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Ingrédients laitiers : quelle place la France occupe-t-elle au niveau international ?

Le repli de la collecte laitière dans les principaux pays exportateurs comme en France se prolonge début 2022. Déficitaire en matières grasses, l’Hexagone a vu sa balance commerciale se dégrader en valeur en 2021.

En volumes, les principaux utilisateurs des ingrédients laitiers restent la chocolaterie, les laits infantiles, la fromagerie (fromages frais, fromages fondus) et l’alimentation animale. Ici : le fromage à pâte fondue la cancoillotte.
En volumes, les principaux utilisateurs des ingrédients laitiers restent la chocolaterie, les laits infantiles, la fromagerie (fromages frais, fromages fondus) et l’alimentation animale. Ici : le fromage à pâte fondue la cancoillotte.
© Murtin/Sucré salé

La conjoncture laitière est marquée par une fermeté des cours qui affecte tous les ingrédients laitiers. À l’origine de cette hausse des prix sur plusieurs mois, la demande plus dynamique qu’anticipée s’est fait ressentir alors que la collecte stagnait. « En l’espace de cinq mois, les prix de la poudre de lait écrémé et du beurre ont respectivement augmenté de 1 000 et de 1 500 euros la tonne. Cela correspond à une augmentation relative d’environ 40 %, aussi bien pour la poudre de lait écrémé que pour le beurre », chiffre Benoît Rouyer du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) dans sa note de conjoncture du 4 février 2022.

Si les éleveurs voient d’un bon œil ces cours fermes qui pourraient contribuer à tenir leurs revenus alors que le prix du lait stagne dans le contexte inflationniste de leurs intrants, énergie et aliments achetés (+12 % en un an pour l’indice Ipampa de l’Idele), les utilisateurs d’ingrédients montent au front pour exiger une répercussion jusqu’au consommateur.

Les cours ne devraient pas s’inverser prochainement expliquent tous les économistes : la Nouvelle-Zélande redémarre mollement une nouvelle année laitière, les États-Unis restent stables, l’Union européenne ne reprend pas de couleurs. « Ce manque de dynamisme de la production laitière se retrouve également en France. Sur une base journalière, la collecte a, en effet, baissé de 1 % en moyenne sur les onze premiers mois de l’année 2021, et le recul s’avère davantage marqué sur le mois de décembre et le début de l’année 2022, avec une baisse de l’ordre de 2,5 %, selon les sondages hebdomadaires de FranceAgriMer », explique Benoît Rouyer.

Des fabrications affectées par les disponibilités

« Et il n’y a aucune détente prévue au moins jusqu’à l’été, avec une collecte européenne en recul », estime, Gérard You responsable du pôle économie des filières de l’Idele. Il ne prévoit toutefois pas de rupture, l’Union européenne disposant d’un pouvoir d’achat plus élevé que les autres zones, ses marchés sont couverts en priorité. Quand les poudres grasses sont trop chères, de plus en plus de pays basculent dans le ré-engraissement avec des matières grasses végétales. « Tant que les cours des aliments pour les animaux sont chers, les éleveurs ne repartiront pas à la hausse en production », insiste le spécialiste.

Les fabrications sont naturellement touchées par cette diminution généralisée des disponibilités en lait. Au niveau européen, les fabrications de beurre ont diminué de 5,6 % sur le seul mois de novembre 2021, celle de poudre de lait écrémé de 5,3 % et celles de poudre grasse de 10,1 %.

La production de fromages a, quant à elle, augmenté de 4 % sur ce même mois et celle de crème de 13,4 %. Au niveau français, la tendance a également été à la hausse pour la production de fromages (+8,1 %) et la crème conditionnée (+13,3 %). « En revanche, à la différence de la tendance européenne, les fabrications de matières grasses laitières sont restées stables en novembre 2021 par rapport à novembre 2020 et la production de beurre a même été en hausse de 3,8 %. Si la production de poudre de lait écrémé a été en baisse comme au niveau de l’UE, la production de poudre grasse a rebondi (+26,3 %, par rapport à novembre 2020), après sept mois consécutifs de repli », détaille FranceAgriMer dans sa note de conjoncture de janvier 2022.

