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Sommet de l’élevage : « La première chose à faire, c’est de faire naître les veaux ! » pour Emmanuel Bernard d’Interbev

Alors que le Sommet de l’élevage commence, Emmanuel Bernard, éleveur bovin et président d’Interbev revient pour Les Marchés sur les grands enjeux du moment, Mercosur, crise sanitaire et manque d’offre qui pèse sur la santé des abattoirs et des maillons de l’aval de filière bovine française.

Pour Emmanuel Bernard, président de la section bovine d’interbev, il faut continuer à travailler sur la contractualisation en viande bovine.
Pour Emmanuel Bernard, président de la section bovine d’interbev, la contractualisation est la clé face aux difficultés d’approvisionnement en viande bovine.
© X. Granet - Interbev

Les Marchés : Le Sommet de l’élevage se déroule sans vaches, quel est l’état d’esprit ? 

Emmanuel Bernard : Même dans ces circonstances, le monde de l’élevage a toujours autant envie d’aller au Sommet d’élevage, pour les innovations, les avancées techniques mais aussi et surtout pour échanger. On ne peut pas rester isolés sur la question sanitaire. Néanmoins c’est une déception, voire une frustration, pour les éleveurs investis dans la génétique et attachés aux concours, et l’activité commerciale est énormément pénalisée. 

On ne peut pas rester isolés sur la question sanitaire

LM : Le Mercosur sera un sujet important dans les allées du Sommet…

E.B. : Oui. En France, tout le monde est convaincu que cet accord est nocif, syndicats, partis politiques, opinion publique. Notre ambition est de montrer qu’il existe dans notre pays de vrais territoires d’élevage, porteurs de modèles de production durables, bien loin de ce qui existe dans les pays du Mercosur. 

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La Commission européenne ne procède pas de manière démocratique, c’est regrettable. Il est légitime que nos parlementaires saisissent la Cour de Justice Européenne.

Lire aussi : Les vaches allaitantes passent toujours plus au hachoir

LM : Une récente étude économique juge que le Mercosur ne pénaliserait pas outre mesure l’élevage allaitant français, qu’en pensez-vous ?

E.B. : Nous sommes en train d’étudier cette publication. Néanmoins, au-delà des chiffres, on est aussi modèle contre modèle. Que veut-on aujourd’hui ? Supprimer tous les efforts de responsabilité sociétale entrepris par la filière bovine ? Passer au-dessus de la volonté des citoyens français ? Accepter d’importer une production qui ne respecte pas la réglementation européenne ? De plus, ce n’est pas le seul accord de libre-échange qui concerne la viande bovine. Il y a le Ceta, le Mexique, l’Australie et bientôt peut-être l’Inde ! 

Lire aussi : Accord UE-Mercosur : « la Commission a répondu à côté de la plaque à la France et aux agriculteurs »

LM : La situation politique française permet-elle de gérer ces grands enjeux, commerce et santé animale ?

E.B. : Il faut vraiment faire la part des choses. La situation politique en France a été instrumentalisée par la Commission européenne pour accélérer l’accord avec le Mercosur, avec un calendrier très stratégique pensé pour passer en force. La France a aussi perdu du poids dans la feuille de route de l’UE. 

Mais sur la question sanitaire, c’est très différent. L’État gère la crise de manière rationnelle. Et la ministre de l’Agriculture démissionnaire, qui connaît bien ces sujets, reste mobilisée. 

LM : La décapitalisation tend à s’accentuer, où en est-on ?

E.B. :  Attention, la situation est plus complexe qu’il n’y paraît. Nous avions réussi à freiner la décapitalisation en viande bovine avant la FCO et la MHE. Actuellement c’est l’effet sanitaire qui domine, et la baisse des naissances nous préoccupe au plus haut point. Il y a eu 250 000 veaux en moins en 2024 (dont 180 000 liés à la FCO et la MHE) et la tendance se poursuit en 2025. 

Pour ceux qui ne sont pas touchés par la crise sanitaire, le moral est bon !

Mais il faut voir que toutes les vaches non productives n’ont pas été réformées. Les éleveurs retentent une mise bas après la maladie. Ils parent au plus pressé. L’important est de vacciner et de retrouver la santé du troupeau. Certes, la décapitalisation continue mais elle est davantage liée à cette baisse des naissances. Face à cela, les éleveurs cherchent des solutions. La première chose à faire, c’est de faire naître les veaux ! 

Lire aussi : Pourquoi le cheptel bovin a-t-il tant reculé dans l’Union européenne en 2024 ?

LM : Les prix battent des records historiques, l’état d’esprit des éleveurs a-t-il changé ? 

E.B. : Pour ceux qui ne sont pas touchés par la crise sanitaire, le moral est bon ! C’est une très bonne nouvelle de voir que les prix dépassent les coûts de production, ça apporte enfin un peu de sérénité. Les prix français restent encore en retrait par rapport à ceux du marché européen mais le marché français est moins volatil. 

Lire aussi : Le prix des taurillons R dépasse les 7 €/kg

LM : Et comment vont les abatteurs dans ce contexte ?

E.B. : Les abatteurs manquent d’offre, et doivent répercuter la hausse des prix. Les prix de la viande ont augmenté moins vite que les cotations des bovins1. Ils rencontrent pourtant des difficultés à répercuter partout la hausse des tarifs. Ce n’est pas dans leur mode de travail car habituellement ils sont habitués aux variations saisonnières et leurs stocks font tampon. Pour le moment, ces hausses sont acceptées par le consommateur, puisque la consommation baisse moins vite que la production. 

La consommation baisse moins vite que la production. 

La viande bovine reste pourtant, aujourd’hui encore, un produit d’appel de la grande distribution, qui figure dans les catalogues, avec des promotions. Notre volonté est que la viande bovine demeure un produit du quotidien pour les consommateurs. 

Lire aussi : « En réalité, les Français consomment toujours autant de viande »

LM : Comment l’aval peut-il assurer ses approvisionnements ? Où en est la relocalisation de l’engraissement ?

E.B. : C’est là le vrai sujet. On avait gardé davantage de broutards, mais la situation sanitaire ralentit leur sortie. La première chose à faire, c’est de faire naître des veaux ! Il faut continuer de mettre en place des filières d’engraissement pour concurrencer les débouchés export, Italie et Espagne, de nos veaux, nos femelles ou nos broutards. Aujourd’hui, on peut vivre correctement en étant engraisseur, comme naisseur. 

Il faut aussi pouvoir offrir aux éleveurs naisseurs-engraisseurs la même visibilité qu’aux engraisseurs

La contractualisation n’est pas vraiment dynamique vu les prix actuels mais nous devons continuer à y travailler. Il faut aussi pouvoir offrir aux éleveurs naisseurs-engraisseurs la même visibilité qu’aux engraisseurs. En tant qu’éleveur naisseur-engraisseur, je sais combien l’inertie financière supérieure est lourde. Nous devons trouver avec les metteurs en marchés des solutions plus adaptées.

Lire aussi : Crise des abattoirs : que retenir du rapport de la mission parlementaire ?

1les cotations sont orientées à la hausse depuis fin 2024, atteignant des niveaux rarement observés, tant pour les vaches (+30% en moyenne par rapport à 2024) que pour les jeunes bovins (+28% en moyenne / 2024). Pour autant, le prix de la viande bovine augmente moins vite (+5,8% par rapport à juillet 2024 – IPCH d’après INSEE) et la consommation par bilan reste globalement stable, avec un repli limité de -1,4 % en 2024 par rapport à 2023, traduisant une relative stabilité de la consommation.

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