L’avis d’un exportateur de produits bio en Europe
Selon Jean-Marc Denan, exportateur, les produits bio doivent s’adapter à la demande des marchés européens
Les Marchés Hebdo : Vous exportez en Europe des produits biologiques de PME françaises. Le Made in France plaît-il en Europe ?
Jean-Marc Denan : L’origine française n’est pas un sésame. Le marché recherche de l’innovation et/ou de l’antériorité de marque. À mes PME je propose, comme le dit ma bannière, d’« exporter de la bio innovante ». L’innovation est dans les matières première utilisées ou dans le processus de fabrication. Les filières innovantes sont l’épeautre, le lin, le chanvre par exemple. Je vous donne un exemple de procédé particulier qui fait la différence ; c’est celui d’un fabricant provençal de pâtes, Lazzaretti, qui a été le premier en Europe à se lancer dans les pâtes aux légumineuses. Les siennes sont savoureuses. Pourquoi ? Parce qu’il a un outil qui les fabrique à froid, alors que les machines usuelles pour pâtes au blé dur cuisent et déstructurent la farine de légumineuses. La cadence est plus lente que sur du matériel industriel mais la qualité gustative de ces pâtes leur a valu de se distinguer en Italie. Voilà, en France, on sait innover dans des outils qui ne chauffent pas trop, ne broient pas trop, qui préservent les nutriments et le goût des matières premières.
LMH : Mais les industriels ne manquent-ils pas trop de matières premières biologiques ?
J.-M. D. : Depuis quinze ans que j’exporte des produits bio, la situation s’améliore vraiment. Des filières de lentilles françaises se mettent en place ; on n’a plus besoin d’en importer de Turquie. Savez-vous que la France est le premier producteur de graines de lin, une culture qui demande peu d’eau, peu d’intrants. Notre souci n’est plus dans l’accès aux matières premières, il est dans l’écosystème réglementaire et fiscal de France, qui fait qu’on ne passe pas à l’export avec des produits du terroir conventionnels, et qui met en difficulté nos PME. On surjoue la réglementation européenne et il serait temps que Bercy distingue les TPE-PME et les grandes entreprises sur le plan fiscal.
LMH : Dans quelles filières le bio français est-il fort à l’exportation ?
J.-M. D. : Je dirais dans notre savoir-faire polyvalent. Mais je parlerais plutôt d’une faiblesse : les entreprises éprouvent des difficultés à s’industrialiser pour augmenter les cadences.
LMH : Et dans la boulangerie-biscuiterie-pâtisserie ?
J.-M. D. : On fait du franco-français ; on surinvestit dans la qualité, mais ce n’est souvent pas comme ça que nous sommes perçus au-delà des frontières. Le problème du bio français est l’adaptabilité aux marchés où l’on exporte.