Aller au contenu principal

Rungis veut se verdir, du fournisseur au client

Le marché international du sud de Paris a posé le diagnostic de ses émissions de carbone. Point de départ de transformations d’envergure dans les approvisionnements, les déplacements de personnes, la production de froid et le commerce.

La Semmaris a fait réaliser un premier bilan carbone des activités du marché d’intérêt national (Min) de Rungis, dans lequel la logistique tient une place importante. Rungis est un marché international vers lequel affluent des denrées alimentaires de toute la France, d’Europe et du monde entier par camion, par le rail, par avion aussi qui atterrissent à Orly. Les 2,9 millions de tonnes de produits traitées annuellement par plus de 1 200 entreprises sont vendues sur le marché physique ou transitent par les zones d’activité logistique.

Les clients des métiers de bouche viennent s’approvisionner et les grossistes envoient leurs utilitaires dans des boucles de livraison. Enfin, des opérateurs expédient leurs marchandises bien au-delà de la région parisienne. Les transports amont et aval ainsi que les entrepôts du Min représentent une dépense énergétique et une source de pollution atmosphérique. La Semmaris, qui aménage, exploite et commercialise les infrastructures du marché, veut déployer « un modèle de distribution responsable ». Elle vise en particulier une réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2030, en excluant les produits dans cette première phase de décarbonation.

Les trois périmètres d’émissions sont étudiés

Ce bilan carbone a été réalisé par les experts de Greenflex, société spécialisée dans la transformation environnementale et sociétale des organisations. Greenflex est une structure européenne de 500 collaborateurs que Total Énergies a intégrée en 2017.

Pour le Min de Rungis comme pour toute grande entreprise, le bilan carbone englobe trois périmètres d’émissions de GES ou « scopes » : le scope 1 correspond aux émissions directes liées aux installations fixes ou mobiles situées à l’intérieur du « périmètre organisationnel » que représente le marché. Ces émissions proviennent principalement de combustions énergétiques ; le scope 2 correspond aux émissions indirectes associées à la production de l’énergie consommée : production de l’électricité, de vapeur, de chaleur ou de froid ; le scope 3 correspond à toutes les autres émissions indirectes, situées en amont et en aval du périmètre du marché. Ce sont en particulier les productions agricoles des denrées distribuées, le fret amont, le fret aval, les déplacements des personnes et encore les déchets.

Le fret responsable de 9 % des émissions

Ce scope 3 représente la part la plus importante des émissions du Min. « Si la production des produits vendus constitue, et de loin, le premier poste d’émissions du bilan carbone du marché de Rungis, 87 %, l’activité de fret arrive en deuxième position avec 9 % des émissions, expose Pauline Jacquemard, directrice RSE et innovation de la Semmaris. La part du fret monte à 11 % si on y ajoute l’activité des groupes froid. »

Le fret amont a un poids bien plus important que le fret aval : les transports des marchandises des lieux de production vers le marché de Rungis représentent 70 % des émissions de GES liées au fret ; les transports entre le Min et les clients représentent les 30 % restants. Pauline Jacquemard donne encore ce détail : « Le transport aérien, pourtant peu utilisé dans les échanges en amont comme en aval, génère à lui seul 26 % des émissions du fret. »

Dans ce premier bilan carbone, le froid est le troisième poste et « un enjeu pour l’avenir », considère encore la directrice RSE : 2 %, dont la moitié provenant des groupes froid des entrepôts et l’autre moitié du matériel froid roulant.

Raccourcir les chaînes logistiques : une option

Quelques leviers d’action ont été identifiés avec Greenflex, du côté des opérateurs et aussi pour la part de la Semmaris. Pour les opérateurs, il est question de limiter le recours à l’aérien et de raccourcir les chaînes logistiques. Mais pas seulement. Les opérateurs pourront aussi diminuer la part modale de la voiture et électrifier leur flotte, maîtriser la consommation des groupes froid et les fuites de liquides frigorigènes, grâce à des actions d’efficacité énergétique, limiter ou valoriser les déchets, recourir aux consignes, etc. « Les entreprises seront sensibilisées dans les mois qui viennent sur les enjeux “carbone” avec la possibilité d’intégrer un référentiel RSE garantissant la démarche vertueuse des entreprises et prenant notamment en compte des critères carbone », annonce Pauline Jacquemard.

Afin de valoriser les déchets, la Semmaris envisage un plan de réduction à travers des mesures incitatives et des solutions de valorisation, notamment de méthanisation et de compostage.

Un appel d’offres pour le transport combiné rail-route

Pour sa part, la Semmaris dispose d’importants leviers d’action, « dont certains ont été enclenchés, et parfois de longue date », rappelle Pauline Jacquemard. En matière de fret, c’est le développement du projet ferroviaire du train de Perpignan, le déploiement d’infrastructures de recharge des véhicules (électrique, bioGNV et hydrogène vert) ou encore l’installation de sociétés spécialisées en logistique urbaine bas carbone.

