Abattoir : des questions de conscience
La Fédération des abattoirs prestataires de services tenait son assemblée générale à Perpignan le 14 octobre dernier. Le bien-être était au cœur des débats. Compte rendu.
Après une année pour le moins difficile pour le monde de l’abattage avec la diffusion par L241 de vidéos de maltraitance, la Fédération nationale des exploitants d’abattoirs prestataires de services (Fneap) a tenu son assemblée générale à Perpignan (66). Au cœur d’une région largement touchée par ces révélations. « Nous sommes à Perpignan parce que la ville est dotée d’un nouvel abattoir, et que nous avions promis à Vincent Copin, son directeur, de venir le visiter dès qu’il serait ouvert », précisait Éric Barnay, président de la fédération en introduction. Au cours des discussions de la matinée ouverte à la presse, il fut largement question des évolutions à venir à la suite de ces scandales, et à la remise du rapport des parlementaires le 12 octobre dernier. Intervenant au nom du directeur de l’abattoir du Vigan (30), l’éthologue Cécile Bourguet tenait à préciser qu’il y avait une grande différence entre l’abattoir vu sur les vidéos de L214 et celui qu’elle conseille aujourd’hui. « Les deux personnes en cause ont été licenciées, et l’abattoir veut devenir un établissement pilote en matière de bien-être animal », précisait-elle.
L’essentiel des discussions de la matinée allait ensuite tourner sur l’étourdissement et l’évaluation de l’inconscience des animaux. En l’absence de système fiable, c’est bien à l’opérateur de vérifier et d’évaluer la portée de l’étourdissement et de détecter les reprises de consciences éventuelles. « C’est quelque chose qui est difficile à faire, expliquait Valérie Dupont, responsable qualité à l’abattoir de Parigny (50) dans la Manche, j’essaye d’aller avec les opérateurs, mais c’est problématique, notamment avec les ovins. L’une des difficultés étant que parfois les services vétérinaires ne sont pas d’accord entre eux ! » Tout le monde dans la salle, y compris la représentante de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), Laure Paget du bureau de la protection animale, abondait dans ce sens.
Non à la vidéo
Véronique Deiss de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) mettait des mots sur la difficulté de l’étourdissement en précisant de nouveau la technique et la destruction d’une partie précise sur le cerveau des animaux. Elle a également rappelé que « les différentes techniques d’évaluation de l’inconscience n’étaient pas fiables à 100 % », que ce soit la position de la langue ou le réflexe cornéen. Mais « certains mouvements post-étourdissement n’ont rien à voir avec la conscience », a-t-elle insisté. Comme celui du désaxage de la tête de l’animal ou le pédalage des membres par exemple. « Des études menées montrent qu’on a le même niveau de pédalage avec des animaux dont on a sectionné la moelle épinière. C’est donc qu’il n’y a aucun lien entre le système nerveux central et ces mouvements qui ne sont pas signe de conscience », a-t-elle précisé.
La perspective de l’installation de caméras dans les abattoirs faisait l’unanimité contre elle. Avec pour argument principal la pression mise sur les opérateurs et la difficulté du travail. « Venez, venez, nous vous donnerons le matador, et vous ferez le travail », lançait Éric Barnay à Laure Paget en guise d’invitation à se rendre compte. « Les gens que nous trouvons à employer à la saignée ont souvent très peu d’éducation, et vous voudriez qu’ils s’acquittent d’une tâche que les scientifiques n’arrivent pas à faire eux-mêmes ? » témoignait un autre directeur d’abattoir.
Contact avec l’OABA
La décision est récente, elle date du 22 septembre dernier, mais la Fneap a renoué des discussions avec l’Œuvre d’assistance aux animaux en abattoirs (OABA). À la grande satisfaction de son directeur, Frédéric Freund, invité à s’exprimer lors de la table ronde. « Nous sommes une association welfariste et non, comme d’autres, abolitionniste » précisait-il d’entrée de jeu. Pour se poser ensuite en partenaire des abattoirs. « Nous essayons d’avoir une approche pragmatique lorsque nous sommes dans vos établissements », disait-il. Et d’annoncer enfin le projet d’un abattoir-école qui pourrait permettre de parfaire la formation des opérateurs…