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Vaches laitières : « Il n’était pas question d’arrêter le pâturage malgré les robots »

En Ille-et-Vilaine. Sébastien Lodiel a investi dans deux robots de traite en 2020 pour pallier un manque de main-d’œuvre. Le pâturage est resté au menu de ses 110 vaches avec, à la clé, une très bonne marge sur coût alimentaire.

La performance économique de l’atelier lait de Sébastien Lodiel était à l’honneur cette année lors de la remise des prix du « Challenge éleveurs » organisée tous les ans par Eilyps Group. L'éleveur a décroché le premier prix dans la catégorie « Système mixte stock-pâturant ». Le classement tient compte de la marge sur coût alimentaire (MCA) de l’atelier lait. Celle dégagée par Sébastien Lodiel était la meilleure : 9,90 €/VL/j contre 9 €/VL/j pour le groupe à plus de 10 000 kg de lait. Cette différence de 0,90 €/VL/j représente un gain de marge de 36 000 euros (0,9 x 112 VL x 365 j) par rapport à la moyenne du groupe robot. La MCA de l’élevage était équivalente à celle de ce groupe (7,20 €/VL/j) lors de l’exercice précédent. Plus de lait produit et mieux payé a permis de booster la MCA malgré une hausse du coût alimentaire et une baisse des taux.
 

30 hectares de prairies accessibles aux vaches

 

 
prairie avec prim'Holstein traites avec un robot
Les 14 paddocks destinés au pâturage (2 ha en moyenne) sont à base d’un mélange multiespèce composé de variétés de RGA, de fétuque et trèfle. Le troupeau reste dans un paddock 2 à 4 jours selon la pousse de l’herbe. © F. Mechekour

L’importance accordée au maintien du pâturage malgré le passage à la traite robotisée en 2020 participe aussi à ce résultat. Sur les 134 hectares de SAU, 58 hectares sont en herbe, dont la moitié sont accessibles aux vaches. « Le maintien du pâturage est économique. Les vaches sont en meilleure santé. Quand elles pâturent, elles nourrissent le sol qui nourrit à son tour les plantes qui seront consommées par les vaches », expose Sébastien Lodiel.

En pleine saison de pâturage, l’herbe pâturée (RGA-TB) représente près de 75 % de la ration de base (14 kg MS pour un total de 18 kg MS ingérés). L’herbe est complétée par 3 kg d’ensilage de maïs, 1 kg MS d’un mélange d’ensilages de luzerne, trèfle violet et RGA, 800 g de tourteau de colza non-OGM et 260 g de minéral 0/30/5. La ration distribuée à l’auge est équilibrée à près de 25 kg de lait.

Les vaches reçoivent un complément au robot de traite de 1,9 kg de maïs grain (4 kg maximum) et 1,9 kg de concentré contenant du lin (4 kg maximum). La moyenne de production laitière du troupeau s’est élevée à près de 32,5 kg de lait malgré une baisse de fréquentation des robots à cette saison. « Quand les vaches entrent dans un nouveau paddock, la fréquentation baisse à 1,80/1,90 le premier jour. Puis le lendemain, elle remonte à 2,20/2,30 contre 2,50/2,70 en hiver. Mais cela ne me gêne pas. Ce qui compte c’est de produire sa référence en fin de campagne », souligne Sébastien Lodiel.

Une plus-value de 20 euros pour 1 000 litres

 

 
prim'holstein consommant de l'ensilage de maïs
Les vaches consomment au minimum 5,5 kg MS/j d’ensilage de maïs au pâturage et jusqu’à 11 kg MS/j en hiver. Les rendements tournent autour de 12 à 14 t MS/ha et jusqu’à 16-18 t MS/ha après une prairie. © F. Mechekour

Le pâturage lui permet aussi de valoriser son lait via la marque Lactel « Les 20 fermes ». Le cahier des charges stipule notamment que les vaches doivent pâturer au minimum 6 heures par jour à raison de 200 jours par an et consommer des aliments non OGM. « Grâce à cette valorisation, je touche une plus-value de 20 euros pour 1 000 litres de lait. »

L’éleveur est également engagé dans la démarche Bleu Blanc Cœur depuis 2020. « Je ne touche pas de plus-value. Mais je m’y retrouve, même si le concentré de production contenant du lin coûte plus cher (470 €/t). Je trouve que mes vaches se portent mieux. » Les vaches en consomment 1,9 kg/j en saison de pâturage et 2,1 kg/j en hiver.

Thibaut Cordonnier ajoute que l’incorporation de lin dans le concentré de production améliore le bilan carbone de l’élevage. Grâce au lin, les émissions de méthane du troupeau devraient baisser. À part la réduction de l’âge au premier vêlage (28 mois), Sébastien ne voit plus d’autres leviers pour améliorer significativement le bilan carbone de son exploitation.

