Chronique
Foires et salons : coup d’arrêt au non-droit ?
Dans une décision du 17 décembre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne vient de s’emparer des pratiques de démarchage dans les allées d’un salon. Décryptage.

Depuis la loi Hamon de 2014 transposant en droit français la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs, les consommateurs ne bénéficient pas d’un droit de rétractation lorsqu’ils réalisent un achat de bien ou de service à l’intérieur d’une foire ou d’un salon.
La seule obligation du professionnel est alors d’informer le consommateur de l’absence de ce droit, au moyen d’un écriteau sur son stand, et dans le contrat que le consommateur signera, avec, toutefois, une réserve pour le cas où le bien est acquis au moyen d’un crédit, puisque alors, le consommateur bénéficiera d’un droit de rétractation pour ce crédit.
Hormis ces formalités sommaires, la vente sur une foire ou un salon est régie par le seul droit de la vente. Ce régime de faveur des foires et salon est évidemment à rapprocher du régime draconien des ventes à distance ou hors établissement qui sont assorties d’un droit de rétractation en raison du contexte même de ce type de commerce.
Pour mémoire, la vente à distance s’entend du contrat souscrit hors la présence simultanée du vendeur et de l’acheteur, par l’intermédiaire d’une technique de communication à distance, et la jurisprudence y assimile, depuis fort longtemps, la vente consécutive à un démarchage, notamment quand le consommateur est invité à se rendre sur le lieu de vente, pour y retirer, par exemple, un cadeau.
Vente hors établissement ?
Quant à la vente hors établissement, elle s’entend d’une vente réalisée dans un lieu qui n’est pas habituellement dédié au commerce.
Or, à quoi sommes-nous fréquemment confrontés sur les foires et salons ? À des professionnels qui invitent leur fichier à se rendre sur leur stand, en leur promettant même, parfois, un cadeau. À des professionnels qui démarchent les visiteurs dans les allées du salon, souvent avec constance et ténacité.
Au regard d’un tel contexte, la différence de régime est bien peu compréhensible.
Heureusement, le juge communautaire reste vigilant. La Cour de justice de l’Union européenne a décidé le 7 août 2018 qu’il fallait se demander au cas d’espèce, si le stand d’une foire ou d’un salon peut être perçu par le consommateur comme le prolongement d’une activité commerciale normale de l’exposant, auquel cas il s’agit d’un établissement commercial dans lequel il est normal que le consommateur soit sollicité.
La cour avait précisé qu’une activité peut présenter un caractère habituel même si ce n’est que quelques jours par an. Dans le cas contraire, en revanche, le stand n’est pas un établissement commercial faute d’habitude, et il s’agit d’une vente hors établissement, avec les conséquences qui en résultent.
Démarchage dans les allées du salon
Le 17 décembre 2019, la cour est allée encore plus loin, en s’emparant d’une des pratiques rappelées ci-dessus, le démarchage dans les allées du salon.
La cour indique clairement que, dans un tel contexte, la vente conclue sur le stand du professionnel consécutivement à un démarchage du consommateur est une vente hors établissement, quand bien même le stand serait, pour le professionnel, un établissement commercial habituel.
Voilà qui devrait mettre un terme aux ardeurs des commerciaux les plus virulents, car, en effet : soit le professionnel se borne à rester sur son stand, auquel cas la vente n’est pas une vente hors établissement, soit il persiste dans ses pratiques de démarchage dans les allées ou par anticipation, et non seulement l’écriteau réglementaire informant le consommateur de l’absence de droit de rétractation est mensonger, mais en outre, le professionnel doit disposer de formules de contrat adaptées qui permettent l’exercice du droit de rétractation. Et il ne doit recevoir, sauf exceptions prévues par le Code de la consommation, aucun paiement avant l’expiration d’un délai de 7 jours à compter de la formation du contrat.
Maître Didier Le Goff
Fort d’une expérience de plus de 25 années dont près de 20 ans comme associé d’un cabinet parisien de premier ordre tourné vers le droit commercial et la vie des affaires, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l’entreprise, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, il a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire. Il a fondé, en 2018, avec quatre confrères de spécialités et barreaux différents, une plateforme dédiée aux segments de marché de l’agroalimentaire, parfums, fleurs et leurs produits dérivés : www.leschampsdudroit.fr.