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Exportation
Les Maîtres laitiers veulent rebondir après l’échec avec Synutra

Lâchée par son client chinois Synutra, la coopérative normande présente des résultats financiers encore positifs. Elle compte sur France Frais pour écouler son lait à court terme et souhaite retenter l’aventure du grand export. Explications des dirigeants.

Septembre 2017. Les Maîtres laitiers du Cotentin (MLC) font visiter leur nouvelle usine à la presse et présentent leur partenariat prometteur avec Synutra. La coopérative normande s’engage à produire 690 millions de briquettes de 20 centilitres par an de lait puis de lait infantile. À charge à Synutra France, distributeur commercial, de les écouler en Chine, pendant dix ans. Pour répondre à ces besoins, MLC cherche à augmenter sa collecte et a investi 116 millions d’euros dans son usine, qui abrite aussi la production de beurre et de crème AOP.

Les envois ont atteint 80 conteneurs contre 120 prévus

Septembre 2018, le vent a tourné. Christophe Levavasseur, président de la coopérative, explique : « le démarrage a été beaucoup moins rapide que prévu, on est montés lentement en puissance jusqu’à fin 2017, où les envois ont atteint 80 conteneurs par semaine au mieux, contre 120 prévus au contrat ». Au 31 mars, les Normands adressent donc une facture d’indemnités de 9,5 millions d’euros à Synutra, pour « non atteinte des objectifs de vente fixés par le contrat sur la première année d’activité », détaille Guillaume Fortin, directeur général de la coopérative.

À partir du mois d’avril, la coopérative constate des impayés et Synutra fait remonter un problème de dépôt de matière protéique dans certaines recettes de briquettes, qui serait lié au traitement thermique par upérisation. Au cours d’une visite en Chine, en mai, les Normands découvrent avec stupeur l’étendue des stocks entreposés par Synutra et s’interrogent sur l’action commerciale de leur partenaire. Les lots sont commercialisés près de la DLC, d’où le dépôt. Conjointement avec Tetra Pak, MLC déclare avoir cherché des solutions, mais « les exigences de Synutra sont techniquement impossibles, d’autant plus que le choix de la chaîne de production a été réalisé par Synutra », confie Guillaume Fortin.

Dernier épisode, en août, Synutra résilie « de manière unilatérale » son contrat avec MLC, sous prétexte de l’absence d’agrément lait infantile. La procédure a été bloquée en conséquence de l’affaire Lactalis, le gouvernement français ayant interrompu le traitement des dossiers le temps de l’enquête.

9,6 millions d’euros provisionnés

L’échec de ce partenariat se traduit sur le plan financier par un fort recul du résultat net du groupe, à 1,3 M€ au 31 mars 2018 (contre 2,734 M€ un an plus tôt). MLC a en effet provisionné 9,588 M€ qui correspondent aux pénalités dues par Synutra « par mesure de prudence », précise Guillaume Fortin. Cette somme n’est pas couverte par l’assureur, Euler Hermes, au contraire des impayés, dont les responsables n’ont pas souhaité dévoiler le montant, n’étant pas les seuls créanciers de Synutra France. Le litige entre les deux parties est examiné au tribunal de commerce de Paris en ce qui concerne la rupture du contrat, jugée abusive, et celui de Brest quant aux encours.

Christophe Levavasseur rassure néanmoins : « Le groupe Maîtres laitiers du Cotentin, c’est 190 millions d’euros de fonds propres ! »

Gérer les volumes sur les autres sites

La coopérative a collecté 431,4 millions de litres (Ml) de lait sur la dernière campagne, soit une hausse de 5,68 % et prévoit une nouvelle croissance de 6 % sur la campagne 2018-2019. La coopérative avait accompagné les éleveurs qui le souhaitaient vers une hausse de leur production afin de remplir le contrat Synutra.

L’été, creux annuel de la collecte, « nous a laissé le temps de nous préparer pour gérer les volumes », explique Guillaume Fortin. Sur une année, c’est près de 80 Ml de lait à réorienter. « Heureusement, nous avons des outils industriels performants qui vont nous le permettre », précise Guillaume Fortin. Environ 50 Ml vont être transformés en lait UHT et écoulés via France Frais, la holding de distribution du groupe (vers les grossistes et la RHD notamment), qui se fournissait ailleurs en lait UHT depuis le lancement de Méautis. La matière grasse devrait « être facile à écouler vu le marché actuellement », selon Guillaume Fortin. Le reste sera transformé en fromages dans l’usine de Valognes, là aussi destinés à France Frais, qui organisera des opérations commerciales.

Retenter le grand export

Les chaînes de production des briquettes étant sous contrat avec Synutra, MLC ne pouvait pas les utiliser avant la résiliation du contrat. C’est désormais chose faite et les dirigeants cherchent de nouveaux partenariats. « On ne remet pas en cause le choix du grand export, mais celui du client », explique Christophe Levavasseur, qui, « en tant que président, vit très mal la situation ». Trois pistes sont prometteuses. Des distributeurs chinois se sont manifestés, intéressés par des briquettes de lait infantile, le dossier d’agrément a d’ailleurs repris son instruction. Des acteurs privés ou nationaux de certains pays émergents, au Moyen-Orient, au Maghreb et en Afrique subsaharienne sont aussi attirés.

Des industriels laitiers importants nous ont approchés

Tous ces potentiels partenaires étrangers visiteront les installations pendant le Sial. Enfin, des « industriels laitiers importants nous ont approchés, car ils sont intéressés par des briquettes de lait ou de lait infantile, en sous-traitance, pour leur marque », complète Guillaume Fortin. Cette nouvelle recherche de partenaires va prendre du temps et l’usine ne devrait pas redémarrer « avant le premier trimestre 2019, en étant optimiste », selon Guillaume Fortin. Jean-François Fortin, directeur général du groupe reste motivé : « je pense que les briquettes sont un très bon sujet. Peut-être que Synutra a juste eu raison, trop tôt ? »

Trouver le bon partenaire en Chine, un casse-tête !

Le dernier numéro de la lettre Chine d’Abcis retrace les nombreux partenariats difficiles entre entreprises laitières chinoises et étrangères. En 2008, Fonterra était associé à Sanlu, qui a depuis disparu et dont la présidente est en prison à vie suite au scandale de la mélamine. Fonterra a ensuite créé une coentreprise avec Beingmate, dont l’action a été divisée par trois entre 2015 et 2018. Frieslandcampina a subi des pertes de plus de 60 M€ dans son partenariat avec Huishan. Danone subit les revers de Yashili, dont il a acquis 25 % en 2014. D’autres alliances semblent néanmoins couronnées de succès, notamment Arla et Danone avec Mengniu (n° 2 laitier chinois) ou encore Isigny Ste-Mère et H & H. La stratégie de Nestlé visant à créer des associations avec des partenaires de dimensions locales lui a depuis permis de créer des filiales en propriété exclusive.

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