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Coopérative U Enseigne
« Nous voulons garder notre place de première enseigne pour les PME »

Dominique Schelcher, président-directeur général de Coopérative U Enseigne (ex-Système U), s’est confié aux Marchés Hebdo sur la première année d’application de la loi Egalim et son état d’esprit pour les négociations commerciales 2020.

Les Marchés Hebdo : La loi Egalim a fêté ses un an, quel effet a-t-elle eu sur la Coopérative U Enseigne ?

Dominique Schelcher : J’observe une série d’effets, comme l’arrêt de la déflation avec la hausse du SRP (seuil de revente à perte, ndlr). C’est ça qui dégage une marge complémentaire pour réinvestir dans les contrats tripartites. Certains criaient au loup sur les hausses de prix, les chiffres de Nielsen ont montré une hausse de 0,3 % au niveau des PGC (produits de grande consommation, ndlr). La baisse des promotions à des niveaux raisonnables a été sans conséquences sur le chiffre d’affaires. Ces changements ont été plutôt bien digérés, sans perte de chiffre d’affaires, à U qui fait plutôt une bonne année. Globalement, la loi a eu des effets positifs sur le lait. Sans elle, la réaction sur le porc n’aurait pas été aussi rapide, avec deux hausses de prix sur les charcuteries, au printemps et à l’automne.

Le ruissellement est une question de volonté

LMH : Le monde agricole se plaint que la théorie de ruissellement ne porte pas ses fruits. Qu’en pensez-vous ?

D. S. : Le ruissellement est une question de volonté des distributeurs. La mise en place de l’usine Schreiber, dans la Meuse, qui fabrique tous les yaourts à la marque U, est tout à fait dans l’esprit de la loi Alimentation avec des contrats avec quatre coopératives. Nous achetons un peu au-delà du marché, et le prix de vente est pour autant le même ; nous prenons moins de marge, cela donne un meilleur prix à la production. Nous avons d’autres exemples, dans le porc ou le bovin avec Éleveurs & engagé. Nous avons signé dès juin 2016 la viande Cœur de gamme, avec 1 euro de plus au kilogramme. À mi-2019, nous étions à 12-13 millions d'euros. D’ici à la fin de l’année, nous serons peut-être à 15 millions d’euros. Malheureusement, nous sommes le seul distributeur à s’être engagé. Nous essayons de le faire pour la totalité du produit que nous sélectionnons. Pour les yaourts, les œufs, 80 % du lait conventionnel, 100 % du lait bio et les porcs bios. Ce n’est pas du saupoudrage. Ce sont de vrais volumes. Sur le lait pour les yaourts, nous rediscutons le prix minimum pour cinq ans. Nous faisons des accords tripartites sur les MDD (marques de distributeurs, ndlr) et auprès des grands industriels, qui sauront nous prouver ce qui redescend aux producteurs, nous accepterons les hausses. Nous voulons avoir la certitude que cela redescend, et cela doit aller au-delà du lait.

LMH : Les PME se plaignent d’avoir été fragilisées par la loi, comment a évolué leur offre dans les magasins U ?

D. S. : Chez nous, l’offre est à la hausse. Les marques de PME ont représenté 70 % de la croissance l’an dernier. Une étude a montré que nous sommes la première enseigne des PME en France (étude Feef-Openmind, ndlr). Dans 63 % des paniers à U, il y a au moins un produit de PME. Ça a augmenté de 9 points en deux ans. Il y a une vraie appétence des clients pour cette offre. Nous sommes attentifs à mettre en avant ces produits, leurs nouveautés. Nos MDD sont fabriquées pour l’essentiel par des PME. Et sur la marque U, il y a encore un moteur de croissance.

C’est vrai que certaines PME, très promo-dépendantes, ont pu perdre du chiffre d’affaires (le foie gras a perdu des ventes à Pâques). Il faut passer les fêtes et mesurer les retombées. Je pense que les pouvoirs publics vont avoir un regard de bienveillance.

