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Chronique
Droit de la consommation : vers une évolution à l’anglo-saxonne ?

La loi no 699-2020 du 10 juin 2020 sur la transparence de l’information sur les produits agricoles et agroalimentaires pose plusieurs questions de principe qui méritent que l’on s’y attarde. Analyse.

La loi sur l’information des produits agricoles et agroalimentaires (JO du 11 juin 2020), adoptée presque au sortir du confinement du printemps 2020, doit être retracée dans son contexte, tant celui-ci est important. En effet, par sa décision 2018-771 DC, le Conseil constitutionnel avait annulé pas moins de 23 dispositions de la loi Egalim qui avaient été ajoutées au texte de base, pour violation de la procédure législative, et qui ne présentaient pas de lien, même indirect, avec celui-ci.

Il n’est pas inutile de rappeler que le texte de base de la loi Egalim soumise au Parlement comprenait 17 articles, et que la version finale en comprenait 98, ce qui n’est pas sans convoquer la célèbre tirade de Rodrigue au roi, dans l’œuvre magistrale de Pierre Corneille : « Nous partîmes cinq cents, mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port… » (Le Cid) !

Pour l’essentiel, il s’agissait d’amendements de pure circonstance, totalement catégoriels, allant de la dénomination « montagne » à la « clairette de Die », en passant par une obligation d’information du consommateur sur les lieux d’élevage d’huîtres ou l’usage du terme « équitable ». Or l’article 45 de la Constitution du 7 novembre 1958 exige que les amendements présentés en première lecture aient un lien, même indirect, avec le texte présenté ou transmis. Le Conseil constitutionnel a jugé que ce n’était pas le cas des 23 articles qu’il a censurés, appliquant, quant à ceux-ci, une jurisprudence constante depuis 1958. Tel est l’historique chargé de la loi du 10 juin 2020 précitée.

Cinq mesures aux visées catégorielles

Pour l’essentiel, cette loi, qui ne reprend pas dans le détail l’intégralité des dispositions annulées par le Conseil constitutionnel, complète l’article L412 du Code de la consommation, en créant des articles L412-8 à L412-12. De quoi s’agit-il ? Notre Code de la consommation comporte un Livre IV titre I spécialement dédié à la conformité des produits.

À l’intérieur de cette section figurent des obligations générales, applicables à tous les produits et services, et à tous les secteurs, et des obligations spécifiques. Initialement détaillées par la loi Hamon du 14 mars 2016, qui avait créé les articles L412-3 à L412-6, la loi du 10 juin dernier amplifie ce développement en créant les articles L412-8 à L412-12, l’article L412-7 ayant, quant à lui, été créé par la loi no 2020-105 sur laquelle nous reviendrons. à la fin, ce sont cinq textes d’application spéciale et aux visées catégorielles qui sont créés.

L’un impose au vendeur à distance de produits agroalimentaires l’application des dispositions de l’article L221-5 du Code de la consommation qui, nous semble-t-il, se suffit à lui-même. Le deuxième surréglemente les obligations des établissements proposant des repas à consommer sur place, quant à l’origine des viandes. Le troisième porte sur la communication des denrées contenant des protéines, afin de distinguer celles qui contiennent des protéines animales de celles qui contiennent des protéines végétales. Le quatrième oblige les débits de boissons à préciser l’origine géographique de leurs vins, et le dernier oblige les producteurs de bières à indiquer le nom et l’adresse de leur producteur sur l’étiquetage.

Ces textes ne vont pas sans interroger sur l’évolution de notre droit et la construction de celui-ci.
Alors que, traditionnellement, la loi est l’expression de la volonté générale, et qu’il est constant que celle-ci est générale et abstraite, nous constatons une évolution vers toujours plus de spécificité, comme le droit de « common law », comme si plus personne n’était capable d’appliquer les principes généraux du droit, ce qui devrait être analysé comme une véritable défiance pour nos magistrats.

En effet, pour rester dans notre domaine, l’article L411-1 du Code de la consommation ne prévoit-il pas, en substance, que dès leur mise sur le marché, les produits doivent répondre à la législation qui leur est applicable, au regard de la santé et la sécurité des personnes ? Les obligations précontractuelles et contractuelles d’information n’ont-elles pas une portée générale au bénéfice des consommateurs ? Et, en définitive, est-ce que trop de réglementations ne finiraient pas par tuer le droit ?

Maître Didier Le Goff

Fort d’une expérience de plus de 25 années, dont près de 20 ans comme associé d’un cabinet parisien de premier ordre tourné vers le droit commercial et la vie des affaires, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l’entreprise, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, il a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire. Il a fondé, en 2018, avec quatre confrères de spécialités et barreaux différents, une plateforme dédiée aux segments de marché de l’agroalimentaire, parfums, fleurs et leurs produits dérivés : www.leschampsdudroit.fr.
24 bis, rue Greuze, 75116 Paris - www.dlegoff-avocat.fr

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