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Ce gel qui frappe et inquiète

Les deux périodes de gel de plusieurs jours ont refroidi toutes les filières. Certains producteurs ont beaucoup perdu mais la production nationale ne sera au final que peu affectée.

Les gelées de fin avril ont fait craindre le pire. Des températures jusqu’à- 7°C dans les Alpes, -5°C dans le Nord, dans le Grand Est et le Massif central. Des brusques chutes de températures qui n’ont pas toujours laissé le temps aux producteurs d’activer suffisamment tôt leur système antigel. Des gelées rares pour la saison, qui ont sévi plusieurs nuits d’affilée et à deux reprises. « Du jamais vu depuis 1991 », s’exclame Didier Méry, conseiller à la chambre d’agriculture de Dordogne. pour Reussir le Périgord. Année tristement célèbre qui avait vu plusieurs organisations de producteurs fermer leurs portes pour cause d’absence de récoltes. Heureusement, les dégâts au niveau national ne sont pas à la hauteur de ce douloureux souvenir. Mais peu de régions ont été épargnées et certains producteurs ont été très durement touchés. « Nous avions couvert nos fraises avec du voile P30 mais il n’en reste pas une », témoigne Jean-Marc Durdilly, du Gaec de Camus, producteur de fruits rouges dans le Rhône, pour l’Information agricole du Rhône. La situation économique de certaines exploitations sera critique. Comme souvent, les dégâts sont très hétérogènes sur un même bassin de production. Certains producteurs n’ont pas été touchés quand d’autres ont perdu quasiment toute leur récolte. « Le gel fait des jaloux », résume Philippe Massardier, de la coopérative Sicoly. A l’heure où nous imprimons, les estimations sont encore difficiles à faire au niveau national. Toute la filière reste prudente. Et certaines coopératives ne souhaitent pas communiquer afin de ne pas inquiéter leurs clients.

Des interrogations sur la qualité des pommes

En pomme et poire, la chute physiologique des fruits n’est pas encore terminée partout en France. « Nous estimons les pertes autour de 10 à 15 % du volume de production nationale », a annoncé l’Association nationale pomme-poire dans un communiqué mi-mai. Les dégâts sont très hétérogènes, même dans les régions les plus touchées. En Alsace, les dégâts sont estimés à 80 % de la récolte. Les vergers de pommiers du Nord, de Normandie, de Bretagne, du Bassin parisien et des Alpes ont subi les froids les plus ravageurs. « Sur les 540 ha du verger de Savoie, 270 ha ont gelé », annonce Nicolas Drouzy, de la chambre d’agriculture de Savoie. Le Val de Loire est également concerné, avec des micro-zones très touchées, notamment chez des producteurs qui n’ont pas pu se protéger. Le Limousin connaît aussi des dégâts très hétérogènes, parfois au sein même d’une parcelle. Dans le Tarn-et-Garonne et le Lot-et-Garonne, les vergers de pommiers des bas fonds ont été touchés par des gelées blanches. Si les volumes nationaux seront au final peu affectés, la grande question reste la qualité des fruits. « On devra attendre mi-juillet pour faire un bilan qualitatif », analyse Cécile Bellevaux, d’Invenio. Anneaux de gel et pommes au coeur noir risquent d’être monnaie courante. Et la valorisation de ces fruits sera problématique.

La noix va payer un lourd tribu, principalement en Dordogne : 90 % des vergers est touché. « Mes deux hectares de noix ont grillé, témoigne Thierry Tribier, pour Réussir le Périgord. De 15 tonnes, je pense passer à deux ou trois cette année ». « Nous assistons sur noyers à une refloraison massive sans savoir ce que vont donner ces jeunes fruits », analyse Didier Méry. La production de la vallée de l’Isère a été plutôt épargnée, sauf la variété précoce Lara. Mirabelles, quetsches et cerises acides des côtes de Meuse ont elles aussi subi des gels importants. « Certaines parcelles en plaine sont gelées à 95 % tandis que d’autres sur les coteaux n’ont rien », relate Bruno Demolliens, de la chambre d’agriculture de la Meuse. Sur les autres prunes de table, les dégâts n’affecteront pas les tonnages globaux. En prune d’Ente, selon les premières estimations, le gel a touché entre 5 et 30 % des pruniers. « Pour la cerise, l’année s’annonçait en progression par rapport à 2016 mais à la suite du gel, les volumes devraient être identiques à ceux de l’année passée », synthétise Alexandra Lacoste, des AOPn cerise et raisin de table. Cette vague de froid a surtout retardé certaines variétés.

