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Interview
Ania : « on va demander un droit de suite aux Egalim »

Pour Les Marchés Hebdo, Catherine Chapalain, directrice générale de l’Association nationale des industries alimentaires, fait le point sur les dossiers d’actualité du secteur : conjoncture, projets législatifs et relations avec la distribution.

Catherine Chapalain, directrice générale de l'Association nationale des industries alimentaires.
© DR

Les Marchés Hebdo : L’Ania a réagi vivement au projet de taxation des saisonniers dans le cadre de la réforme des retraites annoncée cet été. En quoi l’agroalimentaire serait particulièrement affecté par cette mesure ?

Catherine Chapalain : Nous ne remettons pas du tout en cause la réforme, mais juste le fait que le travail saisonnier soit inclus dans le dispositif. Les industries agroalimentaires utilisent beaucoup de saisonniers. Si le secteur compte 92 % de salariés sous CDI et est créateur d’emplois (3 000 ont été créés cette année), il utilise beaucoup de saisonniers, car il est soumis aux cycles naturels. Quand on récolte des fruits rouges, que l’on transforme des betteraves en sucre ou que l’on confectionne du chocolat pour les fêtes, on utilise des saisonniers. Nous avons été très surpris de voir les saisonniers inclus dans la réforme. Les conséquences peuvent être majeures sur certains secteurs de l’agroalimentaire, c’est un risque que l’on ne peut pas prendre.

Nous avons été très surpris de voir les saisonniers inclus dans la réforme

LMH : Que demandez-vous au gouvernement ?

C. C. : D’exclure les saisonniers du dispositif, comme cela était prévu au départ. Nous n’avons pas eu de réponses précises à ce stade.

LMH : D’autres dossiers législatifs vous préoccupent-ils en cette rentrée ?

C. C. : L’autre grand sujet d’actualité est la commission d’enquête parlementaire sur la distribution, mais on salue le travail de fond fait. Un travail extrêmement sérieux a été mené par les parlementaires qui ont auditionné des dizaines et dizaines d’entreprises, distributeurs et membres du gouvernement, de l’administration pour examiner l’effet très négatif de la guerre des prix sur les filières agricoles françaises. On n’attend pas une réforme législative, mais un rééquilibrage des forces. On demande l’application stricte de la loi. Et nous avons fait des recommandations pour rétablir le tarif comme référent de base à la négociation commerciale, demander la fin des pénalités logistiques disproportionnées et du racket de la distribution à travers les supercentrales internationales. Ces dernières sont d’ailleurs dans le collimateur de la commission d’enquête et du gouvernement. On va aussi demander un droit de suite aux états généraux de l’alimentation (Egalim, ndlr) avec les agriculteurs, les coopératives et la distribution.

L'état de santé du secteur nous rend inquiet

LMH : Comment avez-vous pris l’assignation de Bercy contre E.Leclerc « pour des pratiques commerciales abusives commises par sa centrale d’achat belge » et sa demande d’une amende de 117,3 millions d’euros ?

C. C. : C’est un signal très positif. On voit une nette rupture. La sanction va enfin devenir dissuasive. Pour revenir aux dossiers législatifs, nous sommes attentifs au projet de loi sur l’Économie circulaire. Pour nous, les IAA sont déjà très engagées dans ces sujets. Ce que l’on demande dans ce projet, dont on salue l’ambition, ce sont des mesures pragmatiques, efficaces et réalistes. Il faut du temps, on demande la prise en compte de la performance écologique et économique et de la cohérence avec le droit européen. On ne souhaite pas de surtransposition. On ne peut pas du jour au lendemain remplacer le plastique.

Les chiffres ne sont pas bons à l’exportation

LMH : Comment se portent les entreprises du secteur agroalimentaire en cette veille de rentrée ?

