OFPM : « les entreprises de charcuterie sont les 'vaches à lait' de la grande distribution » selon Christiane Lambert
Les coûts de production ont flambé pour l’industrie de la charcuterie, ce qui a baissé leur marge nette selon le rapport de l’OFPM. Ces industriels peinent à répercuter leurs hausses de coûts de production auprès de la grande distribution. Par conséquent, leur rentabilité nette se dégrade.
Les coûts de production ont flambé pour l’industrie de la charcuterie, ce qui a baissé leur marge nette selon le rapport de l’OFPM. Ces industriels peinent à répercuter leurs hausses de coûts de production auprès de la grande distribution. Par conséquent, leur rentabilité nette se dégrade.


L’Observatoire de la Formation des Prix et des Marges des produits alimentaires (OFPM) a dévoilé à la presse ce 9 juillet, son rapport de 2025. En ce qui concerne le secteur charcuterie-salaison de porc, la marge brute a légèrement augmenté, en 2023. Tandis que le résultat net est en baisse et au plus bas depuis 2019. Les entreprises de charcuterie et salaison ont des taux marges nettes de 0,9 %, en baisse de 18 % sur 1 an et 65% sur deux ans.
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La charcuterie un rayon stratégique pour les distributeurs
« La charcuterie est un rayon d’appel pour la grande distribution » indiquait Sophie Devienne, la présidente de l’OFPM. « Le secteur de la charcuterie fait constamment les frais de cette catégorisation de produit d’appel » va dans le même sens Christiane Lambert, présidente de la Fict.
La charcuterie est un rayon d’appel pour la grande distribution
D’après l’OFPM, les distributeurs ont obtenu un taux de marge nette avant impôt de 8,2 % en 2023, soit sept fois plus que la moyenne des rayons alimentaires (autour de 1,1 % ,-0,3 point). Entre 2019 et 2021, la contribution du rayon charcuterie en marge nette pour les enseignes de distribution est passée de 400 à 600 millions d’euros.
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« Le rapport 2025 de l’OFPM confirme une réalité que la Fict dénonce depuis plusieurs années : les entreprises de charcuterie sont de véritable « vache à lait » de la grande distribution » s’indigne Christiane Lambert après la remise du rapport. Selon la Fict « les résultats de 2024, ne laissent pas présager d’amélioration. Pour le jambon cuit, un produit phare du rayon charcuterie, le prix consommateur a baissé de 2,4% en un an, mais la part revenant aux distributeurs a progressé de 4,2% alors que celle revenant aux entreprises a baissé de 1,1% » .
L’industrie charcutière française mal au point
« Trente pour cent des entreprises charcutières sont en déficit », rappelait Christiane Lambert, lors de l’assemblée générale d’Inaporc en juin. Le recul de la marge nette du secteur de 65 % entre 2021 et 2023 est un signal d’alerte pour un maillon industriel de plus en plus sous tension.
Trente pour cent des entreprises charcutières sont en déficit
« Certaines entreprises sont actuellement en redressement judiciaire, c’est le cas de Maison Milhau, d’autres rencontrent de forte difficultés financières » indiquait Fabien Castagnier, délégué général de la Fict.
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Une rentabilité des charcutiers réduite par les charges
« La rentabilité des industriels est pénalisée par la hausse des coûts de main-d’œuvre et de production », a confirmé Thierry Meyer. Entre 2021 et 2023, le prix du porc a bondi de 43 %, porté par la baisse des cheptels européens. Cette tension sur l’offre soutient les cours et renchérit la matière première pour les transformateurs.
La rentabilité des industriels est pénalisée par la hausse des coûts de main-d’œuvre et de production
Les pièces de découpe restent également à des niveaux de prix historiquement élevés. Sur la période de 2021 à 2024, les hausses suivantes ont été enregistrées :
- +44,8 % pour l’épaule 4D
- +39,6 % pour le jambon 5D
- +67,7 % pour le gras dur
- +48,5 % pour le maigre de porc
À cela s’ajoutent des hausses sur d'autres postes sur la même période :
- +19 % sur les emballages
- +13 % sur le coût du travail
- +48 % sur l’électricité
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La pression sur les marges affaiblit la charcuterie
Face à cette inflation généralisée, les industriels n’ont pas réussi à faire passer les augmentations de marge qu’ils souhaitaient, soit entre 2,5% et 4%, lors des négociations avec la grande distribution. « Finalement, des augmentations entre 0 % et 1,5 % ont été acceptées par les distributeurs », a évoqué la présidente de la Fict. « Certains distributeurs ont même exigé des baisses tarifaires lors des négociations » confiait notre interlocutrice.
Certains sont déjà en difficulté avec deux années de suite de pertes
Cette pression sur les marges reste difficile à soutenir pour les entreprises. « Certains sont déjà en difficulté avec deux années de suite de pertes » alerte Christiane Lambert, qui précise l’enjeu aujourd’hui pour la filière : « retrouver une rentabilité durable au sein du maillon charcuterie ! ». La Fict également compte sur la solidarité de la filière et la responsabilité des distributeurs pour « redonner aux entreprises de charcuteries des niveaux de marge qui soient suffisants pour assurer leur pérennité économique ainsi que leur capacité d’investissement et d’innovation pour répondre aux enjeux de transition et aux attentes des consommateurs ».
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Le charcutier Chédeville mise sur la diversification pour maintenir sa rentabilité
« Tellement d’industriels ont subi des contraintes de prix, qu’ils ont délaissé la qualité de leurs charcuteries » indiquait Laurent Jolivet, le dirigeant du Groupe Popy, propriétaire de la marque de charcuteries Chédeville. « Ce n’est pas une voie durable » ajoutait-il. « Nous on ne veut pas passer à ça, on tient à la qualité de nos produits ».
Pour se protéger, l’entreprise a misé sur une stratégie multi-canal : 40 % des ventes sont réalisées en grande distribution, 30 % en restauration hors foyer et 30 % via les réseaux traditionnels (boucheries, traiteurs). Une diversification qui a permis de limiter les pertes sèches et de mieux résister lors de la crise du Covid 19.