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Brasserie
Le houblon : une petite filière française qui monte

La renaissance du houblon français se conjugue avec le succès des bières de spécialité et avec le développement des brasseries artisanales qui diversifient de plus en plus leurs approvisionnements variétaux. Enquête sur une filière en reconstruction.

Le houblon français revient de loin… Il aurait pu quasiment disparaître à la suite d’une violente tornade survenue en Flandre le 14 août 1985 et, 23 ans plus tard en Alsace, avec la rupture brutale d’un contrat décidée par un géant mondial de la brasserie. Au nord, cet épisode climatique provoqua l’arrachage de 45 des 250 hectares encore cultivés cette année-là. À l’est, le rachat du brasseur Anheuser-Busch par le géant Inbev mettait un terme brutal à l’âge d’or des houblonniers alsaciens qui vendaient 75 % de leur production au même brasseur grâce à un contrat vieux de 32 ans.

Dans les deux régions, à cette situation s’ajoutera l’effondrement des cours mondiaux dû à la surproduction. Regroupés dans l’Association des producteurs de houblon de France (AGPH), les houblonniers ont ainsi connu des situations de marché dépressives de 2008 à 2012.

Il importe de disposer d’une palette de houblons différents

Mais depuis cinq ans, le mouvement s’est inversé ; le déclin stoppé, la reprise est au rendez-vous en Flandre, en Alsace ainsi que dans de nouveaux territoires. C’est surtout le développement des brasseries artisanales qui a déclenché la reprise de la culture du houblon tant en France qu’à l’étranger. En 2016, l’AGPH estimait à une centaine d’hectares les besoins nécessaires pour répondre simplement à la brasserie française. La demande en houblons sur le marché mondial s’est accrue, provoquant inévitablement une surchauffe des prix.

Ces brasseries (elles sont plus de 1 000 en France) ont leurs propres critères de sélection en fonction de leurs recettes jalousement préservées. Elles sont à la recherche d’une palette variétale plus étendue et sont souvent plus adeptes des houblons aromatiques au détriment des amérisants.

« Pour faire les différentes sortes de bières brassées actuellement, il importe de disposer d’une palette de houblons différents », constate François Loos, président de Brasseurs de France. Une enquête effectuée en 2015 auprès de 400 brasseurs fait ressortir que 68 % des brasseurs français privilégient du houblon américain ou allemand au détriment du français. La recherche de nouvelles variétés devient une des priorités pour la filière.

Une houblonnière expérimentale bio

« C’est pourquoi, il faut anticiper dès à présent et relancer la culture du houblon en France », martèle Édouard Roussez, cofondateur de Houblons de France. Ce fils d’agriculteur de Morbecque (59) a fait se rencontrer houblonniers et brasseurs lors des premiers « comices du houblon », organisés à Paris en février 2017 et 2018. À 28 ans, il a installé une houblonnière expérimentale bio de 1 hectare sur les terres familiales en 2015. Il s’agit notamment d’y suivre l’état sanitaire (avec la Fredon), d’analyser les profils aromatiques des 29 variétés implantées et de structurer une filière locale avec la création d’un label « bière bio locale ». Son projet est porté par Aprobio et soutenu financièrement par l’agence de l’eau à 70 % ainsi que par d’autres partenaires dans le cadre du plan bio 2017-2021.

Objectifs : « identifier les bonnes variétés en fonction des qualités agroenvironnementales – résistance aux maladies, adaptation au sol… –, des rendements et surtout de l’intérêt des brasseurs… pour aboutir in fine à une liste de 3 à 5 variétés », explique-t-il. Ce qui ne se fera pas en un jour. « Il faut en effet entre 10 à 15 ans pour mettre en culture une nouvelle variété », explique-t-on à la Coopérative des producteurs de houblon d’Alsace (Cophoudal) qui a intégré le Comptoir agricole à Hochfelden en 2010.

