Nouvel élan pour Jean Denaux, expert en affinage des viandes
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Jean Denaux est longtemps resté discret sur son savoir-faire sans équivalent en matière de maturation de la viande bovine. « C’est vrai que nous ne communiquions guère sur cette technique, bien que nous la pratiquions depuis longtemps », reconnaît ce passionné de viande issu d’une longue lignée de bouchers et d’éleveurs. « Je souhaitais que nous disposions à la fois d’une validation scientifique et vétérinaire sur l’efficacité du procédé, de l’approbation des grands chefs sur son intérêt gastronomique et d’un outil à la hauteur de nos ambitions. Aujourd’hui, tous ces éléments sont réunis », confie-t-il.
Dès la conception de l’usine de Sens, trois fois plus grande que la précédente de Saligny, Jean Denaux a intégré toutes les garanties sanitaires et les conditions techniques nécessaires à l’exercice de la maturation : circuits séparés et cellules d’affinage distinctes pour chaque type de viande, températures, hygrométrie, lumière… Tout, de la hauteur des plafonds à la nature du carrelage, a été ordonné en faveur du meilleur rendu pour chaque type de viande. « Le secret, c’est une bonne gestion de l’air, du temps et de l’hygrométrie », précise Jean Denaux, « fruit d’une étude longue et coûteuse menée en partenariat avec le Centre technique de la filière viande » et qui constitue désormais sa marque de fabrique.
Tel un affineur de fromage, le boucher est allé jusqu’à transférer quelques lots de son ancienne usine pour y disperser une flore qui lui soit propre.
La durée de l’affinage varie beaucoup d’un produit à l’autre. Jean Denaux étant un ardent défenseur du bœuf de Charolles, qui a obtenu l’AOC en 2010, c’est cette viande, issue d’animaux plus âgés, qui bénéficie du temps de maturation le plus long. « Les carcasses arrivent déjà stabilisées de notre partenaire abatteur Charollais Viande, à Paray-le-Monial avec déjà dix jours de stockage, détaille-t-il. Nous les conservons ensuite en carcasse encore une dizaine de jours au moins avant de les séparer. Certaines pièces, principalement l’aloyau, sont dirigées vers l’affinage qui va durer 30 jours, soit au total jusqu’à 50 jours de maturation ». L’affinage aboutit à une viande croûtée comme dans un emballage naturel et protégée à cœur. Il ne reste plus qu’à l’affranchir sur quelques millimètres pour disposer d’une viande incontestablement plus tendre et plus concentrée en parfum du fait de sa lente dessiccation dans une ambiance contrôlée.
Viandes du nouveau monde et grands crus français
Toutes les viandes ne réclament pas des durées de maturation aussi longues. Également promoteur du bœuf irlandais de race Hereford, Denaux n’en conserve pas les pièces aussi longtemps, trente jours au total. « C’est un peu comme les vins du Nouveau Monde et les grands crus français, agrémente-t-il. Il y a ces viandes Hereford issues d’animaux de moins de 24 mois qui sont plus tendres et peuvent se consommer rapidement, et ces vaches de 5, 6, 7 ans qui seront à leur optimum après un plus long vieillissement ».
S’il est si sûr de lui, c’est que Jean Denaux n’a pas eu à convaincre très longtemps quelques-uns des plus grands chefs français. Le bœuf de Charolles affiné par Denaux figure depuis plusieurs années, entre autres, à la carte du Relais Bernard Loiseau. Dominique Loiseau, la patronne, et Patrick Bertron, le chef, ont été vite convaincus de l’intérêt de cet affinage très professionnel. « Je n’imagine pas une seconde qu’ils reviennent en arrière, pas plus que la plupart des grands chefs qui nous font confiance », assure cet expert en gastronomie.
Du restaurant du coin aux cuisines du PSG
Avec sa nouvelle usine, Jean Denaux, on l’aura compris, ne cherche pas à développer outre mesure ses volumes, mais à gagner la confiance de sa clientèle et pérenniser ses filières. « Nous entendons rester des semi-artisans, quitte à se priver un peu économiquement. Le bouche-à-oreille est notre meilleur atout. » La réputation de Denaux en matière de maturation lui a permis de conquérir une clientèle de restauration très haut de gamme, mais pas seulement. « Cela va du petit restaurant d’ici aux cuisines du PSG et aux 3 étoiles, en passant par des cuisines collectives de qualité, Eurodisney, le groupe Flo, Fauchon », cite-t-il. L’entreprise bénéficie de sa proximité avec la région parisienne qui lui permet de livrer chaque matin avec sa propre flotte de véhicules jusqu’à Chantilly. L’aéroport d’Orly n’est pas très loin non plus et permet à Jean Denaux d’afficher déjà quelques belles réussites à l’export, notamment vers le Moyen-Orient et l’Asie. Enfin l’usine dispose désormais d’un point de vente sur place, pour la clientèle locale ou de passage.
L’usine de Sens a enfin permis à l’entreprise d’assurer des services sous-traités jusque-là. « Nous disposons désormais de capacités de surgélation que nous n’avions pas avant. Cela nous permet de répondre à de grosses commandes de traiteurs qui nous demandent par exemple quelque 10 000 pavés de veau fermier ou de gigot fermier. Comme il nous est impossible d’y répondre à l’instant T, car cela représente trop de matière, nous élaborons puis nous surgelons. Cela peut aussi intéresser les clients dans la conduite du produit ». La société travaille également en partenariat avec l’entreprise auvergnate Convivial qui commercialise son steak haché surgelé de Charolais.
La volonté de conserver une dimension « artisanale » explique que la gamme reste relativement courte. « Nous entendons demeurer des spécialistes de la viande, sans nous éparpiller, conclut Jean Denaux. Ce qui m’intéresse, ce sont les produits à forte identité, liés à leur terroir. »
Repères
Taille de l’usine : 1 500 m2 extensibles sur une parcelle de 12 000 m2.
Évolution des ventes : +8 % par rapport à 2012.
Exportation : vers l’Europe, le Moyen-Orient, l’Asie (Singapour, Japon).
Gamme : viande bovine (à 50 %), dont bœuf Irlandais Hereford, Wagyu de Nouvelle-Zélande, fin gras du Mézenc…