La pêche et le kiwi ont été globalement épargnés

Les abricots ont surtout été touchés dans les Baronnies (cf p.8), les coteaux de l’Ardèche et la Vallée de la Têt dans les Pyrénées-Orientales. La Vallée du Rhône a été épargnée. « Seuls les secteurs les moins ventilés et les plus en altitude ont vu les températures descendre sous 0°C », explique Jean-Claude Peyrot, technicien de Rhoda-coop. Les vergers de châtaigniers du Sud-ouest n’ont pas échappé au froid. « Les dégâts sont hétérogènes selon l’orientation des vergers et nous devons attendre la fin de la floraison femelle pour estimer l’impact sur la récolte », analyse Géraldine Maignien, de l’Union interprofessionelle châtaigne Périgord-Limousin. La visibilité de l’impact du gel sur le raisin de table dans le Vaucluse est encore faible. « Nous aurons une petite année, mais nous sommes encore dans l’expectative, car certains producteurs éclaircissent et certaines vignes ont refait des pousses », explique Alexandra Lacoste. Dans le Tarn-et-Garonne les dégâts sont estimés entre 6 et 10 % de pertes. La pêche et le kiwi ont été globalement épargnés. « Les systèmes d’aspersion sur frondaison ont sauvé notre récolte », se réjouit François Lafitte, de Scaap Kiwifruits. En petits fruits, les pertes sont aussi inégales. Les fraises de plein champ ont peu résisté aux nuits de gel. En Alsace, 80 % des framboises et myrtilles est perdu.

Du jamais vu depuis 1991 »

DIDIER MÉRY, chambre d’agriculture de Dordogne

Des dégâts ponctuels sous abris sont aussi constatés en moyenne montagne. « Les pertes en Haute Loire vont de 10 % en fraises à 40 % en framboises, constate Denis Chirouze, du GIE des Monts du Velay pour FLD. En Ardèche, certains producteurs ont perdu toute leur production ».

Ralentissement de la pousse en asperge

Des impacts sur la production de légumes sont aussi constatés. Les pertes en melon du Haut-Poitou varient selon les parcelles et les producteurs mais peuvent atteindre 60 % des surfaces chez certains d’entre eux. La plupart ont toutefois replanté, impliquant un surcoût de production. Du fait des replantations et du cumul de froid, la récolte devrait être retardée, souvent de huit à dix jours. Dans le Saumurois, le gel a entraîné quelques pertes en légumes bottes, notamment en radis. Chez Fleuron d’Anjou, 15 à 20 % des cultures de radis est perdu du fait de feuilles brûlées par le gel. Et pour les récoltes en cours, la qualité des radis est affectée. On recense aussi quelques pertes en salade. En asperge blanche, le froid des deux dernières semaines d’avril a ralenti la pousse. « La production est divisée par deux et la qualité des turions est moyenne », constate Emilie Casteil, de l’AOPn asperge. En Gironde, le gel concerne aussi 1 000 ha de pommes de terre, 200 ha de pois de conserve et 200 ha de haricots verts. Des procédures de reconnaissance de calamités agricoles sont en cours sur la plupart des départements.

EN PRATIQUE

La procédure des calamités agricoles

1/Des missions d’enquête de mai à juin constatent les zones et les productions touchées.

2/Des réunions post-récolte évaluent les pertes.

3/Les commissions départementales d’expertise (CDE) se réunissent pour définir les zones et les productions concernées

4/Le comité national de gestion des risques en agriculture reconnaît le caractère de calamité agricole selon les documents fournis par les CDE. Il se tiendra le 13 décembre 2017.

5/Un arrêté départemental de reconnaissance de calamités agricoles est pris sur proposition des préfets.

6/Les producteurs peuvent alors remplir le dossier d’indemnisation papier ou Internet disponible sur le site "mes démarches" du ministère de l’Agriculture.

7/Les bénéficiaires devront prouver dans leur dossier une perte de récolte supérieure à 30 % de la production théorique de la culture sinistrée. Cette perte doit aussi représenter plus de 13 % du chiffre d’affaires théorique de l’exploitation, qui est calculé en fonction de l’assolement et de rendements théoriques par production et par département.

Ailleurs en Europe

En Italie

Le gel a frappé la région de Haute Adige, productrice de pomme, avec des premières estimations de perte autour de 20 à 30 % des volumes malgré la préparation des producteurs à ce type d’événement climatique. En Emilie-Romagne, des tomates industries ont été grillées. Plus de 60 % de la récolte de kiwi de la région de Rome est compromise. Le syndicat italien Coldiretti estime les dommages économiques sur vignes, fruits et légumes à au moins 100 millions d’euros.

En Allemagne

Le gel a frappé le sud de l’Allemagne, accompagné de chutes de neige. Les régions voisines de l’Alsace jusqu’au lac de Constance ont subi des températures jusqu’à -5°C deux à trois nuits consécutives. Les producteurs de myrtilles parlent de 50 % de pertes. Les fraisiculteurs alertent sur les risques de pénurie et de prix élevés pour les fraises allemandes. 10 à 15 % des fleurs a gelé en Rhénanie Palatinat. Les chiffres sont plus élevés dans la région de Stuttgart.

En Belgique

Les producteurs belges ont eu beau déployer tout l’arsenal antigel, ils n’ont pas pu empêcher la température (jusqu’à- 6°C) de toucher la production à venir. Les pertes sur pommes seraient comprises entre 60 et 80 % selon RTL Info. En Wallonie, les pertes sur poires sont estimées entre 20 % et 50 %. Et en Flandre, elles atteindraient près des deux tiers des fruits selon une première enquête conduite par l’organisation de producteur Boerenbond.

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