Pour valoriser un lait plus cher, faut-il miser sur les protéines de lactosérum ?
Le lait va coûter plus cher aux transformateurs européens, car il se raréfie. Les industriels vont donc devoir valoriser davantage les composants du lait, et c’est sur les protéines que la demande pourrait se porter ces prochaines années.
Le lait va coûter plus cher aux transformateurs européens, car il se raréfie. Les industriels vont donc devoir valoriser davantage les composants du lait, et c’est sur les protéines que la demande pourrait se porter ces prochaines années.

« L’important, ce n’est pas la collecte, mais ce qu’il y a dans le lait », prévient Christophe Lafougère, directeur du Gira, lors de la journée consacrée aux marchés mondiaux des produits laitiers et de la viande organisée par l’Idele en juin. « Aux États-Unis, la quantité de matière grasse dans le lait ne cesse de progresser. De même en Europe, la collecte baisse, mais on a plus de matière grasse et de protéines, on s’attend à des records sur 2025 » explique-t-il. Cette augmentation de la matière sèche ne permet néanmoins pas de gommer la baisse structurelle des volumes collectés dans l’Union européenne.
« En Europe, la collecte baisse, mais on a plus de matière grasse et de protéines, on s’attend à des records sur 2025 »
« 12 milliards de litres perdus seront perdus d’ici 2029, si on applique toutes les normes environnementales prévues », calcule l’expert avant de nuancer « avec l’assouplissement en cours, la baisse ne sera pas aussi forte ». Mais pour Christophe Lafougère, « dans certaines régions de l’Union européenne, il y aura un problème d’approvisionnement en lait, il sera de plus en plus disponible à l’est, de moins en moins à l’ouest ».
Valoriser un lait plus cher à produire
Le lait belge est déjà capté en partie par les usines néerlandaises, mieux payantes, les industriels belges sont donc contraints d’aller chercher des contrats en France, ce qui fait monter les prix. 45 €/100 kg pourrait bien devenir le nouveau prix plancher du lait communautaire dans les années à venir, selon les estimations du Gira. « Avec la hausse des prix du lait, et des coûts de transformations, la marge des transformateurs diminue, il leur faut trouver plus de valeur » prévient Christophe Lafougère. Pour ce faire, il faut s’éloigner du couple beurre-poudre, insuffisamment rémunérateur pour le Gira, et aller vers la fabrication de fromages, dont la demande mondiale est en pleine explosion.
« La marge des transformateurs diminue, il leur faut trouver plus de valeur »
« Les États-Unis produiront, d’ici 2029, 641 000 tonnes de fromages de plus qu’en 2024. Et ce n’est pas une estimation, les usines sont construites ou en cours ! » s’exclame l’expert. Il évoque aussi, sur la même période, 260 000 tonnes de fromages supplémentaires qui seront produits en Europe et 1,3 million en Inde, « principalement du paneer mais de plus en plus de la mozzarella ». Or les prix du fromage restent dépendants des marchés mondiaux, « mais la partie primordiale, c’est le lactosérum, c’est là que résident les marges de demain ».
«C’est là que résident les marges de demain »
La demande en protéines va continuer de grimper
Car du lactosérum, on extrait les protéines laitières, pour lesquelles « on s’attend à une croissance de la consommation de plus de 3 % par an sur les cinq prochaines années en nutrition fonctionnelle, et de 5 % en nutrition médicale » table Christophe Lafougère. La tendance aux produits hyper-protéinés est bien présente en Europe. C’est encore plus le cas aux États-Unis où plus de 4 millions de consommateurs utilisent le médicament Ozempic (GLP-1) pour gérer leur poids, et adoptent un régime plus protéiné en conséquence, notamment des yaourts enrichis.
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Croissance modérée de la production mondiale
À 980 millions de tonnes, la production laitière mondiale affiche une croissance modérée en 2024, de 1,5 % soit 14 millions de tonnes supplémentaires. Cette croissance est portée par l’Asie (+12 millions de tonnes), notamment l’Inde et le Pakistan, « l’essentiel de la croissance se fait au plus près de la demande », explique Baptiste Buczinski de l’Idele, qui note aussi « l’arrêt de la croissance en Chine ». L’Asie absorbe tout de même plus de la moitié des volumes de produits laitiers échangés sur le marché mondial, très loin devant l’Afrique qui n’en reçoit que 10 %. La production laitière dans les principaux bassins exportateurs a été limitée au premier semestre 2024, mais s’est réveillée sur la suite, dans un contexte de forte demande mondial en beurre. En fin d’année, les volumes ont fléchi, conséquences de la FCO dans l’Union européenne et de la grippe aviaire qui touche les troupeaux laitiers aux États-Unis.