« Nous devons nous adapter industriellement au recul des cheptels » pour le DG d'Akiolis
Face au recul de l’élevage en France, le maillon des abattoirs n’est pas le seul à devoir s’adapter. Akiolis, qui gère des activités d’équarrissage et de collecte des sous-produits animaux, travaille à mieux valoriser un gisement en recul. Vague de chaleur, maladies animales, Gilles Cogny, son Directeur Général, revient pour Les Marchés sur les grands enjeux du secteur.
Face au recul de l’élevage en France, le maillon des abattoirs n’est pas le seul à devoir s’adapter. Akiolis, qui gère des activités d’équarrissage et de collecte des sous-produits animaux, travaille à mieux valoriser un gisement en recul. Vague de chaleur, maladies animales, Gilles Cogny, son Directeur Général, revient pour Les Marchés sur les grands enjeux du secteur.

Les Marchés : Comment s’articule l’activité d’Akiolis ?
Gilles Cogny : Notre entreprise collecte les sous-produits animaux dans les abattoirs, les boucheries, la grande distribution, ainsi que les animaux morts à la ferme et les transforme. Nous extrayons graisses et protéines pour les valoriser. Nous sommes le maillon qui assure le zéro déchet à la filière viande. Nos produits sont ensuite destinés à l’alimentation animale, aux engrais et à l’énergie. En octobre, nous ouvrons ainsi une première usine de gazéification des farines animales, à St Langis-Lès-Mortagne dans l’Orne. C’est un investissement important, qui aura un impact RSE fort avec une baisse de 25 % de notre empreinte carbone, soit 25 000 tonnes de CO2 économisées.
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Les Marchés : Nous sortons d’une première vague de chaleur. Avez-vous rencontré des difficultés à l’équarrissage ?
Gilles Cogny : Il a fait très chaud, avec des températures, dans la journée, parfois supérieures à la vague de chaleur de l’été dernier. Mais il y a eu beaucoup moins de mortalité, probablement grâce à un répit pendant la nuit avec des températures plus basses. Nous sommes prêts à gérer, mais la problématique n’est pas de traiter la surmortalité, mais de l’éviter.
La problématique n’est pas de traiter la surmortalité, mais de l’éviter
Face aux épisodes climatiques extrêmes plus fréquents, il faudra revoir les pratiques, avec par exemple une densité plus faible en élevage pendant l’été, une évolution des pratiques de ventilation. De notre côté, nous nous sommes adaptés, avec de nouvelles façons de traiter des matières dégradées.
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L. M. : Et sur le front des maladies, notamment la FCO, comment cela se présente ?
G. C. : Il y a eu beaucoup de mortalité l’an dernier. Mais cette année, la vaccination porte ses fruits, nous le constatons. Nous restons vigilants, l’émergence de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) en prouve la nécessité. Il y a davantage de maladies vectorielles, comme la FCO transmise par le culicoïde, la grippe aviaire par les oiseaux ou la DNC par les taons, c’est plus difficile à anticiper.
L.M. : Plus structurellement, comment vous adaptez-vous à la baisse des cheptels ?
G.C. : Cette baisse des cheptels en France est liée à la barrière financière à l’entrée, qui n’aide pas à la reprise des exploitations, mais aussi au manque d’attractivité du métier en 2025. Il ne faut pas oublier les distorsions de concurrence avec les importations.
On compense la baisse des volumes par une hausse de la valeur
Nous devons nous adapter industriellement au recul des cheptels, et de l’activité des abattoirs. On compense la baisse des volumes par une hausse de la valeur, avec plus de tri, des produits plus qualitatifs, de niche. Avant, nous pratiquions une activité de service aux abattoirs. Nous continuons, mais nous cherchons dorénavant aussi à proposer des solutions à nos clients, acheteurs de protéines et de graisses, en améliorant plus finement le tri.
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L.M. : Quels sont les nouveaux produits que cherchent vos clients ?
G.C : Par exemple, la demande en collagène se développe, sur un segment de produits bien-être. La demande en hydrolysats de protéines se déploie aussi, c’est-à-dire que l’on découpe la protéine finement en acides aminés. C’est directement assimilable par les plantes dans un cadre de fertilisation ciblée. Mais ce sont aussi des ingrédients hypoallergéniques pour la nutrition animale.
On travaille sur des plus petits volumes, mais particulièrement recherchés.
Des ingrédients qui ne sont pas directement consommables, comme les plumes, peuvent fournir des acides aminés assimilables. On travaille sur des plus petits volumes, mais particulièrement recherchés. Du foie, nous sortons des ingrédients très demandés pour l’appétence des croquettes, leur odeur, leur liant.
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L.M. : Comment vos pratiques évoluent-elles pour répondre à cette demande plus précise ?
G.C : Face à la baisse tendancielle du gisement, nous devons nous diversifier par le tri. Nous travaillons avec les abattoirs, nous les conseillons. Il faut adapter les façons de faire, ne plus mélanger les espèces. Nous sommes à l’écoute des opportunités de valorisation des sous-produits, des protéines et des graisses. Nous sommes sortis du marché des commodités. La traçabilité est la clé, pour nos clients fabricants d’aliment.
Nous sommes sortis du marché des commodités.
L.M. : Quelle est la place de la France dans cet écosystème des sous-produits ?
G.C : Nous réalisons 70 % de notre chiffre d’affaires à l’étranger. La Pologne, où se développe la production de volaille est un concurrent, avec un avantage sur le coût de la main-d’œuvre. Mais nous avons un coup d’avance sur le tri, sur la digestibilité et nous devons continuer à nous différencier. L’origine France a aussi un côté rassurant sur le respect des normes. C’est un des effets bénéfiques de la crise de l’ESB il y a 25 ans, nous avons structuré nos métiers.
L’origine France a aussi un côté rassurant sur le respect des normes.
L.M. : Quels sont les freins sur le marché mondial ?
G.C : Nous subissons une énorme distorsion de valorisation des protéines animales transformées de bovins. Du fait des réglementations liées à la crise ESB, elles ne peuvent pas être valorisées en aquaculture. Pourtant, nous avons la meilleure traçabilité au monde. Dans le même temps, les protéines des autres grands producteurs de viande bovine, comme les États-Unis, sont bien mieux valorisées dans l’aquaculture asiatique, on parle de 150 à 200 €/tonne d’écart. Tout ça pour nourrir des poissons que l’on importe et consomme en Europe.
On parle de plusieurs dizaines de millions d’euros perdus chaque année pour la filière
On parle de plusieurs dizaines de millions d’euros perdus chaque année pour la filière, nous effectuons un gros travail pédagogique auprès des pouvoirs publics sur le sujet. Il faudrait un consensus au niveau européen, malheureusement la Grèce n’est toujours pas au statut de risque négligeable pour l’ESB.
Chiffres clés d’Akiolis
800 000 tonnes de matière traitées chaque année dans 48 centres de collectes et 13 usines dont une première ouverte à l'étranger, en Espagne, l'an dernier. 300 millions d’euros de chiffres d’affaires et 1 000 employés. Une dizaine de marques B to B en petfood, aquafeed, engrais naturels, biocarburants ou encore gélatine alimentaire pour fournir des acteurs industriels comme TotalEnergies, Nestlé Purina Petcare, Royal Canin…