La filière du foie gras entame son ère post-influenza
L’éradication de l’influenza aviaire dans le canard du Sud-Ouest a été un mal nécessaire. Le foie gras est « au rendez-vous » des fêtes, mais doit encore remonter à l’export, ont indiqué le 20 octobre 2016 les professionnels du Cifog.
La filière foie gras sort renforcée du vide sanitaire qu’elle s’est imposé cette année, au moins sur les plans de la santé animale et des ressources humaines. Les canards mis à gaver dans le Sud-Ouest se révèlent particulièrement vigoureux ; avantage supposé de l’assainissement des parcours du fait d’avoir été désertés entre janvier et mai. Les infrastructures et pratiques de biosécurité se mettent en place à l’échelon national. De nouvelles bonnes pratiques s’imposent aux flux logistiques. Enfin, les équipes d’abattage et de transformation des sites du Sud-Ouest ont bénéficié de programmes de formation inédits. Elles en ressortent confiantes et motivées, affirment les industriels. « Nous avons fait une gestion responsable de cette crise sanitaire sans précédent », a affirmé Marie-Pierre Pé, porte-parole du Cifog, l’interprofession des palmipèdes à foie gras, devant la presse nationale le 20 octobre 2016. « Nous avons travaillé en équipe avec les services du ministère », a témoigné l’éleveur Christophe Barrailh, président du Cifog, sur l’estrade de la cérémonie du Cercle des amoureux du foie gras où était monté Stéphane Le Foll. Le ministre a remercié les producteurs, accouveurs et industriels pour leur sacrifice, et il s’est félicité de la nouvelle possibilité de verser des compensations aux éleveurs pour les arrêts de production dus à un plan prophylactique.
Lavage à l’eau chaude des camions
Michel Fruchet, directeur général de la coopérative Val de Sèvres, a décrit les circuits de circulation établis dans les abattoirs, les opérations de lavage à l’eau chaude des camions, la désinfection des cagettes de livraison, les autocontrôles quotidiens visant à empêcher la diffusion du virus à travers les élevages. « Nous avons entretenu nos relations avec nos employés », a-t-il souligné. Les salariés du Sud-Ouest sont restés en activité partielle durant les quatre mois d’arrêt des abattoirs, se demandant jusqu’à la mi-août si leur poste serait conservé. Les initiatives de formation à visée sanitaire ou de gain de compétences se sont multipliées, à l’image du « campus Labeyrie ».
Un quart de production en moins
Sur le plan économique, la filière foie gras sort affaiblie de cette année 2016 et en subira encore les conséquences au cours des prochaines années. Trois raisons essentielles : les quatre mois de vide sanitaire, les mesures de biosécurité et la forte restriction des exportations en dehors de l’Union européenne depuis le premier cas d’influenza aviaire, le 24 novembre 2015 en Dordogne. Le vide sanitaire a fait chuter la production française de canards à foie gras d’un quart, a établi le Cifog. C’est le Sud-Ouest, représentant 71 % du volume national et procurant les IGP aux grands circuits de distribution, qui a été touché. Parmi les mesures obligatoires de biosécurité, qui doivent se mettre en place dans les deux ans, l’élevage en bande unique s’applique déjà : impossible de faire cohabiter des canards d’âge différent sur une même unité d’élevage.
Marie-Pierre Pé a livré une première estimation de la baisse du nombre de canards consécutive à cette règle : entre 5 et 10 %. « Le retour à la production de 2015 ne sera pas pour 2017, a prévenu Christophe Barrailh, mais plutôt pour 2018. Cela dépendra de ce que nous allons investir en élevage. » La facture globale du vide sanitaire et de la biosécurité est évaluée à 500 millions d’euros, dont 130 millions sont compensés par l’aide publique à l’intention des éleveurs.
Au maximum 45 centimes d’euro de plus par tranche
La baisse de l’activité ne permet pas de couvrir les frais fixes industriels, comme chez Delpeyrat, où l’abattage est passé de 8 millions de canards à 6 millions. Les industriels estiment leur hausse « structurelle » du prix de revient supérieure à 25 %. Ils demandent aux centrales d’achat des revalorisations de 10 à 25 % selon les sources. Fait inédit : des centrales se sont positionnées dès le mois de mai sur des volumes de fin d’année. L’interprofession salue la très légère montée en valeur des prix de détail pour les neuf premiers mois de l’année (0,5 % selon Iri dans les supers et hypermarchés), pour un recul en volume de 1,1 %. Pour les fêtes, « l’inflation maximale sera de 45 centimes d’euro par tranche », a prédit Marie-Pierre Pé, précisant qu’une tranche ou portion fait en moyenne 40 grammes. Une hausse jugée quasiment imperceptible.
Les embargos sanitaires de pays clients ont fait perdre 7,8 millions d’euros aux exportateurs entre le 1er semestre 2015 et le 1er semestre 2016. Et ceux-ci ne s’attendent pas à une franche reprise avant début 2017, « mars ou avril », s’est avancé Jean-Jacques Caspari (Euralis). Le statut indemne est établi trois mois après le dernier cas et la désinfection totale de l’élevage. Le dernier cas a été révélé le 12 septembre, ce qui porte à fin décembre la récupération du statut indemne. Mais certains clients n’acceptent pas d’emblée ce statut, c’est pourquoi les représentants de l’État s’efforcent d’accélérer le processus. Les importations étant accrues de 10,9 millions d’euros pour le 1er semestre, la balance commerciale est pour l’heure déficitaire, alors qu’elle a dépassé les 56 millions d’euros pour 2015.
Effet d’aubaine pour la Hongrie et la Bulgarie
La Hongrie et la Bulgarie profitent de la fermeture de certains marchés internationaux au foie gras français, constate le Cifog. Les exportateurs hongrois et bulgares ont pris la place d’exportateurs français en conservant leurs prix, constate-t-on chez Feyel Artzner, dont le premier marché à l’export est celui du foie gras cru à Hong Kong. Le Japon, amateur historique du foie gras d’oie de Hongrie, se fournit désormais essentiellement dans ce pays. La Hongrie et la Bulgarie ont aussi gagné des positions dans les circuits de la restauration et chez les artisans français. D’après les projections de l’interprofession pour 2016, la Hongrie va porter sa production de 450 à 550 tonnes au-dessus des 2 450 tonnes de 2015 ; la Bulgarie va porter la sienne de 500 à 600 tonnes, au-dessus des 2 200 tonnes de 2015.