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Enjeux
« Plus la production bio augmente, mieux c’est pour tout le monde »

Florent Guhl, directeur de l’Agence bio, revient pour Les Marchés Hebdo sur les défis à relever pour la filière biologique, de la production à la distribution. Les conversions restent fortes dans le secteur des grandes cultures notamment, tandis que le marché continue de croître sous l’impulsion de la grande distribution.

Florent Guhl, directeur de l'Agence bio.
© Cheick.Saidou

Les Marchés Hebdo : Quelles sont les tendances économiques de l’agriculture biologique pour le 1er semestre 2018 ?

Florent Guhl : Sur le premier semestre 2018, le chiffre des conversions est plutôt intéressant, car il est plus fort que les deux dernières années à la même période. En 2017, 3 600 nouveaux agriculteurs ont notifié leur conversion. Pour ce semestre 2018, nous en sommes à 4 300 et, en parallèle, nous avons très peu d’arrêts. Ces conversions se réalisent surtout dans le secteur des fruits et légumes, de la viticulture et des grandes cultures. Pour les fruits et légumes, cela va dans le bon sens pour limiter les importations. De même pour les grandes cultures, c’est une bonne nouvelle, car c’est un secteur prioritaire sur la question de l’autosuffisance. Mais il faut être prudent, car le phénomène de mixité est très fort en grandes cultures. Les agriculteurs ont plutôt tendance à convertir leur exploitation espèce par espèce. Et le phénomène va s’amplifier avec le plafonnement des aides à la conversion mis en place par certains conseils régionaux. La plupart des régions plafonnent les aides pour éviter des conversions opportunistes. Notre hypothèse est que le montant passe de 30 000 à 15 000 euros par an, ce qui pourrait valoriser environ 100 hectares. Ceci étant, il y a deux fois plus d’exploitants qui sont passés en agriculture biologique dans le secteur des grandes cultures que les années précédentes. Dans les autres secteurs, le rythme des conversions semble ralentir. Il faut dire que dans le lait, il devrait y avoir au moins 40 % de plus de volumes supplémentaires sur le marché entre 2017 et 2018. Les producteurs sont attentistes.

LMH : Quelles réponses apporter aux producteurs qui manquent d’aide à la conversion ou au maintien ?

F. G. : Je vous rappelle que l’on est déjà en retard pour le paiement des aides 2016. Les régions sont submergées. Si elles limitent l’aide à la conversion, elles ont conservé l’aide au maintien pour compenser. Certes, il y a des raisons budgétaires à ces choix mais pas seulement. Certaines régions craignent qu’il y ait un effet d’aubaine dans les demandes de conversion de certains agriculteurs.

LMH : Et la consommation continue-t-elle de croître ?

F. G. : La consommation est toujours sur une tendance positive. L’objectif est de faire en sorte que cette consommation se fasse le plus possible avec des produits bios français. Hors produits frais, les premières estimations que nous avons tablent sur une croissance entre 12 et 15 %. Le marché devrait gagner plus ou moins 1 milliard d’euros sur l’année.

Le marché devrait gagner plus ou moins 1 milliard d’euros sur l’année

Trois lieux de distribution se démarquent : la grande distribution et en particulier les enseignes à dominante marque propre (EDMP). Elles ont une largeur de gamme plus restreinte, mais montrent la volonté d’aller davantage vers le bio et le local et trouvent une clientèle en face, avec des consommateurs qui viennent juste de se tourner vers le bio et mettent le bio sur le dessus du panier. Ensuite, il y a les magasins spécialisés. Pour ces derniers, la croissance est moins forte, en dessous des 10 %. Mais leur politique d’ouverture et d’augmentation des surfaces compense la part de marché prise par la grande distribution. Comme l’année dernière, il y a visiblement un report de la dynamique vers la grande distribution. Un circuit est en pleine expansion, c’est celui du e-commerce, avec une croissance de 30 %.

