Tomates : est-on allé trop loin dans la segmentation ?
Indiscutablement, la segmentation a été un moyen de développer les ventes de tomates, en particulier la tomate française dont les opérateurs ont très tôt développé la gamme. La segmentation a apporté une valeur ajoutée supplémentaire, comme par exemple la grappe par rapport à la ronde rouge. Néanmoins, les Français ont été rattrapés par la concurrence et, sur les petits fruits en particulier, l’hypersegmentation a vraisemblablement atteint ses limites.
Selon Patrick Millot, du département animation-formation du centre CTIFL de Saint-Rémy-de-Provence, la réduction des segments est une tendance lourde. « La réduction des assortiments est une question récurrente que nous posent de nombreuses enseignes. Elle porte essentiellement sur le segment des petits fruits. Il y a actuellement trop de références artificielles en terme de conditionnement mais, je le précise, pas en terme de qualité. Aujourd’hui, le consommateur ne s’y retrouve plus. D’un avis personnel, je ne pense pas que le marketing aide beaucoup le consommateur à retrouver des repères. » Il y a peu, certaines enseignes alignaient jusqu’à 20 références, remarquent les observateurs. Désormais, la tendance s’inverse. « Je pense que 8 à 10 références – voire moins – pour l’ensemble des enseignes de GMS est un chiffre qui va bientôt être atteint pour améliorer et faciliter la lisibilité du rayon, poursuit Patrick Millot. Il y aura toujours une ronde premier prix, une tomate grappe mais, derrière, une sélection drastique va être opérée. En ce qui concerne les spécialistes, qui vont aller chercher des tomates à haut potentiel gustatif, le nombre de références se limitera à 6 ou 8, ce qui semble suffisant. »
Lisibilité de l’offre
Cet avis est également celui de Pierre Diot, président de l’AOPn tomate : « La segmentation a beaucoup apporté à la tomate française, car nous n’avons jamais été placés sur le créneau de la tomate premier prix, monopolisé par l’Espagne et le Maroc. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes tournés vers les petits fruits, comme la tomate cerise. La production y a trouvé une valeur ajoutée et, à ses débuts, la segmentation a reçu un excellent écho auprès du consommateur. Mais je pense que nous sommes rendus au bout de la segmentation. » La limite de la segmentation, c’est en effet la lisibilité de l’offre par le consommateur. « Nos concurrents du Sud se sont penchés sur la question et sont entrés de plain-pied dans la segmentation, à des conditions de prix indécentes pour la production française, poursuit Pierre Diot. C’est le cas par exemple d’une enseigne qui propose comme référence permanente une barquette de petites tomates à 0,99 € pour un prix d’achat de 0,55 €. C’est inacceptable. »
En revanche, la barquette petits fruits est une bonne affaire pour la distribution. Les consommateurs sont moins attentifs au prix des barquettes, car ils ne font pas le rapport prix-grammage, alors que sur les rondes ou les grappes, le prix est affiché en euros par kilo. Dans ce cas, il peut immédiatement comparer et faire son choix. Prince de Bretagne décline ce conditionnement avec, par exemple, une barquette 4 fruits Olivines ou de la cerise grappe sous flowpack. « Je me demande s’il faut continuer dans la voie des usages particuliers, s’interroge Pierre Diot. L’an dernier, par exemple, la campagne de tomate cocktail a été très difficile. Dans l’univers petites tomates, une ou deux références tirent leur épingle du jeu. C’est le cas de l’olivette cette année. Par contre, la campagne en tomate cerise est très difficile en raison d’un très long référencement des tomates d’import. Ceci étant, je pense que la distribution va faire le ménage dans le rayon tomate car, ne l’oublions pas, c’est le produit phare qui tire le rayon fruits et légumes. Elle sait qu’elle devra faire des choix, par exemple au niveau des barquettes bicolores, mais je crains qu’elle ne prenne une autre option : celle d’annoncer toutes les barquettes 250 g au même prix ».
Chez Odélys-Rougeline, 2009 sera une année consacrée à l’installation des variétés : « Nous proposons un panel de 20 variétés qui correspond à l’assortiment idéal,explique Sandrine Brunoro. A partir de là, les enseignes pratiquent des arbitrages et font leur choix. Sous cet angle, nous sommes force de proposition. Cette année, nous allons travailler sur la gamme 2008. En effet, nous avons décidé d’installer nos variétés, afin de les faire mieux connaître des consommateurs. L’objectif est de leur apprendre à multiplier les occasions de consommer la tomate et, par conséquent, de conquérir de nouveaux consommateurs. Ce sera une grosse partie de notre travail. » Pour certains experts de la filière, les leaders de la tomate française pourraient jouer la carte de l’exclusivité. « Mais l’exclusivité n’est pas fondamentale, ajoute Sandrine Brunoro. A moins d’une variété exceptionnelle. » Une porte est donc ouverte…