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Consommation
Le Covid-19 profite-t-il aux produits biologiques ?

Si les ventes de produits biologiques progressent en grandes surfaces et dans les magasins spécialisés, les opérateurs, et notamment les producteurs agricoles, doivent faire face à la fermeture de la restauration scolaire et se réorganiser. Enquête.

Biocoop

Au cours des quatre dernières semaines, les ventes de produits biologiques ont progressé de 41 % en valeur et 39 % en volume, dépassant les produits conventionnels dans la grande distribution, indique le cabinet Nielsen. Si les aliments secs (farines, riz…) ont d’abord été privilégiés à l’annonce du confinement, les produits frais biologiques connaissent aussi désormais de belles progressions. Le fabricant ardéchois de pâtes et produits céréaliers biologiques Ekibio a ainsi vu ses commandes doubler depuis le début de l’épidémie, tandis que Biocoop affiche des ventes de fruits et légumes en hausse de 20 % sur les trois dernières semaines. De son côté, le groupement de magasins Les Comptoirs de la bio enregistre un panier moyen en forte hausse avec un passage de 30 euros à 55 euros.

Le coup dur de la fermeture des écoles

Pour autant, l’arrêt de la majeure partie de la restauration hors domicile et la fermeture des marchés ont été un coup dur pour les agriculteurs. Pour écouler leurs productions, beaucoup se tournent en premier lieu vers la livraison à domicile. Certaines exploitations du réseau Invitation à la ferme ont ainsi lancé des drives fermiers et développé la vente à la ferme. « La demande est très forte, mais nous n’avons pas assez de main-d’œuvre pour y répondre pleinement », commente Corinne Charote, responsable commerciale et marketing du réseau. Certaines arrivent aussi à intégrer de nouveaux points de vente. « Les produits de la Ferme du bois des moines ont rejoint les rayons de l’Intermarché de Surgères. Il y a une forte solidarité du côté des consommateurs comme du côté des entreprises », précise-t-elle.

Tout change très vite, nous nous adaptons en permanence

Cependant, ces alternatives ne permettent pas de combler totalement le manque de la restauration collective (20 % du chiffre d’affaires annuel) et le réseau table sur une perte de 28 % la semaine dernière, en comparaison avec le mois dernier. « Tout change très vite, nous nous adaptons en permanence », poursuit-elle. De la même manière, la coopérative bio d’Île-de-France, dont la restauration collective absorbe 60 % de la production, a réussi à réorienter une partie de ses légumes vers Biocoop et Naturalia. Elle a pris contact avec certaines enseignes de la grande distribution.

Côté distributeurs, Biocoop a assuré qu’il maintiendrait ses volumes et ses prix pour les fruits et légumes engagés tandis que Les Comptoirs de la bio ont lancé un appel national à tous les producteurs locaux. « Nous sommes là pour soutenir les producteurs et à leur écoute. Selon leurs surplus, nous nous adaptons au jour le jour et communiquons dessus auprès de nos consommateurs », explique Philippe Bramedie, président des Comptoirs de la bio. Le réseau de magasins a aussi mis en place un numéro vert et un système de paniers en click & collect ou en livraison depuis quinze jours. « Les produits sont livrés sous deux jours, car nous avons dû faire face à un afflux important de clients au début de l’épidémie et des perturbations des approvisionnements. Un retour à la normale est prévu en milieu de semaine », poursuit-il.

En complément, un projet plus large de commerce en ligne devrait être lancé dans les prochaines semaines sur le magasin de Montauban. Par ailleurs, il apparaît plus difficile de travailler avec la grande distribution pendant cette période. « Les GMS se sont appliquées à mettre en avant les produits français, mais pas vraiment les produits certifiés », observe François Guhl, ex-directeur de l’Agence bio, en partance pour la Draaf Occitanie.

Biolait appelle à réduire la production

Si les filières et les acteurs sont touchés très différemment par la crise sanitaire selon leurs activités et débouchés, la filière laitière est confrontée à de réelles difficultés. Le collecteur Biolait a appelé samedi (4 avril) ses producteurs partenaires à réduire la production en raison de difficultés pour la transformation et envisage de suspendre la collecte sur une partie du territoire si cela s’avère nécessaire. La coopérative des Erythrônes (Jura), dans la filière du comté bio, ne collecte, elle, plus que le lait un jour sur deux.

Quelles perspectives ?

Si les consommateurs se sont dans un premier temps concentrés sur les produits de base, il est possible que les achats d’aliments « plaisir » tels que le fromage reprennent au fur et à mesure du confinement. Concernant le pouvoir d’achat, question phare de la consommation bio, il est difficile de se prononcer. « Le chômage partiel et l’arrêt de la restauration collective ont un impact sur le pouvoir d’achat, mais certains foyers auront aussi moins de dépenses de loisirs ou de transport. Cela sera à géométrie variable », commente Florent Guhl. Quoi qu’il en soit, les pouvoirs publics resteront très attentifs à l’évolution du prix des produits biologiques, tant côté consommateur que producteur. « Si le risque de pression sur les prix est réel, les premières remontées sont pour l’instant positives », poursuit-il.

La crise sanitaire pourrait montrer à la population que les filières locales sont vertueuses et, s’il s’avère difficile de présager l’avenir, Les Comptoirs de la Bio s’affichent plutôt optimistes. « Nous avons su drainer une nouvelle clientèle de proximité qui s’estime satisfaite de notre offre et de nos prix. Nous espérons en fidéliser une partie d’autant plus que la crise devrait pousser les gens à s’intéresser encore davantage à leur alimentation », conclut Philippe Bramedie.

La communication : un outil clé à améliorer

Le discours gouvernemental a orienté la consommation vers les produits de première nécessité. Cependant, il y a aujourd’hui une ambiguïté sur la place des produits sous signe de qualité parmi eux. « Beaucoup d’images de rayons vides ont circulé tandis que les rayons bios à côté étaient pleins. Quand on est en achat de première nécessité, on n’achète pas forcément bio en premier. La communication est donc primordiale », commente Florent Guhl. En ce sens, il apparaît donc nécessaire d’avoir un discours plus représentatif de l’alimentaire qui ne se limiterait pas à l’aspect sanitaire.

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