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Accord UE-Mercosur : « la Commission a répondu à côté de la plaque à la France et aux agriculteurs »

La Commission européenne continue de faire avancer l’accord commercial avec le Mercosur. Elle a voulu donner, la semaine dernière, des gages aux opposants agricoles avec une clause de sauvegarde. Un dispositif flou et difficile à mettre en œuvre, selon l’Institut Veblen. 

un document officiel avec une loupe et un drapeau européen en arrière plan
« La Commission a une volonté politique d’ouverture commerciale or les mesures miroirs sont des freins aux échanges, donc à contre-courant » regrette Marine Colli, spécialiste des politiques agricoles.
© Généré par l'IA

Que vaut la clause de sauvegarde mentionnée par la Commission européenne en lançant le processus de ratification de l’accord commercial entre l’UE et le Mercosur ? « Avant tout, il faut voir que la Commission a répondu à côté de la plaque à la France et aux agriculteurs » rétorque Marine Colli, spécialiste des politiques agricoles et consultante indépendante. 

Lire aussi : Accord UE-Mercosur : qui se réjouit, qui se méfie, qui conteste ?

« On est loin de la ligne rouge dressée par Emmanuel Macron pendant 5 ans, qui réclamait des clauses miroirs », continue-t-elle. Une demande partagée par les agriculteurs. « Au niveau national comme au niveau européen il y a un consensus agricole contre cet accord », appuie la spécialiste. 

« Il y a un consensus agricole contre cet accord »

Une clause de sauvegarde très floue

La clause de sauvegarde proposée par la Commission européenne n’est pas incluse dans l’accord, « elle n’est même pas écrite avec l’en-tête de la Commission », soupire Marine Colli. Et ses modalités d’activation sont « particulièrement incertaines », juge l’Institut Veblen dans une note d’analyse. Interbev la qualifie de son côté d’« illusoire ». Premier flou, cette clause est pour l’heure une déclaration politique, mais aucun calendrier n’est établi pour qu’elle soit active réglementairement. 

La Commission ne peut pas suivre finement les flux d'importation

La Commission s’engage par écrit sur 11 points, le premier étant de « surveiller attentivement le marché des produits agricoles sensibles, en particulier les importations ». Une déclaration qui fait bondir Marine Colli « la Commission ne peut pas suivre les importations d’un produit aussi sensible que l’aloyau, puisque, malgré les demandes réitérées depuis plus de 10 ans, notamment d’Interbev, il n’y a pas de ligne tarifaire dans le code douanier pour ce produit ». 

Graphique interbev

Lire aussi : Viande du Mercosur : « Le bœuf argentin pourrait saturer le segment premium en restauration »

Une notion de « prix pertinent » peu pertinente

Autre annonce que la spécialiste prend avec des pincettes, celles d’une activation si le prix à l’importation depuis le Mercosur est inférieur d’au moins 10 % au prix “pertinent” observé sur le marché européen. Rien ne définit ce prix pertinent. « Il n’y a pas de référence, pourtant l’Europe a eu l’habitude de fixer des seuils de prix, il y a d’ailleurs toujours des prix minima calculés sur le marché du sucre et du maïs ». 

« Des mesures de sauvegardes sans seuils de prix, cela ne sert à rien »

Une position que résume le député européen Eric Sargiacomo sur les réseaux : « Des mesures de sauvegardes sans seuils de prix, cela ne sert à rien : prouver que le déséquilibre vient de telles ou telles sources d'importation n'est pas atteignable ».

Lire aussi : Quelle est la position des industriels laitiers sur les accords de l’UE avec le Mercosur, le Mexique et les États-Unis ? 

Une activation de ces clauses de sauvegarde qui aurait des effets de bord

Activer la clause de sauvegarde « sera alors particulièrement difficile » juge la spécialiste. Et quand bien même un État réussirait à l’activer, « il y aura des représailles du côté du Mercosur, des mécanismes du compensation ou de rétorsion étant compris dans l’accord ». 

« il y aura des représailles du côté du Mercosur »

Des mesures miroirs toujours pas mises en place

Malgré les demandes réitérées des agriculteurs européens, la Commission n’avance ni sur les mesures miroirs (mesures prises dans la législation interne à l’Europe), ni sur les clauses miroirs (qui figureraient dans des accords commerciaux). « La Commission a une volonté politique d’ouverture commerciale or les mesures miroirs sont des freins aux échanges, donc à contre-courant » regrette Marine Colli, déplorant la « concurrence déloyale » à laquelle sont exposés les agriculteurs communautaires. 

Lire aussi : « Le quota réservé au Mercosur en porc n’est qu’un ticket d’entrée »

La Cour de Justice de l’Union européenne peut être saisie

Pour les opposants au traité du Mercosur, le split, c’est-à-dire la division de l’accord entre une partie commerciale et son volet politique, a été un coup dur, puisqu’un État membre ne peut plus utiliser son veto. Il faut donc constituer une minorité de blocage « ça semble perdu, puisque l’Italie s’est ralliée à l’accord, jugeant les mesures de soutien aux agriculteurs suffisantes » décrypte Marine Colli. Certains députés européens évoquent une saisie de la Cour de Justice Européenne, jugeant que cet accord contrevient aux engagements environnementaux de l’UE. De quoi faire gagner du temps, alors que la ratification devrait avoir lieu avant la fin de l’année. « Si le Parlement européen vote oui, l’accord sera appliqué et ne pourra plus être remis en cause, même si le vote dans les Parlements nationaux est négatif, ce sera inutile puisque la partie commerciale dépend exclusivement de l’Union », prévient-elle. 

Lire aussi : Accord UE Mercosur : « les mobilisations agricoles peuvent changer la donne »

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