C. C. : L’état de santé du secteur nous rend inquiet. Nous observons un décrochage de compétitivité des entreprises françaises par rapport à leurs concurrentes européennes depuis plusieurs mois, voire plusieurs années avec une baisse des parts du marché international. Cela doit alerter le gouvernement. Le contexte de guerre des prix a pénalisé la filière agroalimentaire, mais aussi les normes toujours plus contraignantes et une fiscalité de production plus lourde que nos voisins. Les chiffres ne sont pas bons à l’exportation.

LMH : Comment s’annoncent les négociations commerciales 2020 qui doivent démarrer dans un peu plus d’un mois ?

C. C. : On espère que tout le travail fait lors des Egalim, la nouvelle loi et les recommandations faites par la commission d’enquête parlementaire – qui doivent être communiquées en septembre –, ainsi que la peur du gendarme permettront un rééquilibrage des forces. On espère que la donne va enfin changer, et que les entreprises connaîtront des négociations commerciales plus apaisées.

LMH : Les difficultés que rencontrent certaines enseignes de la grande distribution, les intégrées surtout, inquiètent-elles les industriels du secteur ?

C. C. : Nous avions fait le constat de difficultés collectives lors du diagnostic partagé cosigné par la FCD – pas les distributeurs indépendants –, la FNSEA et Coop de France au début des états généraux de l’alimentation. Et nous avions proposé des solutions communes, et notamment, le fait de mettre fin à la guerre des prix. Oui, la difficulté de la grande distribution présente une inquiétude majeure. Il faut trouver des solutions et écouter le consommateur.

LMH : Concernant le domaine de la nutrition, où en êtes-vous du projet de plateforme Num-Alim, annoncé il y a un an ?

C. C. : La plateforme Num-Alim est créée. Elle vise trois objectifs : apporter une information fiable au consommateur (à la différence des données des applications), améliorer le travail de traçabilité et encourager la transition numérique. Le catalogue numérique est réalisé avec GS1. D’ici à la fin de l’année, n’importe quelle application pourra utiliser ses données.

LMH : Des applications vous ont-elles déjà dit qu’elles allaient les utiliser ?

C. C. : L’association UFC-Que choisir a annoncé qu’elle utiliserait les données de Num-Alim. Toutes les applications ont intérêt à utiliser ces données fiables.

LMH : Le Nutri-Score se déploie en Europe, quelle est la position de l’Ania vis-à-vis de ce label ?

C. C. : Nous étions au départ réservés sur le modèle Nutri-Score que nous jugions simpliste. Après que le Nutri-Score a remporté l’expérimentation, nous avons toujours indiqué que nous accompagnerions les entreprises qui le souhaitent. Dans Num-Alim, il y a la possibilité d’intégrer le calcul du Nutri-Score si les entreprises le souhaitent.

LMH : Certains demandent de rendre ce Nutri-Score obligatoire. Qu’en pensez-vous ?

C. C. : Si cela doit se faire, cela se fera au niveau européen avec un système commun. De plus en plus d’entreprises ont choisi le Nutri-Score en France, mais ce n’est pas encore la majorité. Si cela répond à une attente forte du consommateur, la montée en puissance se fera naturellement.

Des entreprises sur la défensive

« Les entreprises sont sur la défensive », indique l’Ania à la suite d’une enquête de compétitivité qu’elle a menée depuis le 23 mai 2019 auprès de 150 entreprises de tous secteurs, réparties sur l’ensemble du territoire et à 71 % de TPE-PME. Manquant de visibilité, les TPE-PME « sont encore trop nombreuses à se demander si elles seront encore là à moyen terme ! » commente l’Ania. 75 % des entreprises affirment avoir vu leurs marges baisser depuis la guerre des prix, et l’association constate que l’investissement dans le secteur est encore insuffisamment axé sur la compétitivité de long terme. L’attractivité des métiers et le manque de ressources pour s’adapter à la réglementation sont cités par les TPE/PME comme freins à la croissance, tandis que les ETI et grands groupes évoquent « les relations avec la grande distribution ».

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