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Volaille
Des progrès en cours et en suspens dans la lutte contre Campylobacter

Les volaillers ne disposent pas encore d’éléments tangibles pour gérer les entrées de Campylobacter dans l’abattoir. En élevage les moyens de lutte demandent confirmation. Mais les moyens d’épargner le consommateur progressent.

Les abattoirs de poulet doivent s’assurer depuis 2018 d’une présence réduite de Campylobacter à la surface des carcasses. Ils échantillonnent sur la peau du cou (où la présence éventuelle est forte). Pour rappel, un maximum de 20 échantillons sur 50 dépasse 1 000 UFC (Unité formant colonie – par culture au laboratoire) par gramme. Dans quatre ans, en 2025, le maximum sera de 15 échantillons sur 50. En cas de non-conformité, il convient de renforcer la maîtrise de l’hygiène et de contrôler les entrées.

Le volailler ne peut refuser d’abattre un lot

Gilles Salvat, directeur de la santé et du bien-être animal à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), dont il est aussi directeur adjoint pour la recherche et la référence, explique l’enjeu : « Si moins de 1 000 UFC/g sont détectées sur une carcasse, le risque est négligeable pour le consommateur. S’il y en a plus de 10 000 à 100 000, on risque de contaminer l’environnement de l’abattoir et les outils de transformation, mais également l’environnement des cuisines lors de la manipulation des aliments. Les contaminations croisées constituent alors un risque pour le consommateur ». Il précise : « Contrairement aux salmonelles les campylobacters ne se multiplient pas dans les aliments. Ils sont sensibles à la cuisson. Donc le consommateur ne sera exposé essentiellement que par les contaminations croisées ».

L’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) estime que le meilleur moyen de réduire la pression est de maîtriser Campylobacter jejuni et coli au stade de l’élevage. Cependant les abattoirs manquent encore de moyens permettant de prédire si tel ou tel lot de poulets vifs apportés risque d’être plus contaminant qu’un autre. Du reste, le volailler ne peut refuser d’abattre un lot, en supposant qu’il soit très contaminé. Au mieux peut-il passer celui-ci en dernier lieu, avant le nettoyage et la désinfection de l’outil.

« La bactérie s’installe plutôt dans les tubes digestifs dont les flores arrivent à maturité, vers 35 jours pour les poulets »

Gilles Salvat, qui a travaillé sur Campylobacter, résume l’état des connaissances sur cette bactérie dont les oiseaux sont naturellement porteurs sans en être affectés à de rares exceptions près. « Les canetons et poussins d’un jour sont indemnes, commence-t-il. Les jeunes sont protégés pour plusieurs raisons à confirmer : la présence d’anticorps maternels et une flore digestive qui ne convient pas à Campylobacter. La bactérie s’installe plutôt dans les tubes digestifs dont les flores arrivent à maturité, vers 35 jours pour les poulets. De plus Campylobacter semble se nourrir du mucus présent dans le tube digestif des adultes. Or c’est justement vers 40 jours que les poulets en plein air sont libérés sur le parcours. Ils sont contaminés en quelques jours seulement lorsqu’ils sont en contact notamment avec les oiseaux sauvages. »

« Les données d’élevages plein air seraient à mettre à jour pour avoir des chiffres plus récents »

Bien que les poulets élevés en plein air soient exposés à l’avifaune sauvage et qu’on les abatte bien après 40 jours, « aucune étude n’a prouvé qu’ils étaient plus porteurs de Campylobacter que les poulets en bâtiments fermés », constate Muriel Guyard, chargée de projet de recherche sur les Campylobacter à l’unité Hygiène et Qualité des Produits avicoles et porcins aux laboratoires de Ploufragan-Plouzané-Niort (Côtes d’Armor). La chercheuse rappelle que la seule enquête représentative de la présence de Campylobacter dans les élevages de poulets de chair remonte à 2008. « Les données d’élevages plein air seraient à mettre à jour pour avoir des chiffres plus récents », considère-t-elle. Elle avance aussi que la prévalence est aussi multifactorielle ; le stress, la densité sont des facteurs.

