Les filières européennes face aux demandes sociétales
Réagissant aux mouvements sociétés de fond qui heurtent les produits animaux, du sans viande au flexitarisme, les filières européennes, auxquelles Coop de France Nutrition animale tendait le micro lors de sa dernière convention, proposent des réponses. Témoignages.
Antibiorésistance, diététique, santé humaine, environnement, statut de l’animal… Autant de sujets auxquels sont confrontées les productions animales, car les consommateurs ne se contentent plus d’aller remplir leur caddie : ils exigent du sens. En posant des questions sur les OGM, le bien-être à l’abattoir ou les circuits courts, a expliqué Bruno Hérault, chef du Centre d’étude et de prospective du ministère de l'Agriculture, lors de la dernière convention Coop de France Nutrition animale du 9 novembre. Il constate qu'« il ne s’agit pas d’être désolé des changements permanents dans le champ de l’alimentation, mais de faire avec. L’alimentation accompagne les rapports sociaux, même si ces changements déstabilisent aujourd’hui les systèmes de production autour de points clés comme la valeur santé, l’affirmation des valeurs du développement durable et le changement de représentation de l’animal. Les courants les plus puissants se réunissent aujourd’hui sur le "sans viande" ».
Pour Christine Roguet, agroéconomiste à l'Institut du porc (Ifip) – qui a conduit une étude sur les demandes des consommateurs dans cinq pays européens au sein du GIS élevage demain –, il existe « un gradient d’interrogations entre le nord et le sud de l’Europe avec des préoccupations plus fortes et anciennes aux Pays Bas et au Danemark sur les conditions d’élevage, leur émergence en Allemagne alors qu’elles restent moins vives en Espagne ».
Collaboration avec les ONG dans les pays du Nord
Ainsi, dans le nord de l’Union européenne, les questions de protection animale sont formulées par des ONG avec lesquelles les filières ont pu mettre en place des solutions concrètes sur les modèles de production que ce soient des poulets à croissance plus lente ou des porcs une, deux ou trois étoiles. Le consommateur paye un peu plus, et la prime revient aux producteurs en fonction de leurs efforts. Pour Jan Kamphof, directeur commercial d'Agrifirm aux Pays-Bas, présent également en Pologne : « nous avons depuis longtemps des ONG avec lesquelles nous discutons, ce n’est pas le cas dans les pays de l’Est où ce sont les distributeurs et les chaînes de restauration rapide qui fixent les règles. Aux Pays-Bas, certaines ONG réclament des élevages nourris sans matières premières importées. C’est impossible à généraliser, mais nous pouvons mettre en place des niches pour cela ».
La France est moins bien lotie estime Christine Roguet : « les pays du Nord possèdent des ONG nationales de protection animale depuis le XIXe siècle. Ce n’est pas le cas en France, et les demandes sont ici beaucoup plus diverses ce qui rend plus difficile d’y répondre avec une solution portant uniquement sur les conditions d’élevage ». Ismael Martinez, du groupe laitier espagnol Feiraco, constate, quant à lui, qu’« en Espagne, la seule ONG de protection animale lutte contre la corrida, mais la rumeur monte autour du “lait, poison blanc”. Nous, nous répondons en travaillant sur l’alimentation de la vache laitière pour améliorer le profil nutritionnel du lait et son goût ».