LMH : Quel regard portez-vous sur le fort développement de la grande distribution ?

F. G. : La première question est celle de l’accessibilité. De ce point de vue, leur développement est positif, et notamment dans les commerces de proximité. C’est quand même une bonne nouvelle et un signe que la société évolue. Mais il y a évidemment des inquiétudes. Il y a eu pas mal de communication de certaines enseignes en début d’année sur les prix bas. Le bio a échappé pour le moment à ce phénomène de critère sur le prix. On voit notamment des œufs bios en magasin avec un PVC très bas.

Il y a évidemment une crainte que le développement de la distribution ne se fasse que sur le critère du prix

Apparemment, la distribution réduit ses marges sur ces produits. Il y a évidemment une crainte que le développement de la distribution ne se fasse que sur ce critère du prix. Pour le moment, l’offre étant supérieure à la demande, le rapport est plutôt favorable à la négociation pour les producteurs. Nous sommes dans une période où les discussions ne sont pas les plus difficiles. Mais il faudra faire attention quand la situation s’inversera. On ne souhaite pas qu’un produit bio soit vendu à un prix plus bas que celui d’un produit conventionnel. Cela ne serait pas tenable d’autant que notre objectif est plutôt d’augmenter la production pour répondre à l’offre.

LMH : Qu’avez-vous pensé de l’étude de l’UFC-Que choisir sur les marges de la grande distribution dans le bio ?

F. G. : Évidemment, nous n’avons pas tous les éléments dans cette étude. On voit que la grande distribution n’est pas forcément le lieu où les produits bios sont les moins chers. Selon les segments ou les catégories de produits, ce n’est pas tant le cas que ça. La grande distribution a des volumes plus importants, donc il y a aussi un effet d’échelle qui peut lui permettre de réduire ses prix. Il y a également un critère salarial à prendre en compte. Il faut regarder le nombre de salariés rapporté à la surface d’un magasin dans un supermarché et dans un magasin spécialisé.

LMH : Dans le plan Ambition bio, le gouvernement a renforcé les moyens du fonds Avenir bio. Comment vont-ils être utilisés ?

F. G. : En 2018, nous sommes déjà à un financement de 6 millions d’euros. Nous serons probablement à 8 millions d’euros en 2019. Nous n’aurons pas de mal à trouver les projets à financer. Globalement, en 2016-2017, dans le cadre des appels à projet, nous aurions eu besoin de deux fois plus d’argent pour accompagner des projets de qualité. Par ces projets, il est possible de montrer que l’on peut faire des volumes importants tout en respectant les valeurs fondamentales du bio. Plus la production bio augmente, mieux c’est pour tout le monde. Quand un marché change de taille, il y a des craintes. Est-il possible de faire du bio à grande échelle tout en faisant bien ? Cette question est récurrente. C’est vrai dans d’autres secteurs aussi, quand on développe un marché, un segment, un produit, on pense que c’est toujours moins bien. « Small is beautiful », selon certains. Dans le bio, ce raisonnement est encore plus accentué.

Le programme « Ambition bio 2022 » vise le doublement de la surface en bio

Présenté le 25 juin dernier, le programme Ambition bio 2022 est doté de 1,1 milliard d’euros et doit permettre d’atteindre 15 % de surfaces conduites en agriculture biologique à cet horizon, contre 6,5 % en 2017. Cet objectif passe notamment par une majoration de 2 millions d’euros dès 2018 du fonds Avenir bio. Il était prévu qu’il aboutisse progressivement à 8 millions d’euros d’ici à 2022. Ce montant pourrait être déjà atteint dès l’année prochaine. Le fonds Avenir bio vise à développer des outils de sécurisation de l’ensemble des acteurs des filières, identifier les priorités en matière de production ou encore renforcer le système d’information partagé avec les différentes parties prenantes, et poursuivre les travaux avec les interprofessions pour la mise en œuvre des plans de filière.

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