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Durée de vie
« Une norme internationale apparaît indispensable »

Danone voudrait des recommandations internationales sur la détermination de la durée de vie qui soient les mêmes pour tous dans tous les pays.

Christophe Boulais,
docteur vétérinaire,
responsable scientifique
sécurité des aliments
chez Danone.
Christophe Boulais,
docteur vétérinaire,
responsable scientifique
sécurité des aliments
chez Danone.
© R.d

 

Il fallait un document de référence commun à toutes les divisions du groupe.

Danone l'a établi en listant les différents outils utiles pour la détermination de la durée de vie microbiologique (tests de vieillissement, tests de croissance, microbiologie prévisionnelle) et en compilant pour chacun les différentes recommandations (normes, guides, avis) définies à l'échelle française, européenne ou internationale. Le résultat est un manuel corporate rédigé en anglais dans lequel la direction qualité compare les standards et pointe leurs analogies et leurs différences. Sur la base de ce document, chaque division, puis chaque filiale est responsable de retranscrire les procédures en prenant en compte les spécificités des produits mis sur le marché et la réglementation locale. L'organisation semble huilée, pourtant la direction qualité aimerait un fonctionnement plus simple: Danone voudrait des recommandations internationales qui soient les mêmes pour tous dans tous les pays.

 

Pourquoi souhaitez-vous une norme Iso ?

Christophe Boulais - Il existe une abondance de recommandations sur les méthodes et les protocoles de détermination de la durée de vie, qui sont soit françaises, soit européennes, soit américaines, avec des périmètres variables et parfois des contradictions. Quatre exemples. En 2004 puis 2009, le NACMCF américain (National Advisory Committee on Microbiological Criteria for Foods) a publié des recommandations pour la détermination de la durée de vie des denrées périssables. En 2005, l'Anses (à l'époque Afssa) a rendu un avis sur les protocoles de tests de croissance pour Listeria monocytogenes. En 2008, la Commission européenne a publié des guides sur les études de durée de vie des aliments prêts à consommer. En 2010, Campden BRI (centre d'expertise britannique) a révisé son guide sur les protocoles de tests de croissance. La liste est d'autant plus longue qu'il existe également des normes locales, et parmi elles, les normes Afnor. Cette multiplicité de standards est difficile à gérer dans un groupe international comme le nôtre. Une norme Iso permettrait d'aboutir à un consensus et une harmonisation des bonnes pratiques. Cela apparaît indispensable étant donné la globalisation des échanges.

 

Les choses en prennent-elles le chemin ?

C. B. - Le projet prend forme puisqu'une réunion de lancement d'une norme Iso sur les tests de croissance vient d'être organisée. Évidemment, nous aurions préféré que le périmètre soit plus large et couvre d'emblée l'étude de la durée de vie dans sa globalité. Mais c'est au moins un début et c'est assez habituel pour l'Iso d'avancer par étape. On peut penser que le comité va d'abord centrer le projet sur les tests de croissance, et ensuite ouvrir la discussion aux autres aspects de l'étude de la durée de vie (en particulier les tests de vieillissement). Mais rien n'est certain : le projet ne fait que commencer. Pour qu'il y ait un consensus sur le périmètre, il faut d'abord que toutes les parties s'expriment.

 

Vous consacrez beaucoup d'énergie à ce dossier. Pourtant, vous n'avez, dans votre portfolio, aucun produit sensible.

C. B. - Nos produits, c'est vrai, sont pour la plupart microbiologiquement stables par nature. Il n'empêche que nous sommes soumis à l'obligation de définir une date de durabilité et, pour remplir cette obligation, nous consacrons le même niveau de ressources que nous le faisons pour les autres aspects de la maîtrise de la sécurité sanitaire (plan HACCP, bonnes pratiques d'hygiène, traçabilité, etc.). Donc oui, notre politique est aussi d'être à la pointe concernant les études de durée de vie.

