Laïta prend possession de son usine de lait infantile
Plus de cinq cents invités. La présence du ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, ancien président du conseil régional de Bretagne. Il y avait du beau monde pour assister à l’inauguration de la toute nouvelle usine de Laïta dédiée aux ingrédients secs de pointe (30 000 tonnes par an), le 1er décembre à Créhen dans les Côtes-d’Armor. Ce n’est pas tous les jours, en effet, qu’un industriel injecte 80 millions d’euros dans l’économie bretonne. Qui plus est, quand il s’agit d’un groupe coopératif breton installé à Brest, connu pour ses marques Paysan Breton, Régilait, Mamie Nova et qui emploie, dans sept usines, 2 750 salariés.
Cette inauguration concrétise un dossier ouvert au début 2014. À l’époque, à quelque un an et demi de la fin des quotas laitiers, Laïta prend résolument le cap des poudres de lait infantile pour développer à terme la valeur ajoutée de ces produits, améliorer sa rentabilité et donc celle de ses 3 250 exploitations adhérentes. Intervenant en produits de grande consommation, Laïta est souvent considéré comme un groupe beurrier. Une activité de laquelle découle une forte production de lait écrémé que Laïta valorise en poudres (60 000 tonnes fabriquées par an dans huit tours de séchage) dont les cotations sont volatiles.
Usine ultramoderne de 11 000 m2
Le lait infantile est un marché plus résilient en valeur compte tenu de la demande forte sur le marché mondial, notamment en Chine, en Asie sur Sud-Est, au Moyen-Orient et dans une moindre mesure en Afrique. En un peu plus de trois ans, Laïta aura réorganisé toute sa chaîne de production d’ingrédients secs dans le but d’ajouter du lait infantile aux poudres classiques. D’abord en injectant 20 millions d'euros dans l’extension, sur le site de Landerneau, de son unité de déminéralisation du lactosérum en provenance de la fromagerie Ploudaniel, nécessaire pour la fabrication de lait infantile. Puis dans l’accroissement de ses capacités de production de poudres de lait fermenté sur son site d’Ancenis (Loire-Atlantique).
Il ne restait plus qu’à s’attaquer au gros du dossier : la construction de l’usine de poudres de lait infantile et poudres de lait prémium, le tout pour 60 millions d'euros d’investissement. En ce premier jour de décembre, les invités ont découvert une usine ultramoderne de 11 000 m2 couverts, 200 m de long et 47 m de haut. Il s’agit d’un outil véritablement de haute technologie qui s’inspire, par certains côtés, des normes pharmaceutiques les plus strictes. Des matières premières aux produits finis, tout est tracé, dûment contrôlé. Car la fabrication des poudres de lait infantile nécessite un luxe de précautions pour s’assurer de leur parfaite innocuité avant d’être distribuées à des organismes encore fragiles.
Chaque année entre 150 et 200 Ml de lait réceptionnés
Ce sont des poudres de lait issues d’une savante formulation, composées de 25 à 30 % de lait, de poudres de lactosérum, de matières grasses et de différents ingrédients tels que des oligoéléments, des vitamines, etc. Et adaptées aux consommateurs, des nourrissons (0-6 mois), bébés de 6 à 12 mois, enfants en phase de croissance (12-36 mois), ou aux difficultés qu’ils rencontrent (anti-régurgitation, contre l’inconfort digestif, sans lactose, hypoallergéniques, etc.). Laïta n’entre pas sans savoir-faire dans ce secteur. Il formule déjà nombre de solutions alimentaires laitières dans le domaine de la santé, et ce, sous forme liquide.
« L’usine de Créhen réceptionnera chaque année entre 150 et 200 millions de litres de lait. Tout le processus fera l’objet d’analyses nombreuses et poussées », explique Christian Griner, directeur général du groupe. Le site de Créhen dispose de son propre laboratoire d’analyses (accréditation Cofrac visée en 2018). Il est doté des équipements de dernière génération pour traquer la moindre défaillance. L’usine qui a démarré ses activités en octobre sera en capacité de produire 30 000 tonnes de poudres de lait dont 15 000 tonnes de laits écrémés prémium et 15 000 tonnes de poudres de lait infantile vendues en boîtes de 400 et 900 grammes. « Nous ne travaillerons qu’en BtoB. Par exemple, par le biais de notre filiale Régilait au Moyen-Orient et en Afrique », poursuit Christian Griner.
Un acteur comme Laïta peut se faire de la place sur le marché mondial
15 000 tonnes de laits infantiles par an peuvent être considérées comme modeste, eu égard au dimensionnement de l’usine Synutra de Carhaix-Plouguer qui affiche une capacité annuelle de 100 000 tonnes de poudres de lait infantile. « Mais nous avons la certitude qu’un acteur comme Laïta peut se faire de la place sur le marché mondial par la maîtrise des ingrédients du lait utilisés, l’accompagnement technique de nos producteurs et les perspectives concernant la ressource laitière dans l’ouest de la France, même si la conjoncture est actuellement plus difficile », développe Christian Griner.
À cinq ans, Laïta (1,5 milliard de litres de lait collectés, 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires) entend développer ses ventes à l'étranger grâce aux poudres de lait infantile (actuellement 21 % en Europe et 10 % dans les pays tiers) en abaissant la part de son chiffre réalisé en France (69 % actuellement) en dessous de 60 %.
La Chine, l’eldorado pour les produits infantiles
« La demande mondiale en poudres de lait infantile est soutenue dans le monde hors de l’Union européenne. Elle provient surtout des pays émergents où la population s’urbanise et où les femmes réduisent la durée de l’allaitement », explique Gérard Calbrix, économiste de l’Association de la transformation laitière (Atla). Les perspectives paraissent très bonnes en Chine, compte tenu de l’importance de sa population, de la fin de la politique de l’enfant unique depuis 2015 et de sa hantise vis-à-vis des produits infantiles chinois depuis le scandale alimentaire de la mélamine survenu en 2008. Ces dernières années, les grands acteurs laitiers mondiaux ont consacré au lait infantile d’importants investissements. « Sans risques de saturation » pour l’heure, selon Gérard Calbrix. Attention cependant : le marché chinois peut installer des barrières aux importations, « comme ce fut le cas en 2016 avec la limitation de trois marques par fabricant », précise l’économiste.