Comment l'Argentine bride ses importateurs
> Dépôt de conteneurs du port de la Boca, à Buenos Aires, où l'activité est minime.
Le 26 septembre dernier, l'Argentine a fait appel du verdict de l'organe de règlement des différends de l'OMC dans le litige qui l'oppose à l'Union européenne et aux États-Unis, (parmi 43 pays demandeurs), sur le régime d'importation mis en place par le gouvernement argentin depuis février 2012. À la fin de ce mois de novembre, l'organe d'appel devrait se prononcer. S'il confirme la posture de l'institution, l'Argentine disposera d'un an pour modifier son régime d'importation. Dans le cas contraire, les pays demandeurs pourront prendre des mesures de représailles similaires sur les produits d'exportation argentins.
L'État argentin veille de près à l'équilibre de sa balance commerciale. Aussi, depuis deux ans, les importations de biens sont res” treintes par : les obligations de présenter une déclaration d'importation préalable sous serment ; d'investir en Argentine ; de s'abstenir de rapatrier les bénéfices pour les entreprises étrangères ; de fournir un minimum d'emplois et de compenser la valeur des importations par une valeur d'exportations équivalente.
“ 7 000 demandes d'importations examinées une par une
Le président de la Chambre argentine des importateurs (Cira), Diego Pérez Santisteban, explique le fonctionnement actuel du secrétariat au Commerce : « Entre 20 et 25 fonctionnaires examinent, une par une, quelque sept mille demandes d'importation adressées par jour. L'importateur l'envoie par courrier électronique et reçoit comme réponse soit une autorisation, soit une demande d'entretien personnel “ pour en savoir plus ”, ou un silence radio. Ce système est illégal et absurde », juge-t-il.
Il raconte un échange personnel qu'il a eu récemment avec le secrétaire au Commerce intérieur, Augusto Costa. Ce dernier lui aurait dit, en lui montrant son téléphone portable, que son problème était cela justement. « Les importations de téléphones coréens ?, lui ai-je demandé. Non, le ministre de l'Économie et le président de la Banque centrale m'appellent régulièrement pour me dire que les réserves sont insuffisantes pour autoriser davantage d'importations », lui aurait répondu Augusto Costa. Précisons que les importa-teurs réalisent leurs opérations au taux de change officiel, inférieur de 50 % au taux de change peso-dol-lar libre. Les restrictions visent aussi à éviter d'éventuelles opéra-tions de nature spéculative.
Selon les sources consultées à Buenos Aires par Les Marchés Hebdo, l'obligation pour les opérateurs argentins de compenser la valeur de leurs importations par des exportations de valeur équivalente ne serait officiellement plus en vigueur depuis un an. Mais le 2 octobre dernier, l'exportateur d'huile d'olive Promas, alors sous le giron du laitier Mastellone, copropriété de Danone depuis 2009, a été racheté par un concessionnaire de camions Ford. Ce dernier l'aurait fait pour obtenir plus facilement l'autorisation d'importer des véhicules du Brésil. De fait, plusieurs industriels ont noué des accords avec des producteurs argentins de vins et d'huiles d'olive. D'autres ont acheté des « quotas d'export » à des firmes céréalières. La plupart se sont engagées par écrit à réaliser des exportations.
« Vu que limiter les importations de machines et de carburants bride la production nationale de biens, les importations qui sont freinées en priorité portent donc sur les textiles, les jouets et les aliments élaborés », ajoute Diego Pérez Santisteban. Le verdict attendu de l'organe d'appel de l'OMC, même défavorable à l'Argentine, ne constituerait pas en soi une sanction. Toutefois, il fournirait un argument de poids aux pays lésés par les restrictions aux importations du pays sud-américain.