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Chronique
Interprofessions : missions et prix après la loi Egalim

La loi Egalim donne aux interprofessions la mission d’élaborer et de diffuser des indicateurs de référence à prendre en compte dans les modalités de détermination du prix dans les contrats écrits. La prudence voudrait que ces interprofessions les notifient au préalable à la Commission européenne.

Fabien Barthe, avocat au cabinet Racine
© DR

Parmi les objectifs de la loi no 2018-938 du 30 octobre 2018 dite loi Egalim figure l’amélioration du revenu des agriculteurs au moyen d’un meilleur équilibre entre l’amont et l’aval des filières. Organismes de filières, les interprofessions ont une vocation naturelle à y contribuer mais, s’agissant des modalités de détermination du prix, elles pourraient être fortement contraintes par le droit de la concurrence.

Après de denses débats parlementaires, il revient finalement aux interprofessions d’élaborer et de diffuser les « indicateurs de référence » à prendre en compte dans les modalités de détermination du prix fixées dans la proposition de contrat écrit visée à article L. 631-24 (III) du Code rural et de la pêche maritime : indicateurs de coûts de production ; indicateurs de prix des produits agricoles et alimentaires ; indicateurs relatifs aux caractéristiques des produits concernés. La diffusion de ces indicateurs vise à permettre aux agriculteurs de disposer d’informations pertinentes afin de formuler une proposition de prix à leurs acheteurs dans le cadre du dispositif de contractualisation inversée (LMH no 434 – 18 janvier 2019 - p. 15). Si la diffusion desdits indicateurs est pour elles une obligation, les interprofessions ne peuvent émettre que des recommandations sur la manière de les prendre en compte pour la détermination, la révision et la renégociation des prix dans les contrats.

Définir des clauses types de répartition de la valeur

La loi Egalim autorise les interprofessions à rédiger des clauses types de répartition de la valeur. Pour rappel, le règlement Omnibus (règlement (UE) no 2017/2393 du 13 décembre 2017) permet aux agriculteurs et à leurs premiers acheteurs de convenir de clauses de répartition de la valeur déterminant la répartition entre eux de l’évolution des prix du marché des produits concernés ou des matières premières. Ce même règlement permet aux interprofessions d’établir des clauses types de répartition de la valeur ; la loi Egalim a transposé cette possibilité en droit interne. L’objectif de telles clauses est de renforcer les liens entre les prix à la production et la valeur ajoutée tout au long de la chaîne d’approvisionnement, mais leur utilisation devrait rester facultative pour les parties.

Des objectifs louables, des missions à risques ?

Force est de constater que ces deux nouvelles missions ont trait aux modalités de détermination du prix. Or, au regard du droit de la concurrence, les activités des interprofessions sont strictement encadrées au risque de caractériser une entente prohibée. Cette réserve explique d’ailleurs que plusieurs interprofessions ont choisi de notifier à la Commission européenne la teneur projetée de leurs diffusions relatives aux indicateurs de coût et de prix susvisés.

Dans son avis no 18-A-04 du 3 mai 2018 relatif au secteur agricole, l’Autorité de la concurrence rappelait que « la diffusion d’indicateurs et d’indices par les organisations interprofessionnelles ne doit pas aboutir à un accord collectif sur les niveaux de prix pratiqués par des opérateurs concurrents ni à une uniformisation des prix » et que « l’utilisation de clauses de répartition de la valeur par les agriculteurs, les associations d’agriculteurs et leurs premiers acheteurs devrait rester facultative », ne pouvant ainsi faire l’objet d’une extension. Ladite Autorité y invite d’ailleurs les interprofessions à recourir à la notification préalable à la Commission européenne tant s’agissant des indicateurs diffusés que concernant les clauses types de répartition de la valeur.

Cette invitation prudentielle doit-elle faire douter de l’efficacité de nouveaux outils dont les interprofessions ne semblent pouvoir imposer les modalités d’utilisation sans contrevenir au droit de la concurrence ?

LE CABINET RACINE

Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents avocats et juristes dans sept bureaux (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Bruxelles), il réunit près de 30 associés et 70 collaborateurs à Paris. Fabien Barthe est avocat au barreau de Paris. Il est collaborateur du cabinet Racine depuis 2017, expert en droit agricole et agroalimentaire.

Racine - 40, rue de Courcelles - 75008 Paris - www.racine.eu

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