Mareyage : la tentation de l’élaboré
La restructuration du secteur de la marée, premier maillon de la mise en marché des produits de la mer, n’est pas encore achevée. Depuis le milieu des années 1990 et l’irruption des premières réglementations sanitaires (1 000 entreprises à l’époque), des entreprises de mareyage continuent de disparaître, d’autres sont rachetées. Selon l’Union du mareyage français (UMF), il reste aujourd’hui 278 entreprises dans le mareyage français (5 945 collaborateurs) pour un chiffre d’affaires de 2,7 milliards d’euros (voir encadré). Et l’on assiste mécaniquement au grossissement de chacun des acteurs, surtout dans la tranche des grandes entreprises. Ainsi, « 15 % des entreprises du secteur réalisent 70 % du marché », commente Peter Samson, secrétaire général de l’UMF.
Ce processus de resserrement du nombre des acteurs de la marée se double depuis quelques années d’investissements dans la transformation (découpe pour le frais en libre-service, emballage sous-vide, voire cuisson) pour générer plus de valeur ajoutée que la simple mise en marché de poissons tout juste filetés. Comme dans tous les segments du marché de l’alimentation, le consommateur privilégie le prix dans ses achats, comme en témoignent les solides parts de marché qu’occupent les poissons importés que sont le saumon, la crevette (chacun 12 % du CA du rayon traditionnel) et le cabillaud (11 %).
Océalliance prévoit d’investir 1 million d'euros
Mais de plus en plus, le même consommateur est capable de mettre le prix pour acheter des produits élaborés. « On assiste par exemple à l’explosion, depuis cinq-six ans, du rayon libre-service en grande distribution. Les industriels innovent beaucoup dans ce sens, mais nous n’avons pas toujours la place », expliquait, il y a quelques jours, Olivier Costentin, chargé de marketing chez Système U, lors des assises de la pêche, à Quimper (Finistère). Leader du secteur en France depuis environ deux ans, Océalliance (220 millions de CA, 500 collaborateurs) installé à Nantes, indique qu’il veut clairement aller dans cette direction.
« 95 % de notre chiffre d’affaires est actuellement réalisé dans une offre traditionnelle et 5 % dans l’innovation et l’élaboré. L’orientation du marché nous montre qu’il nous faut aller plus loin dans l’élaboration », relève Fabrice Guyot, président du directoire. Océalliance va transférer en 2018 sa filiale Océamballe du Guilvinec vers le port voisin de Saint-Guénolé, Penmarc’h (Finistère), pour augmenter ses capacités de transformation (frais emballé, cuisson de langoustines, tourteaux, coquillages) et développer la surgélation. Il prévoit d’y investir 1 million d’euros.
Pour la grande distribution, cette dynamique vers plus d’élaboration va clairement se renforcer. Non seulement pour satisfaire la clientèle, mais aussi parce qu’« une poissonnerie est stratégique pour les GMS, poursuit Olivier Costentin, ce n’est pas le rayon le plus rentable financièrement, mais en termes d’image il peut être déterminant pour le consommateur ». Il s’agit d’un rayon d’appel en quelque sorte.
Des entreprises de plus en plus grandes
La majorité des 278 entreprises de la marée française sont encore des petites et moyennes entreprises qui opèrent localement ou régionalement. Elles emploient un nombre de personnes plus important que dans les pays maritimes du nord de l’Europe en raison d’une pêche plus diversifiée qui limite l’automatisation. 7 % affichent un chiffre d'affaires inférieur à 1 million d’euros, 51 % entre 1 et 5 millions d’euros. Mais la part des grandes entreprises progresse, puisque 27 % des mareyeurs réalisent plus de 15 millions d’euros. La plupart du temps, la taille des acteurs induit une stratégie différenciée. Question de moyens, sans doute. Les acteurs petits et moyens se concentrent sur une offre traditionnelle, les grands investissent en plus dans l’élaboration.