 

D'où votre recours à la microbiologie prévisionnelle.

C. B. - La microbiologie prévisionnelle est entrée dans notre boîte à outils les années 90 et, depuis en effet, elle occupe une place centrale dans nos procédures. Nous ne sommes ni les seuls ni les premiers à nous y être intéressés, mais nous faisons partie des pion- développé un outil maison que nous avons appelé Dynacard. Puis à sa création, nous avons souhaité mutualiser les efforts de recherche et nous sommes rentrés dans le consortium d'industriels, de laboratoires de recherche et de centres techniques à l'origine de Sym'Previus, outil interentreprises de microbiologie prévisionnelle, que chacun connaît. Aujourd'hui, nous utilisons à la fois Sym'Previus et différents outils maison.

 

Les non spécialistes ont toujours du mal à comprendre ce qu'est la microbiologie prévisionnelle. Comment l'expliquer en deux mots ?

C. B. - Le principe de la microbiologie prévisionnelle est d'utiliser les mathématiques pour décrire et prédire le comportement de microorganismes dans un aliment. Le plus compliqué est d'établir les équations mais, une fois que ce travail est fait, c'est l'ordinateur qui calcule. Nous saisissons des informations sur l'aliment (taille de la portion, charge microbienne initiale, pH, aw...) et sur le microorganisme (caractéristiques de croissance ou de survie en fonction des caractéristiques du milieu). À partir de ces données, le logiciel trace une courbe d'évolution de la population en fonction du temps et estime le temps nécessaire pour atteindre une limite microbiologique, ce qui nous aide, par exemple, à définir la durée de vie de l'aliment. Mais la microbiologie prévisionnelle a aussi d'autres vocations.

 

Pourquoi utilisez-vous un outil maison plutôt que Sym'Previus ?

C. B. - En réalité, nous utilisons les deux. Sym'Previus est très bien pour évaluer une durée de vie avec une chaîne du froid simple. Mais lorsque nous voulons simuler une chaîne de froid complexe avec des étapes de transport logistique, de distribution en magasin, de transport et de stockage chez le consommateur, nous utilisons nos propres outils. C'est pareil lorsque nous voulons évaluer un procédé de fabrication à plusieurs étapes. On aimerait un seul outil qui fasse tout. Mais en réalité, l'outil adéquat dépend de la question à laquelle on souhaite répondre. Certains de nos outils nous permettent de calculer des durées de vie, d'autres nous permettent de réaliser également des analyses de sensibilité.

 

Quel est le but d'une analyse de sensibilité ?

C. B. - L'objectif d'une analyse de sensibilité est de quantifier l'impact relatif de différents paramètres d'entrée du modèle, sur le risque de dépassement d'une limite microbiologique. Autrement dit, connaître les points sur lesquels agir pour maîtriser ce risque, avec efficacité. Par exemple, lorsque les conditions de conservation ont plus d'impact sur le risque que la charge microbienne initiale, il peut être plus pertinent de réduire la DLC plutôt que d'accroître la force pasteurisatrice. En clair, l'analyse de sensibilité est une aide pour décider de la stratégie de maîtrise.

 

Combien coûte la microbiologie prévisionnelle ?

C. B. - La microbiologique prévisionnelle a un coût. Et c'est la raison pour laquelle nous avons poussé à une mutualisation des moyens à un stade de nos développements. D'ailleurs, il faut être réaliste à ce sujet : la microbiologie prévisionnelle, telle que nous la pratiquons, ne peut être réalisée que par des personnes compétentes à la fois en microbiologie et en modélisation, et se doter d'une telle expertise en interne est difficilement abordable pour une entreprise qui n'a pas notre taille. Par contre, tous les professionnels peuvent y accéder par l'intermédiaire des centres techniques comme Actilait. La sécurité sanitaire n'est pas un terrain de compétition : ce qui peut aider à la renforcer doit être partagé.

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