L’approvisionnement en fruits et légumes par le mode ferroviaire demande à être complété par des flux inverses de marchandises. Aussi, la Semmaris a-t-elle lancé une consultation en vue d’installer un terminal de transport combiné entre camions et trains à l’horizon 2024. Le ferroviaire devrait à terme représenter 20 % des volumes transitant sur le marché.

Une nouvelle « market place »

Un trio d’entreprises, Califrais, Stef et Webhelp ont remporté en septembre 2021 l’appel d’offres de la Semmaris pour monter une nouvelle version de plateforme numérique de commercialisation auprès des métiers de bouche et restaurateurs, rungismarket.com. Et en décembre 2021, Califrais a levé 1,5 million d’euros auprès du groupe de transport Stef qui entre ainsi à son capital. Sur le plan du transport, la mutualisation est un gain environnemental apporté par ce nouveau système de commandes et de livraison. Califrais est une start-up du digital qui a besoin de moyens pour renforcer ses équipes. Elle compte passer d’une trentaine de salariés avant la levée de fonds à une cinquantaine en 2022. Elle doit aussi développer son expertise et son savoir-faire en matière « d’approvisionnement intelligent ». Webhelp est un spécialiste international des services en ligne dédiés au commerce et à l’expérience client, né en France au début des années 2000.

Un « référentiel RSE » en préparation

Une trentaine d’entreprises de différents secteurs du marché de Rungis ont participé à l’ébauche d’un référentiel de qualité sur la responsabilité sociétale des entreprises. Ce sont dix-sept critères de durabilité des produits déclinés par secteur.

La Semmaris, engagée depuis 2013 dans la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), s’est investie dans une nouvelle stratégie « RSE transverse » avec les experts de Greenflex. La société gestionnaire a défini un plan d’action couvrant les années 2021 à 2024, consistant à structurer les initiatives conduites avec les entreprises du marché. En 2021, Greenflex a réalisé sur le marché un diagnostic global, au contact des opérateurs, en parallèle du premier bilan carbone. Les experts ont interrogé et sensibilisé plus de cent opérateurs autour des trois axes d’engagement RSE (social, économique, environnemental), analysé 480 000 tonnes de produits sur les critères carbone et plus de 250 000 tonnes de produits sur les critères de durabilité et via des questionnaires quantitatifs et des entretiens, selon un communiqué de Greenflex.

Une grille de critères pour chaque secteur

Par ailleurs, une trentaine d’entreprises ont été mises à contribution afin de définir un « référentiel RSE » des produits pour les opérateurs. Ce référentiel servira à l’amélioration continue des opérateurs et aussi à leur mise en valeur sur le plan commercial. Il sera fondé sur dix-sept critères de durabilité des produits alimentaires, déclinés selon chaque secteur (une grille de critères de durabilité a été préalablement définie pour chacun). Greenflex accompagne depuis 2020 la Semmaris dans la structuration de sa stratégie RSE afin de la rendre opérationnelle d’ici à 2024.

Les plus lus

usine de transformation du lait
Face à la baisse de la collecte, l’industrie laitière doit être « proactive », enjoint la Rabobank

Dans son dernier rapport, la Rabobank estime que la collecte laitière de l’UE pourrait baisser rapidement et incite les…

un graphique avec une courbe à la hausse, sur fond de grains de blé
L'Algérie et la sécheresse en Russie font monter les prix du blé tendre

Comment ont évolué les prix des céréales ces 7 derniers jours ? Les journalistes de la Dépêche-Le petit Meunier vous…

Xi Jinping et Emmanuel Macron
Chine : trois accords signés pour l’exportation agroalimentaire

La visite du président chinois à Paris a été l’occasion de la signature d’accords et de l’homologation de protocoles…

« On ne s’en sort plus ! » le cri d’alarme des PME et ETI face aux complexités d’Egalim

La Feef, Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France, qui rassemble PME et ETI appelle à un choc de simplification…

Volailles Label rouge, des mises en place toujours en baisse

Les mises en place de volailles Label rouge continuent de reculer au premier trimestre 2024.

incendie dans une exploitation avicole
Oeufs : 600 000 poules perdues en Espagne dans un incendie

Un incendie a ravagé une importante exploitation de poules pondeuses dans la région de Castille-La-Manche.

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 704€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Les Marchés
Bénéficiez de la base de cotations en ligne
Consultez vos publications numériques Les Marchés hebdo, le quotidien Les Marchés, Laiteries Mag’ et Viande Mag’
Recevez toutes les informations du Bio avec la newsletter Les Marchés Bio