Un système de pâturage simple pour limiter le travail

L’autre atout du pâturage, et non des moindres étant donné la situation tendue de l’exploitation côté main-d’œuvre, c’est le gain de temps. « J’ai moins de travail. Les vaches passent moins de temps dans le bâtiment. Elles sont autonomes. Elles rentrent et retournent dans les paddocks quand elles veulent. J’ai juste paramétré un intervalle de traite minimum de 6]]>h]]>30. »

Pour simplifier son travail, Sébastien Lodiel laisse les vaches dans les paddocks de 2 hectares pendant 2 à 4 jours selon la pousse de l’herbe. « Je ne fais pas de paddock de jour et de nuit parce que c’est plus compliqué à gérer. » Pour les mêmes raisons, les vaches taries sortent même si l’éleveur est conscient que ce n’est pas idéal pour les préparations au vêlage. « Il y a une dizaine de fièvres vitulaires chaque année », reconnaît-il.

Les vaches en début de tarissement et les préparations au vêlage sont conduites en un seul lot. En hiver, elles consomment les refus des vaches traites (ensilage de maïs et d’herbe complété par de la paille en libre-service). Elles ont la possibilité de sortir. « Je ramène les génisses sur le site 15 à 20 jours avant le vêlage pour les passer au robot afin qu’elles s’habituent. »

La conduite du pâturage et des vaches taries n’est pas optimisée. Mais elle représente un bon compromis selon l’éleveur entre l’idéal et ce qu’il est possible de faire quand la main-d’œuvre devient un facteur limitant. « J’avais quatre associés. Mais après la dissolution du Gaec en 2020, je me suis retrouvé seul avec deux salariés à mi-temps. »

Plus de lait et moins de travail grâce aux robots

 

 
robot de traite Delaval VMS 310
Les deux robots de traite ont été mis en route en décembre 2020. Le logiciel est utilisé pour détecter les vaches en chaleurs ou gestantes. © F. Mechekour

De tendue, la situation aurait même pu devenir quasiment ingérable. « À l’époque du Gaec, on trayait 140 vaches dans une salle de traite 2x7 qui était à bout de souffle. Comme le parc d’attente était trop petit, il fallait les passer en deux lots. On passait 5 heures par jour à deux pour traire. Quand je pense que nous avions envisagé d’investir dans une nouvelle salle de traite peu de temps avant la dissolution du Gaec », se remémore-t-il.

Deux robots de traite DeLaval (modèle VMS V310) ont été mis en route en décembre 2020. Au-delà de la diminution du travail d’astreinte, le passage à la traite robotisée s’est traduit par une augmentation de la production laitière par vache (10 300 kg contre 9 035 kg lors de la campagne 2020-2021). La référence de 1,1 million de litres de lait est désormais produite par 112 vaches contre jusqu’à 140 à l’époque du Gaec. Par ailleurs, Sébastien utilise le logiciel fourni avec le robot pour détecter les vaches en chaleur ou les gestantes. Les génisses sont, quant à elles, équipées d’un collier.

Pour continuer à améliorer ses conditions de travail et sa productivité, Sébastien Lodiel envisage désormais d’investir dans un bâtiment pour avoir tout son troupeau à portée de main. « Je loue un bâtiment pour loger les génisses. Mais il est un peu éloigné du site et pas très fonctionnel. » La construction d’un hangar pour stocker de la paille et du matériel est également prévue. Deux projets qui vont cependant rester en stand-by un certain temps. « Avec la dissolution du Gaec et mon passage en individuel en 2020, c’est comme si je m’étais installé une seconde fois. Si la conjoncture reste favorable, j’investirai. Sinon, je patienterai. Mon banquier m’a dit qu’il fallait que je tienne au moins quatre ans. »

Embauche d’un nouveau salarié à mi-temps

Côté main-d’œuvre, la situation risque de rester assez tendue pour deux raisons. L’historique de l’exploitation a conduit Sébastien Lodiel à écarter l’option de recherche d’un nouvel associé. Et trouver un salarié compétent et motivé n’est pas simple. « Cela devient très difficile de trouver de bons salariés. Mais cela ne me tracasse pas. »

L’éleveur est actuellement épaulé par sa femme et son père (salariés à mi-temps). Un nouveau salarié, également employé à mi-temps, devrait renforcer l’équipe cet été. Lorsqu’il s’absente, Sébastien Lodiel fait appel au service de remplacement.

Note : éleveurs adhérents au service Gestion technico-économique proposé par Eilyps.