Et cette plante, capricieuse à bien des égards, ne produit pleinement qu’au bout de 3 ans. C’est dire si le pari est risqué : d’autant plus que tout nouvel investissement sur terrain nu se monte aujourd’hui de quelque 80 000 euros à 100 000 euros par hectare.

Plans de recherche

Côté AGPH, on travaille depuis longtemps à la diversification variétale, tant dans la coopérative flamande (Coophounord) qu’alsacienne (Cophoudal). L’Alsace, qui cultivait 770 hectares (ha) en 2008 dont 612 ha de la variété Strisselspalt, a élargi depuis sa gamme et propose des variétés issues de son premier plan de recherche datant de 2000 (20 M€ investis sur dix ans) et a décidé de lancer un nouveau plan de recherche pour les quinze prochaines années. De nouvelles variétés devraient bientôt faire leur apparition (GS 10, P 19, GJ 2…). « Pour poursuivre notre croissance et garantir l’avenir, nous proposons un nouveau modèle de partenariat coopératif à nos clients qui auront un accès privilégié aux variétés futures », précise la Cophoudal.

La Flandre, qui cultivait 223 ha en 1984, dont 176 ha de la variété Brewers Gold, compte désormais une dizaine de variétés, tant amérisantes qu’aromatiques.

Signature de contrats pluriannuels

De jeunes brasseurs investissent et parient sur l’avenir : on en rencontre dans toutes les régions françaises, que ce soit en Bretagne, en Rhône-Alpes, en Alsace ou en Hauts-de-France. « Le gâteau s’agrandit pour tout le monde. Nous sommes dans une période favorable et il faut en profiter », constate François Loos.

Mais pour que de telles démarches de filière réussissent, les brasseurs doivent s’engager sur des contrats pluriannuels. C’est déjà le cas en Hauts-de-France où la Brasserie Goudale s’est engagée avec la Coophounord sur sept ans. C’est aussi le cas des brasseries de Saint-Sylvestre, Castelain, du pays Flamand, des Moulins d’Ascq ou Thiriez. À la brasserie Saint Germain, à Aix-Noulette (62), 3 des 4 tonnes de houblons utilisées chaque année sont cultivés dans la région. « Depuis quinze ans, nous utilisons des matières premières locales dans nos fabrications. Et en matière de houblons, nous avons signé des contrats pluriannuels avec Coophounord pour une partie des variétés que l’on utilise », explique Vincent Bogaert, brasseur. Plutôt que de sélectionner son houblon sur le seul critère du prix, il préfère de beaucoup les choisir selon la variété et leurs origines.

Un contrat de filière dans le Grand Est

La France a cultivé 480 hectares (ha) de houblons en 2017 (+4,6 % sur un an). Ses producteurs sont réunis essentiellement dans deux coopératives : la Coophounord en Flandre et la Cophoudal en Alsace qui adhérent à l’Association des producteurs de houblon de France adossée à l’Acta depuis 2008. Les sept producteurs de la Coophounord représentent 35 ha. Quant aux 44 planteurs de la Cophoudal, ils cultivaient 432 ha en 2016 (dont 15 ha certifiés bios) dans cette région qui vise les 600 ha en 2020. La Cophoudal propose de nouvelles variétés issues de ses programmes de recherche (Aramis, Triskel, Bouclier, Mistral…). Le houblon alsacien se compose principalement de huit variétés aromatiques (95 % des surfaces) et deux variétés amérisantes. Marc Moser, président du Comptoir agricole à Hochfelden, et Jean Rottner, président de la région Grand Est, ont signé au Sia 2018 « un contrat de filière houblon » sur le stand de Brasseurs de France. Il s’agit de soutenir les jeunes houblonniers qui désirent s’installer (pour renouveler les générations), de maintenir la compétitivité des exploitations houblonnières, de renforcer la recherche et les expérimentations et d’améliorer la mise en marché du houblon du Grand Est en développant brasseries et microbrasseries de la région.

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