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Bio
Lever les freins au développement des filières biologiques

La production biologique française se développe avec plus ou moins de facilités selon les filières. Les freins sont divers, que ce soit le prix, les habitudes de consommation ou les difficultés à amener l’amont et l’aval à se convertir au même rythme.

Les produits transformés bios pâtissent du manque de matières premières françaises.
© V. P.

Le développement de la production biologique française est inégal en fonction des filières, mais évaluer le déficit est difficile. La part des importations dans la consommation d’un produit biologique en France peut être un indicateur intéressant, mais il n’est pas suffisant. « La bonne question, c’est de savoir si les consommateurs en achèteraient plus s’il y en avait davantage. C’est par exemple le cas du lait bio, que l’on importe peu, car ce n’est pas dans les habitudes des industriels français, ni très intéressant économiquement parlant, mais pour lequel les opérateurs estiment qu’il y a un manque », explique Florent Guhl, directeur de l’Agence bio.

Un développement plus facile dans les filières déjà segmentées

« Dans les filières où il existe une segmentation complexe, le développement du bio est plus facile, sans à-coups », poursuit Florent Guhl. Le consommateur est déjà habitué à voir des alternatives aux produits standard, à des prix plus élevés. « En volaille, certains produits sous label Rouge ou IGP sont à des prix au moins équivalents au bio. En vin aussi, le consommateur est éduqué à payer plus cher pour une qualité différente », illustre Florent Guhl. C’est en partie ce qui explique le succès des produits laitiers biologiques. Le consommateur avait l’habitude de voir plusieurs niveaux de prix, avec les AOP notamment, mais aussi d’autres promesses (fermier, pâturage). La popularité des œufs biologiques est aussi corrélée, entre autres, à ce que le marché soit segmenté, outre les autres codes, il y a aussi des offres régionales par exemple. Mais il faut se poser la question de ce qu’apporte le bio au consommateur par rapport aux signes préexistants.

L’exemple le plus flagrant est ainsi la filière ovine, où la viande française est produite pour une part importante sous signe de qualité et de l’origine, il reste peu de place au bio pour se positionner.

En amont, c’est aussi plus facile pour un producteur de se convertir s’il est déjà inscrit dans une démarche de qualité. Il a déjà une certaine habitude de respect d’un cahier des charges, « et il y a moins de pertes de rendements », précise Florent Guhl.

Le bio français peut être deux fois plus cher que le bio étranger !

Autre obstacle, le prix. « Il y a peu de consommateurs qui acceptent l’idée de payer leur viande de porc bio trois fois plus cher », souligne Florent Guhl. Il y a en effet peu de gammes intermédiaires qui habitueraient progressivement le consommateur à réévaluer ce qu’il accepte de payer pour la qualité. À l’inverse, les achats de beurre bio explosent. Un succès à relier avec son accessibilité grandissante. Les prix du beurre bio ont moins augmenté ces dernières années que ceux du beurre conventionnel. En 2013, le consommateur devait ainsi accepter de débourser 2,39 €/kg de plus pour un beurre bio, en 2018, l’écart de prix n’est plus que de 1,43 €/kg. Les beurres biologiques sont parfois moins onéreux que certaines références haut de gamme, comme les beurres de baratte AOP. La question du prix reste importante, « même s’il est difficile de savoir si c’est le produit bio qui est trop cher ou le conventionnel qui ne l’est pas assez, quand on pense aux coûts environnementaux notamment », médite Florent Guhl.

Une partie des importations s’explique par la compétitivité des produits étrangers, comme les tomates espagnoles, pour lesquelles se posent la question de la juste rémunération de la main-d’œuvre et du travail dissimulé. « C’est compliqué pour le consommateur de faire l’effort si l’écart de prix est important, et le bio français peut être deux fois plus cher que le bio étranger ! » regrette Florent Guhl.

La production française de fruits et légumes restera aussi insuffisante tant que le consommateur n’aura pas pleinement intégré la saisonnalité des produits, surtout avec l’interdiction des serres chauffées.

Les effets de seuils sont cruciaux

La filière céréale a connu un gros développement ces deux dernières années, des silos dédiés au bio ont fleuri dans plusieurs régions, l’aval a suivi. Les investissements étaient considérables, on ne peut simplement convertir en silo, les traces de pesticides sont parfois impossibles à supprimer. Il faut en construire de nouveaux, souvent sur un autre plan avec davantage de cellules de stockage, car en bio, on cultive davantage de variétés, en plus petites quantités. « Pour que la filière se développe, il faut certes des agriculteurs, mais aussi des organismes de collecte et de transformation dans chaque bassin, or, parfois, chacun attend l’autre maillon. Les premiers pourcentages sont les plus difficiles ! » explique le directeur de l’Agence bio.

Même logique dans la viande, pour qu’un abattoir soit agréé, il faut qu’il développe sa traçabilité, ce travail n’a de sens économiquement que s’il y a un volume suffisant à valoriser derrière. La production d’huile française décolle seulement maintenant, depuis que les unités de trituration consacrées au bio sont opérationnelles. Mais une fois que l’outil est disponible, les producteurs alentour ont tout intérêt à se convertir. D’où l’importance de programmes comme le Fonds Avenir Bio, de l’Agence bio, qui finance des projets industriels. S’il est une filière qui semble en retard, c’est bien le sucre. Pour l’heure, en bio, le sucre utilisé est du sucre de canne importé. Mais après des années d’attentisme, de freins agronomiques, les acteurs commencent à bouger. Les obstacles à la production sont progressivement levés, et la première campagne bio vient de se terminer à Cristal Union.

On a maintenant des Chocapic bios français !

Les produits transformés, derniers maillons de la chaîne, cumulent plusieurs obstacles. Ils pâtissent du manque de matières premières françaises, comme le sucre justement. Ils peinent aussi à s’imposer au niveau des prix. « Les consommateurs sont plus éloignés que sur un produit brut, ils sont moins prêts à payer », analyse Florent Guhl. D’où un recours encore important aux produits importés. « Mais ça change, et ça progresse, on a maintenant des Chocapic bios français », se félicite Florent Guhl. La distribution est aussi un maillon essentiel pour la structuration des filières. En s’engageant, proposant des contrats longs, elle permet de développer la production. « Mais ce sont surtout des PME qui travaillent ces produits, elles sont fragiles et ne doivent pas être trop dépendantes d’un seul distributeur. L’atout est la diversité des débouchés, GMS, magasins spécialisés et restauration hors foyer », conclut Florent Guhl.

Avis de Dominique Schelcher

Cet article illustre bien les difficultés de la mise en place et de la pérennisation des filières biologiques en France. En aucun cas, on peut laisser penser que le bio pourra demain être vendu au prix du conventionnel. Il s’agit au contraire d’accompagner au mieux ses filières dans leur développement, ce que nous faisons par exemple depuis dix ans pour notre lait bio, en donnant une visibilité contractuelle sur plusieurs années. Il est aussi possible de soutenir les producteurs en phase de reconversion en valorisant leur production tout en communiquant sur la reconversion. Enfin, ces éléments nous encouragent à développer la troisième voie en France, celle entre le conventionnel et le bio, qui garantit par exemple l’absence de résidus de pesticides, sans pour autant avoir le prix du bio.

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