Marques de distributeurs : innover pour mieux se différencier
Alors que la guerre des prix avec les marques nationales ou les MDD des enseignes concurrentes a atteint ses limites, les distributeurs cherchent la singularité dans les produits à leur marque. Enquête.
En 2016, les ventes des produits à marques de distributeurs (MDD) en hypers et supermarchés, supermarchés à dominante marque propre, drive et de proximité, ont continué de diminuer, de 0,8 % selon Nielsen ScanTrack. Conséquence, notamment, de la baisse des ventes sous prospectus (-6,5 % en hypers et supermarchés) et de la réduction de l’écart de prix avec les marques nationales. Ainsi, l’écart de prix entre une MDD premier prix et une marque nationale en hypers et supermarchés est de 54,2 % en 2016 contre 56,8 % en 2013 et celui d’une MDD standard de 28,6 % contre 31,5 % trois ans plus tôt. Pour la MDD prémium, l’écart se réduit aussi, mais elle reste plus chère que la marque nationale, de 1 %. Le décrochage se fait particulièrement sentir sur l’ultrafrais et les pâtes alimentaires, dont l’écart de prix avec la MDD standard a respectivement perdu 6 et 7 points depuis 2013 dans un tiers des enseignes.
Par circuit, les ventes en valeur des MDD ont diminué de 1,8 % en 2016 par rapport à 2015 en hypers et supermarchés, mais elles ont progressé de 5,3 % en commerces de proximité et de 8,7 % en drives. En cumul annuel mobile à P13 2016 dans les hypers et supermarchés uniquement, les MDD représentent 26,9 % du chiffre d’affaires des enseignes, en baisse de 1,5 % sur un an. Les MDD premiers prix continuent leur dégringolade, de 10,1 % en valeur et de 12,1 % en volume. Les MDD standard, qui représentent 22,3 % des ventes en valeur des produits de grande consommation et du frais libre-service, chutent de 1,9 %. La tendance est toujours à la valorisation et la montée en gamme, comme le reflète la bonne santé des MDD prémiums et bios, respectivement en hausse de 3,2 % et 15,2 % en valeur.
Faire mieux que les marques nationales
Selon une étude de Trace One, menée l’été dernier auprès de 2 000 consommateurs américains, canadiens, allemands, britanniques, espagnols, français, danois et italiens de MDD, 71 % d’entre eux citent le prix bas comme l’une des raisons pour lesquelles ils achètent ces produits. La réduction de l’écart de prix avec les marques nationales doit donc amener les MDD à trouver d’autres voies de différenciation, d’autant plus que 69 % des personnes interrogées dans l’étude de Trace One ne les considèrent pas comme plus innovantes que les marques nationales et 62 % d’entre elles ne trouvent pas qu’elles ont des emballages plus attrayants.
« Nous sommes passés d’une demande de "me too" à une demande de "me better" », exprime Laurent Cavard, président-directeur général d’Altho, qui fabrique des MDD à hauteur de 80 % de ses volumes. « Dans notre secteur, les distributeurs attendent de l’innovation sur les arômes, les coupes de chips, les textures, mais aussi sur la suppression de certains ingrédients décriés. Ils cherchent à faire mieux que le leader du marché », indique-t-il. Même si la pression sur les prix reste forte, proposer des innovations permet aux fabricants de créer davantage de valeur. « Généralement, nous testons nos innovations sur notre marque Bret’s, et nous les proposons ensuite aux distributeurs. Cela permet de prouver leur pertinence », assure Laurent Cavard. Altho sera d’ailleurs présente au salon Made pour mettre en avant son nouvel emballage, le Partypack, qui permet au paquet de chips de tenir debout. « On peut ainsi mettre le paquet directement sur la table pour que les invités se servent. Cela évite d’utiliser un saladier, et ainsi on ne perd pas la marque », note-t-il.
Un manque de soutien en magasins
Pour Emmanuel Vasseneix, président-directeur général de la Laiterie Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH), « l’opportunité pour les distributeurs ce sont les petites entreprises car les grandes marques ont tendance à garder leurs innovations pour elles ». Selon Nielsen, 75 % des ventes en valeur des MDD viennent de produits fabriqués par des PME. « Pour que ce système soit durable, il est donc d’autant plus important qu’il soit équitable », soutient-il. Trente-cinq personnes travaillent à l’innovation chez LSDH, qui alloue environ 15 millions d’euros par an à ce sujet. « Aujourd’hui, ce n’est pas un problème de proposer des innovations. Ce qui est dommage, c’est que les distributeurs ne se donnent pas toujours les moyens marketing et de mise en avant pour les faire réussir », constate-t-il.