« Au pâturage, la baisse de fréquentation des robots ne me gêne pas »

Fiche élevage

1 chef d’exploitation et 2 salariés à mi-temps

134 ha de SAU dont 58 ha de prairies temporaires, 30 ha de maïs, 7,7 ha de luzerne et 38 ha de cultures de vente

112 vaches laitières à 10 307 kg

2 robots de traite

1,59 UGB/ha de SFP

Du croisement avec de la brune, parthenaise, Angus et blanc bleu

La prim’Holstein est, et restera, la race principale dans le troupeau. Sébastien Lodiel a cependant recours à différents croisements depuis trois ans. Il privilégie le gène sans cornes en race pure.

 

 
jeunes bovins croisés primholstein avec angus ou parthenais ou blanc bleu et abbatus à 30 mois
Une quinzaine de veaux croisés viande naissent chaque année. Ils sont élevés jusqu’à 30 mois. Cet atelier permet de valoriser des pâtures. En hiver, leur ration est à base d’ensilage de maïs et d’herbe avec de la paille à volonté. © F. Mechekour

Pour booster son produit viande et valoriser des prairies, Sébastien Lodiel a recours au croisement de certaines prim’Holstein avec du parthenais (une quinzaine par an), de l’Angus (une dizaine par an) ou du blanc bleu. Les animaux sont abattus à l’âge de 30 mois environ. « J’utilise du parthenais parce que les poids de carcasse des animaux sont supérieurs à ceux des croisés avec du blanc bleu. » Le premier animal a été vendu en juillet à 4,8 €/kg avec un poids de carcasse de 450 kg. L’Angus a été choisi pour la facilité de vêlage et « la réputation de la qualité de sa viande. » Un croisé Angus est réservé à l’autoconsommation. Les veaux mâles de race prim’Holstein sont vendus à 3 semaines.

Pour le renouvellement, l’éleveur gère lui-même les accouplements. « Ça marche aussi bien et ça coûte moins cher. » Les critères de sélection prioritaires sont la locomotion, la facilité de vêlage et le lait. « Le suivi génétique permet à Sébastien Lodiel d’avoir un troupeau très bien adapté à un système robot de traite », précise Valentin Chauvel, du Cerfrance Brocéliande.

Semences sexées issues de taureaux sans cornes

Le gène sans cornes est aussi un choix prioritaire. « Le choix en taureaux prim’Holstein sans cornes s’est amélioré mais reste encore limité. On retombe très souvent sur les mêmes origines », regrette l’éleveur. « Pour gérer les problèmes de consanguinité, j’utilise parfois des taureaux de race pie rouge. » Les génisses en première insémination sont inséminées avec de la semence sexée et issue de taureaux porteurs du gène sans cornes. Les suivantes sont réalisées avec de la semence conventionnelle issue en majorité de taureaux prteurs du gène sans cornes. Le croisement d’absorption en race brune est aussi de mise. « J’en fais sept ou huit par an avec de la semence sexée. C’est une race que j’aime bien et qui ramène du taux », expose l’éleveur.

L’excédent de femelles lié à l’augmentation du niveau de production laitière suite au passage à la traite robotisé est compensé par plus de réformes plutôt que la vente de génisses. « Étant donné le prix des réformes, je préfère réformer plus de vaches plutôt que de vendre des génisses pleines dont le prix stagne. Et c’est plus simple à gérer. »

Avis d’expert : Thibaut Cordonnier, conseiller Eilyps group

« Une bonne valorisation des fourrages »

 

 
Thibaut Cordonnier, conseiller chez Eilyps Group
Thibaut Cordonnier, conseiller Eilyps Group. « Les fourrages sont bien valorisés. » © F. Mechekour

« L’éleveur a amélioré sa marge sur coût alimentaire de 2,70 €/VL/j, soit une plus-value de 110 376 € sur l’année. Cette augmentation est permise par un gain de +2,4 l de lait vendu par vache sur un an. C’est beaucoup. L’effet a été amplifié par une hausse du prix du lait de 78,60 €/1 000 l. Cette augmentation du produit a permis de compenser la hausse du coût alimentaire de 0,70 €/VL et la baisse des taux, surtout du TP (32,6 g/l contre 33,5 g/l). Cette MCA sert à payer le reste des charges opérationnelles et les charges des structure plus élevées que la moyenne du groupe holstein : 5,80 €/VL/j contre 3,40 €/VL/j. Idem pour les charges de mécanisation : 3,50 €/VL/j contre 1,70 €/VL/j. Sébastien Lodiel a investi dans du matériel pour réaliser lui-même les récoltes (faucheuse, andaineuse, remorque autochargeuse…) hors ensilages et moissons. Le système est cohérent avec une bonne valorisation des fourrages. La baisse du TP reflète un déficit énergétique. Le bilan repro est cependant bon (396 j d’IVV). Mais attention à ne pas trop tirer sur les vaches. »

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