LMH : Faudrait-il faire évoluer la loi ou son application ?

D. S. : Il ne faut pas bouger la loi aussi vite. Il faut peut-être une lecture moins rigide pour certaines PME. Mais il faut donner sa chance à la seconde année de la loi. Et après, s’il y a un vrai déséquilibre, il faudra savoir en tirer les conséquences.

Nous sommes très stricts dans les consignes aux acheteurs

LMH : Comment abordez-vous cette nouvelle période de négociations ?

D. S. : Nous l’abordons en essayant de tenir compte de l’an dernier. Le premier message va aux PME, après il y a une attente de plus grande transparence vis-à-vis des grands industriels pour nous engager sur des demandes de hausse de prix. Nous en avons assez d’être accusés des pires pratiques. Nous voulons éviter tout incident. Nous sommes très stricts dans les consignes aux acheteurs. Après, il y a une attention forte des Français pour le critère du prix. Et il y a encore des endroits où on peut faire des progrès. Nous ferons notre travail de commerçant.

LMH : Quels engagements vis-à-vis des PME ? de l’offre locale et du bio ?

D. S. : Nous avons pris des engagements pour les PME, en disant notamment qu’il n’y aura pas de demande de déflation à U, et nous allons essayer de boucler les négociations avec elles avant le 31 décembre. Nous voulons garder notre place de première enseigne pour les PME. Quand les PGC sont sensiblement à la baisse, nous le compensons par une offre agrandie côté PME. Elles le sentent et nous proposent plus d’innovations sur les produits et emballages.

Sur le bio, la dynamique en 2019 restera très positive avec 20 % de croissance. Nous continuons de développer nos assortiments en bio. Nous cherchons à compléter les produits bios de marque, mais nous n’avons pas la place pour tout. Le choix se fait au profit des PME-TPE, et en privilégiant notre marque et l’origine France. Nous sommes contre la baisse de TVA sur les produits bios, ce n’est pas le moment. Revoir fortement les prix du bio à la baisse, c’est prendre un risque d’ouvrir la part de l’importation.

Le bio au prix du conventionnel, ce n’est pas possible !

LMH : La promotion se développe pourtant fortement sur le bio…

D. S. : Il y a une vraie appétence pour le bio, mais il ne faut pas tomber dans les excès précédents du marché. Il faut trouver le juste équilibre et ne pas partir dans une guerre des prix du bio, au risque que cela fragilise des filières entières. Le bio au prix du conventionnel, ce n’est pas possible ! Et il n’y aura pas les quantités suffisantes. Il faut trouver d’autres solutions. Il y a une troisième voie, notamment à travers le « sans pesticides ».

LMH : C’était votre première année avec la Centrale Envergure, satisfaits ?

D. S. : Nous sommes satisfaits d’une année de mise en place. Nous apprenons à collaborer. Pour la seconde année, nous mettons en place un comité de suivi mensuel, de sorte à ce que s’il y a une alerte, on puisse réagir. Nous sommes satisfaits de la bonne collaboration avec Carrefour.

LMH : Le paysage de la distribution en France se reconfigure, avec les problèmes rencontrés par les intégrés, Casino en tête. Comment vous positionnez-vous ?

D. S. : À date (le 4 novembre, ndlr), nous avons racheté cinq Géant Casino. Nous sommes le deuxième acheteur du marché derrière E.Leclerc. C’est le moment pour nous d’avoir le sens de l’opportunité avec le préalable que quand nous achetons un magasin, c’est pour un associé qui doit être capable d’investir et de trouver le financement. La coopérative n’a pas vocation à acheter. Le premier qui a basculé en Super U, à Château-d’Olonne (Vendée, ndlr), a vu ses ventes exploser, c’est au-delà de nos espérances. Ce qui montre que ce n’est pas toute la distribution qui est en crise, ce sont certaines offres et certains concepts.

