables de magasin à faire rentrer le chaland chez eux plutôt que chez le boulanger ou le freezer center du coin. Pierre-Yves Ballif (Blini), président d'ETF, a brandi un lingot d'or dans sa mise en scène d'ouverture : représentation selon lui de « l'eldorado » qu'est le traiteur frais pour les distributeurs.
Un univers « presque d'impulsion »Le potentiel de gain supplémentaire des supermarchés et hypermarchés, dans ce domaine qui représente déjà 8 % du chiffre d'affaires des produits de grande consommation, est de « 800 millions d'euros », a-t-il rappelé en référence à une étude précédente. Un gain à court terme et sans cannibaliser d'autres rayons, a-t-il promis. Le président d'ETF a aussi annoncé l'arrivée de « la génération du prêt-à-consommer », selon le classement par tranches d'âge du Crédoc.
“ C'est un domaine multisectoriel, il n'a pas de limite
” Le traiteur « fait entrer dans le magasin et augmente le volume du panier », a assuré pour sa part Frédéric Nicolas, directeur « shopper insights » d'Iri, sur la foi d'un sondage auprès d'un millier de « shoppers » comprenant 36 interviews. 64 % des interrogés fréquentent régulièrement cet univers. Celui-ci est « presque d'impulsion », a-t-il souligné, le situant à cet égard à mi-chemin entre la moyenne des produits de grande consommation et les confiseries de chocolat. Le goût et la variété apparaissent en première position des premiers critères de choix, bien devant le prix, auquel près d'une personne sur deux ne prête pas attention. Les notes attribuées aux magasins montrent une très forte corrélation à l'assortiment traiteur, dévoile encore ce sondage (corré-lation plus importante que pour les fruits et légumes). Or, ces notes sont en moyenne médio-cres, a observé le présentateur Iri.
« Snacking parisien »L'attente en caisse, le temps passé à se procurer des produits traiteur en grandes surfaces, l'impossibilité de s'asseoir sont les principaux éléments de réprobation. En>> outre, les produits achetés en grandes surfaces sont perçus comme moins bons que ceux qu'offrent les commerces de proximité. Les magasins ont donc à faire gagner du temps aux chalands tout en répondant à leur recherche de plaisir.
“ Le snacking et l'apéritif, sources de croissance
” L'univers traiteur doit se situer en amont du parcours de course, selon l'étude. Deux sources de croissance sont aujourd'hui évidentes : le snacking et l'apéritif. Ce premier domaine pourrait constituer une catégorie en soi, selon la directrice d'unité à Iri Séverine Malmejean (voir page 13) ; à la réserve près que « chacun a sa définition du snacking ». Beaucoup de rayons répondent au besoin de manger sur le pouce. À chaque magasin de concevoir sa propre offre de service.
Les magasins typés « snacking parisien », selon Iri, s'adressent à des actifs aisés faisant des petites courses. Ce sont de gros acheteurs de traiteur, recherchant une alimentation équilibrée. Les produits traiteur représentent aujourd'hui 53,3 % des ventes en frais de ces magasins. Stéphane Sinopoli, qui vient d'ouvrir un Intermarché tout près de Paris à Clichy, a fait une bouillonnante présentation des succès immédiats du « penser client » – politique qu'il a appliquée à tous les secteurs de son magasin de 780 m2 . Le snacking y est à l'honneur et pourrait gagner en importance pour la troisième fois d'ici à la fin 2015, a confié l'entrepreneur.
Neuf leviers identifiésQuel que soit le type de magasins, un pôle « snacking est à systématiser », montre l'étude. L'apéritif est « un pôle à créer », selon l'étude, avec des variantes en fonction du type de magasins : plus présent dans les magasins fréquentés par des personnes âgées que dans les hypermarchés. Iri conseille ainsi de hiérarchiser neuf leviers : le large choix (clé du succès des magasins au traiteur performant) ; la qualité des produits et leur belle présentation ; donner envie ; favoriser l'exploration (foison d'innovation là où le traiteur est performant) ; favoriser l'impulsion ; développer (ou ressusciter) la coupe ; bâtir un pôle snacking, ainsi qu'un pôle apéritif frais ; accélérer les parcours dans le magasin.
Les Marchés Hebdo : Quels motifs ont conduit le syndicat ETF à commander l'étude Iri, présentée à la journée du Traiteur frais ?
Patricia Rebillard : Le consommateur évolue, pas les magasins. Une précédente étude, datant d'il y a deux ans, a montré que les dis-tributeurs avaient 800 millions d'euros à gagner sans cannibalisation d'autres rayons en mettant mieux en valeur les produits traiteur frais. Ils nous ont dit « d'accord mais aidez-nous ».
LMH : Comment cette étude a-t-elle été conçue ? P. R. : Nous avons rencontré les distributeurs l'été dernier et monté un groupe de travail avec les category managers et responsables marketing d'une douzaine de nos adhérents, sans considération de leur concurrence. Il y avait des responsables de Bon-duelle, Martinet, Lustucru, Blini, etc. ; ces personnes se sont investies dans la sélection de l'institut qui allait engager la crédibilité du secteur. Il fallait de plus que les résultats soient opérationnels, aussi bien pour les fabricants que pour les distributeurs.
LMH : Que représente l'achat de cette étude par rapport aux moyens du syndicat ETF ?
P. R. : Elle a absorbé notre budget communication. Mais c'était une priorité de travailler sur les attentes des consommateurs. Nous avons un secteur très vivant, comprenant quinze à vingt familles de produits mouvantes. S'y repérer est difficile.
LMH : Les adhérents en tireront-ils des bénéfices immédiats ?
P. R. : Ce sera plutôt à moyen terme. Il est important qu'ils aient des pistes à explorer avec leurs clients. Chacun a sa vision du marché traiteur. Notre rôle est de l'élargir. Quatre-vingts personnes sont venues à cette quatrième journée à Paris, malgré la grève des taxis ; c'est signe de leur intérêt. Les dirigeants ont en particulier besoin de repositionner leur offre dans l'univers des consommateurs. Les distributeurs sont prêts à évoluer. Deux enseignes ont déjà pris rendez-vous pour une restitution plus complète de l'étude. De notre côté, nous allons faire le tri selon la typologie de magasins réalisée et les convier à des réflexions.
LMH : Les entreprises du traiteur frais ont-elles les moyens d'innover suffisamment ?
P. R. : L'innovation sur ce marché est le nerf de la guerre. Mais il suffit parfois de rendre plus visible un produit existant. Que les distributeurs reviennent à leur métier de commerçant, et ils vont s'en rendre compte. Les industriels, eux, ne vont pas lancer un produit nouveau sans pouvoir les tester et avoir l'écoute des distributeurs.