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Chronique
Réforme de la directive déchets et gaspillage alimentaire

Déchet ou aliment ? Le développement récent de techniques orientées vers l’optimisation des ressources et le respect de l’environnement dans la chaîne alimentaire soulève de nouvelles questions juridiques au regard de la réglementation applicable aux produits. C’est ainsi que le 18 avril, le Parlement européen a adopté la réforme de la législation européenne relative aux déchets.

Katia Lentz, avocate associée au cabinet Keller & Heckman.
© DR

Lorsqu’elle répond à la définition d’aliment, la production et l’utilisation d’une substance est alors encadrée par la législation alimentaire européenne horizontale (1), qui confère aux acteurs du secteur le statut et la responsabilité d’« opérateur alimentaire ». En revanche, dès lors que le produit sort de la chaîne alimentaire, il doit être considéré comme un déchet, au sens de la directive 2008/98. Mais certaines substances cessent d’être des déchets lorsqu’elles ont subi une opération de valorisation ou de recyclage et répondent alors, à des critères spécifiques (article 6).

La détermination de la catégorie à laquelle appartient une substance constitue, donc, un enjeu de taille pour l’agroalimentaire, à l’aune des nouveaux objectifs de valorisation des déchets, et de prévention du gaspillage alimentaire.

Définition du gaspillage alimentaire

Le 2 décembre 2015, dans le cadre du paquet « économie circulaire », la Commission européenne a soumis un projet de révision relative aux déchets (2). Un accord politique a finalement été trouvé, à l’automne dernier, ouvrant la voie à l’adoption des nouveaux textes et réaffirmant la volonté des institutions européennes de renforcer les objectifs européens de réduction et de meilleure gestion des déchets.

En outre, le nouveau texte définit explicitement le gaspillage alimentaire comme « toutes les denrées alimentaires au sens de l’article 2 du règlement (CE) nº 178/2002 (3) qui sont devenues des déchets ». Il fixe également l’objectif de réduire ce gaspillage de 30 % d’ici à 2025 et de 50 % d’ici à 2030.

Pour atteindre cet objectif, la directive prévoit que les États membres devront mettre en place des mesures d’incitation afin de recueillir les produits alimentaires invendus à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et les redistribuer dans des conditions sûres, notamment à des organisations caritatives. Il s’agit de généraliser, à l’échelle européenne, l’adoption de législations dites du « bon Samaritain », déjà mises en place dans certains États membres (4).

Bien que le texte ne fasse référence qu’à des mesures d’incitation fiscales, les eurodéputés ont estimé que le consommateur devait être, de son côté, davantage sensibilisé à la distinction entre « à consommer jusqu’au » et « à consommer de préférence avant ». Afin de renforcer la prévention et la gestion du gaspillage alimentaire à l’échelle européenne, le texte prévoit d’harmoniser la méthodologie de calcul des déchets alimentaires. Une « plateforme de l’Union sur les pertes et le gaspillage alimentaires », devrait permettre aux États membres de communiquer des données fiables à la Commission européenne. Cette dernière s’est engagée à présenter un rapport, accompagné, le cas échéant, d’une proposition législative, avant fin 2023.

La gestion des biodéchets et leur réutilisation

Le nouveau texte généralise la collecte séparée des biodéchets en l’étendant aux déchets alimentaires ou de cuisine des ménages, des restaurants, des magasins de vente au détail, ainsi qu’aux déchets comparables provenant des usines de transformation de denrées alimentaires.

Afin d’éviter toute duplication de la réglementation, le texte prévoit désormais et explicitement que les substances d’origine végétale – issues de l’industrie agroalimentaire et les denrées alimentaires d’origine non animale – qui ne sont plus destinées à la consommation humaine, mais à l’alimentation des animaux par voie orale, seront exclues de la réglementation sur les déchets, pour autant qu’elles respectent pleinement la législation de l’UE relative aux aliments pour animaux.

Les nouvelles dispositions permettent donc une meilleure définition du champ d’application de la législation sur les déchets au regard de la réglementation alimentaire, tout en appréhendant le problème du gaspillage alimentaire. Le texte, qui devait encore être adopté par le Conseil le 22 mai 2018, pourrait donc présenter des opportunités intéressantes pour les industriels en matière de gestion des déchets.

(1) Règlement (CE) no 178/2002

(2) COM/2015/0595

(3) Règlement (CE) no 178/2002

(4) En France, la loi no 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire

LE CABINET KELLER & HECKMAN

Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, auprès des industries de l’agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l’Union européenne.

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