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Négociations commerciales : « Ce qui est transformé en France, issu de l’agriculture française, doit être négocié en France ! »

À moins de deux mois du début des négociations commerciales, Jérôme Foucault, président de Pact’alim qui représente des PME et ETI de l’alimentaire, rappelle que les industries alimentaires françaises ont besoin de revaloriser leurs produits, pour leur permettre notamment de se moderniser. Car l’agroalimentaire français décroche, ce qui n’est pas sans risque pour l’amont agricole. Entretien. 

Jérôme Foucault
Jérôme Foucault Président de Pact'Alim qui représente des PME & ETI de l'alimentation.
© Adepale

Les Marchés : Serge Papin vient d’être nommé ministre des PME, du Commerce, de l'Artisanat, du Tourisme et du Pouvoir d'achat. Qu’en pensez-vous ? 

Jérôme Foucault : C’est courageux de sa part. C’est un homme de terrain, qui connaît bien nos métiers. Il a été aux sources d’Egalim et inspirateur de la marche en avant des prix alimentaires. Je suis très heureux de pouvoir lui expliquer pourquoi la loi Egalim ne marche pas comme elle devrait.

Lire aussi : Relations commerciales : trop de tensions, et trop de lois en France

Les Marchés : Que faudrait-il faire pour qu’Egalim fonctionne vraiment alors ?

Jérôme Foucault : La simplifier, la rendre plus efficace. Par exemple, la fameuse clause de révision automatique des prix, c’est une usine à gaz, qui ne se déclenche jamais. Il faut la mettre dans les conditions générales de vente. 

 Nous devons mieux utiliser les indicateurs

Nous devons mieux utiliser les indicateurs, ils ne doivent pas être négociables, ce qui engendre des distorsions de concurrence entre centrales. Et surtout, on doit garder les mêmes indicateurs de l’amont à l’aval, sans rupture. Pact’alim appelle à rouvrir le travail sur les indicateurs, pour toutes les filières. 

Lire aussi : Négociations commerciales : « les PME et ETI n’arrivent pas à vendre au juste prix »

Les Marchés : Les négociations commerciales vont commencer, à quoi s’attendre ? 

Jérôme Foucault : Nos attentes tarifaires reflètent la réalité. Au-delà du cacao et du café, qui atteignent des prix historiques, les prix de la viande bovine, des œufs, de la volaille sont orientés à la hausse. Au global, je m’attends à une légère inflation. D’autant qu’au-delà des prix agricoles, nos entreprises vont aussi subir la fin de l’allégement de charges sur les bas salaires. Et bien sûr, elles doivent investir dans la décarbonisation et la modernisation, c’est crucial. Par ailleurs, nous nous sommes positionnés auprès du précédent gouvernement pour une réduction de la durée des négociations commerciales, ce qui limiterait le psychodrame de cette période trop longue qui épuise les équipes. 

Les Marchés : Vous demandez un renforcement des contrôles, pourquoi ?

Jérôme Foucault : Hélas, il y a toujours des abus ! la DGCCRF a par exemple écrit aux centrales et à la FCD, début septembre, pour leur rappeler que les négociations n’étaient pas rouvertes, alors qu’elles revenaient à la charge. Cette pression pèse en permanence sur les transformateurs des filières agricoles et de la pêche. 

Lire aussi : Négociations commerciales, fraudes à l’origine, quel bilan dresse la DGCCRF pour 2024

Les Marchés : Quelles sont les conséquences du poids renforcé des centrales européennes ? 

Jérôme Foucault : Que les géants du café, commodité échangée sur le marché mondial doivent négocier avec des centrales européennes, dans le respect des lois, pourquoi pas. Mais ce qui est transformé en France, issu de la pêche et de l’agriculture française, doit être négocié en France ! 

Lire aussi : Les centrales d’achat à l’étranger, point faible d’Egalim 3

C’est vrai pour les PME et ETI. Mais aussi pour des industriels français un peu plus grands qu’une ETI, qui travaillent des pommes françaises, des légumes français ! Si la négociation a lieu en France, elle respecte le droit français, se fait dans le cadre d’Egalim et permet de mieux rémunérer nos agriculteurs et donc de protéger notre souveraineté alimentaire. C’est là le vrai sujet. 

Lire aussi : Egalim : « il est évident qu’on ne peut traiter PME et ETI comme les grands groupes »

Les Marchés : Vous expliquez que depuis 2010, l’écart de marge d’EBIT entre l’agroalimentaire et l’ensemble de l’industrie manufacturière s’est creusé de 50%. Pourquoi nos IAA décrochent-elles ? 

Jérôme Foucault : On a érigé l’alimentaire comme l’alpha et l’oméga du pouvoir d’achat. Pourtant, le budget des ménages est de plus en plus contraint par les dépenses engagées, abonnements internet, téléphone, Netflix, qui augmentent, mais nous, si on augmente de 5 centimes un paquet de pâtes, c’est un tollé. Bien sûr, il y a une réalité pour 9,8 millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté. Mais il faut redonner de la valeur à l’alimentation, produit du travail de nos agriculteurs, de nos transporteurs, des salariés de l’agroalimentaire.

Il faut redonner de la valeur à l’alimentation, produit du travail de nos agriculteurs, de nos transporteurs, des salariés de l’agroalimentaire.

Les Marchés : Quels sont les secteurs où les IAA peinent à atteindre le seuil de rentabilité ?

Jérôme Foucault : Plus on est sur de la première transformation, moindre est la rentabilité des entreprises, soumises à la volatilité des prix agricoles. Une partie des entreprises de la viande est très touchée, nos moulins ont aussi des rentabilités très faibles, les salades, les légumes...

Les Marchés : L’âge moyen des équipements est de 23 ans en France, contre 9 ans en Allemagne. Est-ce le signe d’un décrochage industriel ?

Jérôme Foucault : L’Allemagne a un modèle avec de grosses ETI plutôt que des PME, qui ont su investir et surtout dégager la valeur ajoutée permettant de le faire. Nos entreprises investissent 2 %, il faudrait plutôt 4 % voire 5 %. Il y a un décrochage en cours, il est temps d’un sursaut. Et même la GMS en a besoin, ; cherche de l’innovation, des produits qui mettent en valeur notre savoir-faire !

Il y a un décrochage en cours, il est temps d’un sursaut. 

Les Marchés : Quelles conséquences pour l’amont agricole de ce décrochage des IAA ?

Jérôme Foucault : On risque une paupérisation de l’offre, donc pour les agriculteurs, c’est moins de diversité pour leur permettre de trouver un équilibre entre les productions. Si les industriels n’ont pas de visibilité, la rémunération des agriculteurs peut s’en ressentir.  Il ne faut pas oublier que les industriels s’engagent sur du temps long pour l’agriculture française, je pense à un de nos adhérents qui soutient la relance de verger, un verger c’est 20 ans ! 

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