Une balance commerciale en déséquilibre constant

La part du lait transformé en ingrédients dépasse les 21 % dans l’Union européenne et les 25 % en France. Sa tradition fromagère explique la forte production de lactosérum (plus de 500 000 t par an), les caséines (36 000 t), poudres de babeurre (26 000 t) et concentrés de protéines (20 000 t) arrivant loin derrière, de même que, du côté des matières grasses, le beurre (autour de 400 000 t/an).

La balance commerciale française s’est toutefois dégradée en valeur l’an dernier pour la plupart des produits laitiers, sauf pour les poudres de lait entier et écrémé, selon FranceAgriMer. L’organisme doit livrer le bilan laitier 2021 détaillé dans les semaines à venir.

En volumes, les principaux utilisateurs des ingrédients laitiers restent la chocolaterie, les laits infantiles, la fromagerie (fromages frais, fromages fondus) et l’alimentation animale. Or, c’est sur le segment des ingrédients laitiers achetés par des industries agroalimentaires que la part de la France est la plus faible. C’est pourquoi « les deux tiers des IAA non laitières importent les ingrédients laitiers qu’elles incorporent », estime Gérard You.

« Nous consommons beaucoup plus de matières grasses en équivalent lait que de protéines »

Gérard You, responsable du pôle économie des filières à l’Idele

Pour lui, « La France exporte beaucoup de produits laitiers à valeur ajoutée comme les fromages. Cela représente 40 % de notre collecte. Mais notre consommation nationale est déséquilibrée : nous consommons en effet beaucoup plus de matières grasses en équivalent lait que de protéines ». Finalement, les industries agroalimentaires françaises importent donc beaucoup de crème et de beurre de nos voisins, ce qui nous fragilise dans le contexte haussier actuel. Certaines entreprises commencent donc à substituer les matières grasses laitières par d’autres origines, mais toutes ne le peuvent pas.

En bonne place sur des ingrédients complexes

En volumes, la place de la France varie fortement selon les ingrédients. En lactose par exemple, la part de la France dans le commerce mondial représente un peu plus de 5 %, loin derrière les États-Unis (37 % en 2020), l’Allemagne (23 %) ou les Pays-Bas (15 %). Sur les caséines et caséinates, le leader est la Nouvelle-Zélande (34 % du commerce mondial), suivie de l’Irlande (21 %), la France s’arrogeant la troisième place (15 %), assez loin devant l’Allemagne (8 %).

L’Hexagone pointe à la quatrième place des flux de lactosérum (liquides ou en poudre), mais à la dixième place pour la lactalbumine… Sur les poudres grasses, nous arrivons derrière la Belgique en sixième position (76 000 t) et en quatrième place pour les poudres de lait écrémé.

Au total, la France exporte principalement des poudres de lactosérum (un peu plus de 270 000 t en 2020), des poudres de lait écrémé (263 000 t), du lait concentré (110 000 t) et des poudres grasses (77 000 t). Elle importe du lactosérum liquide (105 000 t), de la poudre de lactosérum (77 000 t), des poudres grasses (38 000 t) et des poudres de lait écrémé (35 000 t).

Le cas particulier des aliments pour animaux

La production française d’aliments d’allaitement pour jeunes animaux (principalement les veaux) s’établit aux environs de 300 000 t/an en combinant le marché des animaux destiné à l’élevage et celui des animaux destinés à la boucherie. Elle utilise deux types d’ingrédients laitiers. Il existe en effet en France deux schémas alimentaires pour les veaux de boucherie : le profil « à la néerlandaise », à base de lactosérum et de fibres, qui privilégie, par ailleurs, les veaux issus du troupeau laitier, et le profil « à la française », à base de poudre de lait écrémé, plus destinée aux veaux d’origine croisée. « Il existe des tensions fortes sur tous nos approvisionnements, la collecte très faible posant la base de notre cadre économique », résume Olivier van Ingelgem, délégué du Syndicat de la vitellerie française. Pour l’instant, la répercussion des hausses varie selon le marché. En RHD, la tendance est à l’augmentation des importations, en boucherie traditionnelle, les contrats sont pluriannuels et les prix fixés ; c’est donc le producteur qui supporte le plus gros des hausses. En GMS, les conditions sont totalement différentes. La tension sur les prix est assumée par les distributeurs au détriment de leur marge puisque les prix aux consommateurs restent assez stables. « À l’inverse, au printemps 2020, le cours des veaux s’était effondré, mais le prix dans les rayons était stable », remarque Olivier Van Ingelgem.

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