La marque Ïhou veut démocratiser la consommation d’insectes
Nature, salés ou sucrés, les grillons d’Alim’Ento sont élevés et transformés en Moselle. À l’heure de la mise en avant des protéines alternatives, la société espère lever des fonds pour accélérer son développement.
Installée à Faulquemont (Moselle), la start-up Alim’Ento vient d’entreprendre la commercialisation de grillons domestiques pour l’alimentation humaine, sous la marque Ïhou. « Nous sommes parmi les seuls à vendre des grillons 100 % français », explique Déborah Schäfer, présidente d’Alim’Ento. Après avoir installé les primo-reproducteurs d’Acheta domestica en janvier 2016, l’élevage s’est progressivement développé pour atteindre aujourd’hui 200 bacs de grillons. « Chaque bac peut contenir jusqu’à 1 kilogramme de grillons, soit environ 3 500 individus adultes », précise Pauline Barré, ingénieur agroalimentaire et responsable de production.
Les insectes sont élevés dans une salle chauffée entre 27 et 30 °C, à l’hygrométrie régulée. Ils sont nourris exclusivement de fruits, légumes et céréales issus de l’agriculture biologique. « Nous nous fournissons en végétaux, qui ne sont pas suffisamment beaux pour être vendus aux consommateurs, que nous récupérons auprès d’agriculteurs et de coopératives de la région. C’est important pour nous d’être dans une logique de circuits courts », souligne Déborah Schäfer. Les bacs disposent de boîtes de cellulose avec des alvéoles pour que les insectes puissent se cacher. « Quand les grillons chantent, c’est qu’ils sont prêts à se reproduire. Nous leur installons alors des pondoirs avec du terreau bio pour qu’ils puissent y déposer leurs œufs », indique Pauline Barré. Le nombre d’individus est régulé par la mise à disposition ou non de pondoirs, qui sont ensuite installés dans une nurserie.
Vigilance sur la souffrance animale
Dans un premier temps, les grillons passent par une période de jeûne de 24 heures qui va permettre une vidange gastrique. Ils sont ensuite plongés dans un état léthargique par le froid positif, pendant 24 à 48 heures, avant d’être abattus par le froid négatif, à -18 °C. « Nous sommes très vigilants sur les questions du bien-être et de la souffrance animale, c’est pourquoi, il nous paraît important d’intégrer cette étape d’endormissement des insectes par le froid », affirme la présidente. Les insectes peuvent être conservés en l'état plusieurs mois avant d’être transformés. En dernière étape, ils sont déshydratés, puis subissent un traitement thermique et sont ou non agrémentés d’une aromatisation.
120 000 euros nécessaires cette année
Ïhou propose trois gammes : nature, salés (épicés, fumés ou persillés) et sucrés (amandine ou pop’grillons). Les sachets de 15 grammes sont commercialisés entre 8 et 8,50 euros via le site Internet de la marque ou la vente directe. « Nous travaillons actuellement avec des partenaires pour élaborer un réseau de distributeurs », déclare Déborah Schäfer. La start-up, qui emploie trois associés et une salariée, espère maintenant passer à la vitesse supérieure. Elle est à la recherche d’investisseurs pour augmenter les volumes de production, accentuer la communication, développer de nouveaux produits et déménager dans des locaux plus grands. « Nous estimons qu’il nous faut environ 100 000 à 120 000 euros pour bien décoller cette année et 500 000 à 700 000 euros pour financer le déménagement en 2018 », dévoile la présidente.
Le point sur la réglementation
La vente d’insectes pour l’alimentation humaine n’est pas spécifiquement autorisée en France à l’heure actuelle. « Il n’y a pas de réglementation européenne dédiée à l’insecte, exprime Déborah Schäfer, présidente d’Alim’Ento, mais la référence reste le novel food ». En attendant une prise de position de la France et la création de référentiels, la start-up mosellane applique les règles d’hygiène des établissements de transformation de denrées animales et mise sur la transparence. « Nous avons rencontré les services de la DGAL et de la DDPP pour leur présenter notre élevage et notre atelier de transformation. Nous voulons être dans une démarche de coconstruction d’une nouvelle filière, répondant aux exigences de sécurité sanitaire », complète-t-elle.