LMH : L’hypermarché n’est pas mort, comment U veut le faire évoluer ?

D. S. : Le modèle évolue dans une démarche qualitative que nous avons souhaité accompagner par une labellisation. Nous développons plus fortement l’alimentaire, le fait maison, et nous approfondissons la formation du personnel. Certains magasins U sont labellisés « le meilleur de U ». Un hypermarché qui propose du personnel compétent fait la différence sur le marché. Et puis nos hypermarchés sont à une taille raisonnable, la plupart font 6 000 m2. Ce n’est pas un format qui connaît la crise.

Nous sommes ouverts à tous les bons partenariats dans la durée

LMH : Où en êtes-vous de votre processus de révision de recettes des produits U ?

D. S. : Le travail est quasiment au bout. Il a été démarré en 2012. Ça nous a permis de faire la chasse à 113 substances controversées. Mais des substances font de la résistance, la question est : allons-nous continuer ces produits ou pas ? Ce travail va être prolongé par un nouveau chantier sur les emballages respectueux sur nos marques.

LMH : Quid de vos engagements en faveur du bien-être animal ? L’Anvol se plaint des engagements de distributeurs, vous entre autres, dans la démarche Better Chicken Commitment sans évaluer le coût…

D. S. : Nous nous sommes donnés jusqu’à 2026. Ça laisse sept ans de travail pour trouver des solutions. En même temps, il faut être volontaristes et fixer des délais, sans ignorer la réalité des éleveurs.

LMH : Inaugurée en juin, l'usine Schreiber monte en puissance, après les premiers yaourts en avril. Quelle part de l’ultrafrais à votre marque l’industriel gère-t-il aujourd’hui ?

D. S. : La montée en charge de l’usine est progressive depuis le 14 juin, reste à caler les fromages blancs. Nous rentrons dans la phase 2, nous travaillons maintenant pour aller vers des nouveautés. Ça nous manquait avec nos partenaires d’avant. Les premières propositions arrivent. En 2020, nous lancerons des nouveautés notamment à destination des enfants. Nous voulons être une marque différenciante.

LMH : Envisagez-vous d’autres partenariats industriels sur d’autres secteurs ?

D. S. Nous ne voulons pas devenir producteurs, ce n’est pas notre stratégie. Par contre, nous sommes ouverts à tous les bons partenariats dans la durée, notamment sur les produits frais. C’est un gage de réussite pour tout le monde.

Parcours de Dominique Schelcher

« Ça m’a pris un jour où la foudre m’est tombée sur la tête ! J’avais presque noyé ma voiture, je me suis dit que j’avais envie d’être mon propre patron ». Ainsi, Dominique Schelcher, 48 ans, raconte comment il a rejoint le magasin U de ses parents à Fessenheim (Haut-Rhin), lui qui y avait passé toute son enfance et juré de ne jamais reprendre l’affaire. Parti faire ses études à l’Essca d’Angers, il commence sa carrière professionnelle au journal L’Alsace, dans le marketing. « Ça m’a fait côtoyer les journalistes et leur mode de fonctionnement, j’en garde un excellent souvenir », lâche-t-il, souriant. Il se décide à revenir dans l’affaire familiale et la reprend en 2004. Pendant deux ans, il se lève à 5 heures du matin tous les jours et ne prend pratiquement pas de vacances. Ce « pur produit U » s’implique en parallèle dans la coopérative. « J’ai tout fait, comme dans le magasin, et, de fil en aiguille, je suis devenu président de la région est », raconte-t-il. Il y reste neuf ans et, en parallèle, pilote la branche informatique de Système U. En 2018, Serge Papin, qui avait dit qu’il ne ferait que deux mandats, passe la main. Et le président de la région est fait rapidement le consensus. Il débute un mandat de six ans le 17 mai 2018. « Je suis à Fessenheim toutes les fins de semaine, je suis encore un patron très opérationnel », affirme celui qui trouve aussi le temps d’être très actif sur les réseaux sociaux.

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