Des bénéfices attendus de la biosécurité contre l’influenza

Les mesures de biosécurité contre l’influenza aviaire vont-elles faire reculer Campylobacter ? Julie Puterflam, ingénieur de recherche à l’Itavi (Institut technique de l’aviculture), suppose qu’effectivement, le fait d’empêcher les contaminants de pénétrer dans l’élevage, le nettoyage des équipements et les camions, peuvent concourir à limiter toutes contaminations, y compris de Campylobacter. Du côté de l’Anses Gilles Salvat émet des doutes sur le fait d’abriter les volailles de plein air en cas de risque d’influenza, car ce risque intervient plutôt en automne et en hiver. « Or les conditions hivernales nuisent à Campylobacter. Les fortes prévalences sur volailles arrivant à l’abattoir surviennent plutôt aux saisons chaudes », rappelle-t-il.

« Les moyens explorés sont prometteurs en condition expérimentale mais demandent à être confirmés sur le terrain »

Différentes solutions sont étudiées à travers le monde pour réduire la présence de Campylobacter jejuni et coli dans le tube digestif des volailles, mais aucune n’est concluante. Au moins, sait-on que l'on viserait en vain un élevage indemne en Campylobacter alors que cela se fait à l’égard de Salmonella en élevage de poules pondeuses ou de volailles. Les moyens explorés sont des probiotiques, des prébiotiques, des huiles essentielles, des extraits d’algues, des phages (virus de bactéries)… Ces moyens varient d’un individu à l’autre. « Les phages, mentionne Muriel Guyard, ont déjà fait l’objet de plusieurs études dans le monde. Problèmes soulevés : il y a une grande variété de souches de Campylobacter et risques d’apparition de résistance des bactéries. »

La spécialiste affirme que le vide sanitaire pratiqué classiquement fonctionne, mais qu’il n’empêche pas la recontamination, qui n’arrive généralement pas avant 3 semaines après la mise en place des poussins. « Campylobacter n’est pas très résistant mais il peut subsister en association avec d’autres bactéries dans l’environnement de l’élevage », précise-t-elle. La vaccination est aussi étudiée.

« Les moyens explorés sont prometteurs en condition expérimentale mais demandent à être confirmés sur le terrain », fait savoir Muriel Guyard. « Un protocole de terrain a été mis au point à la station de Ploufragan. Il faudrait, pour prouver une diminution significative des Campylobacter sous l’effet d’un traitement, tester au moins 20 élevages ; les uns seraient soumis au traitement, les autres non. » Selon l’Anses ainsi que l’Efsa, il importe de valider les moyens de lutte découverts.

Les effets de la transformation

Du côté industriel, les étapes successives de la transformation, comme l’échaudage et la réfrigération accélérée du ressuage, atténuent les risques d’intoxication à Campylobacter chez le consommateur. Une nouvelle approche consiste à prédire le comportement des bactéries présentes une fois que les viandes de volaille ont quitté leur lieu de production. C’est l’objet des travaux menés par l’UMR (Unité mixte de recherche) Sécalim (Sécurité des aliments et microbiologie). Un article publié par l’Inrae en mai 2021 se fait l’écho d’une étude de cette unité Sécalim *, publiée dans l’International Journal of Food Microbiology, sur Campylobacter jejuni. Hypothèse de la recherche : différentes étapes de la transformation constituent des stress pour les bactéries. Ces stress sont susceptibles de modifier l’expression des gènes bactériens. « Les avancées dans la compréhension moléculaire de la réponse au stress des bactéries pathogènes, comme Campylobacter, en conditions réelles de procédé permettront d’identifier les leviers technologiques afin de mieux maîtriser le risque microbien et diminuer ainsi l’incidence des campylobactérioses », promet l’article.

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