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Réglementation
Une nouvelle aube pour les contrats de producteurs agricoles

Des possibilités légales s’ouvrent pour les agriculteurs et leurs associations de contractualiser leurs ventes, du fait du règlement Omnibus et de la loi Alimentation. Sous réserve de l’acceptation d’une chaîne d’acteurs. Les Marchés Hebdo ont enquêté. Ce sujet a été proposé par Michel Biero, directeur exécutif achats et marketing de Lidl France, notre rédacteur en chef invité.

© M.Dörr & M.Frommherz - stock.ad

Le producteur agricole peut proposer un contrat de vente écrit à son premier acheteur en vertu de la loi Alimentation. Il peut aussi mandater une organisation pour négocier la vente de ses produits en restant propriétaire de ceux-ci. Dans le cas où l’agriculteur vend lui-même, le contrat comporte des clauses a minima. L’une de ces clauses a trait au prix (au minimum les critères et modalités de détermination et de révision). Mentions que le premier acheteur est censé répercuter dans sa revente.

Ce contrat peut prendre modèle sur un contrat-type conçu par l’interprofession du secteur. Dans le cas où l’agriculteur a donné mandat à une organisation, celle-ci, ou l’association d’organisations à laquelle elle appartient, propose à son client un accord-cadre qui sera « le socle unique de la négociation ». L’application française du règlement européen Omnibus permet aux organisations de producteurs non commerciales (OPNC) de participer à la mise sur le marché des productions de leurs adhérents et de convenir de partages de la valeur.

Un négoce sur un mode contractuel ?

Les éleveurs de bovins sont très nombreux à vendre eux-mêmes des gros bovins généralement à un commerçant en bestiaux ou directement à des abatteurs ou à des bouchers. Dominique Truffaut, vice-président national de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB) et président de la section de Basse-Normandie, expérimente la contractualisation en tant que commerçant en bestiaux et usager unique de l’abattoir de Cany-Barville.

Dans son établissement, transitent 2 000 bovins par semaine, dont 1 300 pour la boucherie. Il la pratique sur des marchés particuliers afin de rassurer la demande. Il pense qu’un négoce peut fonctionner sur le mode contractuel pour répondre à des demandes particulières, à condition de disposer d’une offre suffisante et régulière. « Il faut être organisé et y mettre des moyens techniques. Dans une catégorie donnée, il faut regrouper au moins 200 à 300 animaux pour une semaine, sachant que 20 % seulement de ce volume seront sous contrat », témoigne-t-il.

Il faut être organisé et y mettre des moyens techniques

En effet, une majorité d’éleveurs n’est pas prête à subir les contraintes d’un contrat, et pour le commerçant, il n’est pas aisé de gérer les entrées et sorties de bovins avec jusqu’à deux semaines de décalage. « Après deux ans d’expérience, je dis que la contractualisation est possible mais compliquée », formule Dominique Truffaut. « Dans le bovin bio, c’est plus évident. Nous en avons fait environ 3 000 en 2018 », remarque-t-il.

Un maraîcher partant

Les contrats de producteurs de fruits et légumes devaient être rendus obligatoires par la loi de modernisation de 2010. Cette obligation s’est en réalité très peu traduite dans les faits. Pour autant, des producteurs sont prêts à jouer le jeu sur la base de la loi Alimentation. Le responsable de Terroir du Val de Saône, bureau de vente d’entreprises de production familiales de légumes dans l’Ain, déclare signer déjà des contrats, en général, annuels avec certaines enseignes. Il conclut aussi des partenariats visant la campagne suivante. « On sait ce que l’on produit, ce que l’on conditionne, si on nous demande plus de transparence, on s’exécutera », annonce-t-il.

Un coefficient nommé « cochon équilibré »

Dans le secteur porcin, l’association Les porcs Bio de France gère depuis 2013 les approvisionnements nationaux de Système U en porcs de quatre groupements d’éleveurs (Bio Direct, Porc bio cœur de France, Porc bio Atlantique, Unébio). « Nous avons une convention qui engage chacun pendant trois ans et procure des débouchés réguliers à plusieurs structures, groupements et industriels », explique Antoine Foret, président de Bio Direct.

Ces groupements engagent aujourd’hui une réflexion juridique. Ils tiennent à pérenniser un principe de coefficient déterminant le prix de chaque pièce livrée aux charcutiers fabriquant des MDD de Système U. Ce coefficient se nomme « cochon équilibré ». Les prix sont indexés sur les coûts de l’aliment des porcs bios. Ils dépendent aussi des coûts de collecte, d’abattage et de transport des carcasses.

Accord entre Elvea France et Agromousquetaires

Dans les filières bovines, les associations locales d’éleveurs et de commerçants (Elvea) se préparent à évoluer en OPNC. Elles veulent ainsi développer des démarches de filière. Des exemples de cette possibilité sont donnés par les accords locaux, comme entre Elvea Sarthe et les GMS du département, sur le Bœuf de la Sarthe. Et un exemple national est donné par l’accord-cadre conclu récemment entre Elvea France et Agromousquetaires sur l’approvisionnement local en viande bovine des magasins Intermarché.

L'avis de Michel Biero

«  Aujourd’hui, plus de 5 000 producteurs sont couverts par nos contrats tripartites dans les filières du porc, bœuf et lait. C’est une solution qui est bien accueillie par les producteurs et éleveurs (preuve en est, nous renouvelons nos contrats chaque année), car elle leur garantit un niveau de rémunération minimum. Le producteur n’est plus en marge des négociations, il est ainsi impliqué dans le processus d’achat et cela se passe très bien. C’est pour cela que nous tenons à ce que ce type de contrat (ou au moins un revenu minimum garanti) soit inscrit noir sur blanc dans la loi comme une obligation pour les distributeurs et industriels. La contractualisation telle que nous l’avons mise en place est, nous en sommes persuadés, un moyen de soutenir et de sauver le monde agricole dans des secteurs en difficulté.  »

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