Produits laitiers : le mix produit change en Chine, quelles conséquences sur le marché mondial ?
Alors que la collecte laitière patine en Chine, les importations relentissent. Elles devraient même continuer de chuter pour certains produits alors que les industriels chinois font évoluer leurs fabrications. De quoi envisager des changements profonds sur le marché mondial des produits laitiers.
Alors que la collecte laitière patine en Chine, les importations relentissent. Elles devraient même continuer de chuter pour certains produits alors que les industriels chinois font évoluer leurs fabrications. De quoi envisager des changements profonds sur le marché mondial des produits laitiers.

Après une croissance d’en moyenne 6,2 % par an entre 2019 et 2023, la collecte laitière en Chine accuse un coup d’arrêt. En 2024, elle aurait reculé de 2,8 % selon les estimations du Gira, en 2025, l’organisme table sur une baisse de 2,5 %. « La Chine produit un peu trop de lait », résume Christophe Lafougère du Gira lors d’une présentation à la conférence sur les Marchés mondiaux organisée par l’Idele.
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Une filière laitière chinoise durement secouée
La Chine payait mieux le lait aux éleveurs que l’UE, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis en 2024. « Dorénavant elle affiche le prix du lait le moins cher, un peu sous la Nouvelle-Zélande » illustre Christophe Lafougére. La chute du prix du lait est telle que « 80 % des producteurs perdaient de l’argent en 2024, maintenant c’est surement même 90 % avec la guerre commerciale qui a renchérit les prix du soja » explique l’expert. Une situation qui devrait conduire au renforcement du poids des grands groupes intégrés, plus à même de résister à la tourmente.
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Un changement du mix produit en Chine
Quand la collecte laitière chinoise était en croissance, les fabrications était surtout orientées vers le lait UHT et la poudre grasse, répondant aux problématiques de stockage. « Mais les industriels se sont aperçus que c’est la consommation de crème qui progresse le plus. Ils ont d’abord investi, en Nouvelle-Zélande notamment, mais sont confrontés à la baisse du cheptel », récapitule Christophe Lafougère.
« Les industriels se sont aperçus que c’est la consommation de crème qui progresse le plus »
Les importations en provenance d’UE sont aussi sous tension, avec un manque de matière grasse sur le marché communautaire. « Les industriels chinois ont donc commencé à ouvrir des usines de crème, voir même de matière grasse laitière anhydre, leur mix produit change », continue-t-il. Les usines utiliseront le lait écrémé, coproduit de ces fabrications de matières grasses sous forme de lait UHT, étant toujours peu compétitifs sur le séchage des poudres.
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La production de lactosérum va-t-elle décoller en Chine ?
Ce premier changement stratégique pourrait bien être rapidement suivi d’un nouveau virage, en lien avec la guerre commerciale. « La Chine a senti le poids des États-Unis dans ses importations de lactosérum, lactose, WPC80 » explique l’expert, avançant « elle compte améliorer sa souveraineté sur le lactosérum, et donc produire du fromage ».
« La Chine a senti le poids des États-Unis dans ses importations de lactosérum, lactose, WPC80 »

Les industriels utilisent donc la matière grasse pour la crème, puis fabriquent du caillé maigre réengraissé ensuite aux huiles végétales pour fabriquer des fromages fondus « qui ne ressemblent pas à ce qu’on trouve en Europe, avec des goûts, chocolat, fraise ou poisson » illustre l’expert. Et enfin, ils obtiennent du lactosérum, « un produit devenu stratégique ».
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Des flux de produits laitiers qui seront bouleversés
Les importations chinoises vont donc fortement évoluer ces prochaines années. Le Gira s’attend à une poursuite de la croissance des achats chinois de fromages et de lactosérum dans un premier temps. Mais ceux de crème, beurre, lait liquide et lait infantile pourraient bien être révisés à la baisse. D’autant plus pour les laits infantiles que la natalité chinoise est en berne et que les consommateurs ont retrouvé confiance dans les produits locaux.
Entre 2019 et 2024 | Entre 2024 et 2029 | |
Crème | +10 % | -4% |
Beurre ou matière grasse laitière anhydre | +10 % | -1% |
Fromage | +9 % | +4 % |
Lactosérum | +6 % | +2 % |
Poudre de lait écrémé | -6 % | -3 % |
Poudre grasse | -8 % | +5% |
Lait infantile | -3,4 % | -2,9% |
Lait liquide | -9 % | -11 % |
« Le gouvernement pousse à l’export, c’est important pour l’image des fabrications locales d’afficher leur qualité à l’international »
La Chine pourrait même exporter des produits laitiers
Sur les quatre premiers mois de 2025, la Chine a déjà exporté plus de 16 000 tonnes de poudres grasse. « Le gouvernement pousse à l’export, c’est important pour l’image des fabrications locales d’afficher leur qualité à l’international », explique Christophe Lafougère, pointant que ces marchés, par exemple le Vietnam sont aussi plus rémunérateurs.