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Compensation collective agricole : la protection d’un potentiel

Bruno Néouze, cabinet Racine

Comme le confirment les réactions au projet d’aménagement d’une zone de multi-activités dans le « triangle de Gonesse » (projet EuropaCity), la consommation du foncier agricole par l’urbanisation et l’équipement est une source d’inquiétude forte de la part des collectivités territoriales tout autant que des milieux agricoles. À la demande de ces derniers, et s’inspirant des mécanismes de compensation environnementale précisés par la loi Biodiversité, le législateur a institué un mécanisme destiné à protéger les terres agricoles et, à défaut l’économie agricole.

Les grands projets d’équipement doivent ainsi, comme à l’égard de la biodiversité, chercher à éviter, et à tout le moins réduire, leurs effets négatifs sur l’économie agricole. S’ils ne le peuvent, les aménageurs doivent alors compenser ces effets. Il ne s’agit pas ici d’indemniser les individus, ce qui ressort des mécanismes du droit de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Il ne s’agit pas non plus, à l’instar du remplacement d’une zone de biodiversité par une autre zone d’égale valeur écologique, de remplacer une zone foncière agricole par une autre zone qui serait créée : ces zones manquent déjà et la compensation serait le plus souvent impossible. L’idée est donc de compenser la destruction d’espaces agricoles par des investissements permettant de maintenir, voire d’accroître, le potentiel économique des activités agricoles sur le territoire concerné.

L’article L.112-1-3 du Code rural et de la pêche maritime prévoit ainsi que les projets de travaux susceptibles, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, d’avoir des conséquences négatives importantes sur l’économie agricole, doivent faire l’objet d’une étude préalable portant notamment sur l’état initial de celle-ci sur la zone concernée, les effets à prévoir et les mesures envisagées pour les éviter ou les réduire, ou les mesures de compensation collective « visant à consolider l’économie agricole du territoire ».

Mesures négociées avec les organisations agricoles

Le décret (articles D.112-1-18 à D.112-1-22 du CRPM) rend la procédure obligatoire pour les projets soumis à étude d’impact environnemental (art. R.122-2 du Code de l’environnement), touchant des parcelles affectées ou ayant été affectées à une activité agricole dans les trois ou cinq dernières années (art. L.311-1 du CRPM) et impliquant le prélèvement définitif d’une surface supérieure à 5 hectares : il limite donc le dispositif aux atteintes les plus graves. L’étude préalable comprend les mesures de compensation envisagées ; elle est transmise au préfet qui, après consultation de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, émet son avis sur les mesures envisagées.

Ces mesures seront le plus souvent, dans la pratique, négociées avec les organisations agricoles, qui pourront même se voir confier leur mise en œuvre. Elles pourront notamment consister dans le versement d’une somme d’argent destinée à financer des projets de renfort de l’économie agricole du territoire.

Projets de recherche, création d’espaces de vente

Sur ce point, place est laissée à l’imagination, le Code rural ne donnant aucune précision : projets de recherche, création d’espaces de vente, équipements collectifs, etc., il appartiendra au préfet et à la CDPENAF d’apprécier leur pertinence.

Cependant, et alors que les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité peuvent être rendues obligatoires et que leur mise en œuvre est contrôlée et sanctionnée par l’autorité administrative (art. L.163-1 à L.163-4 du Code de l’environnement), le Code rural et de la pêche maritime ne prévoit la possibilité pour le préfet, ni de conditionner l’autorisation du projet à la mise en œuvre de l’étude préalable et à la proposition de mesures de compensation, ni de contrôler l’exécution des mesures prévues : faudra-t-il avoir recours au droit commun de la faute quasi délictuelle pour faire sanctionner par le juge la violation par l’aménageur de ses obligations ? Là réside, incontestablement, la faiblesse du dispositif.

LE CABINET RACINE

Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de La Réunion), il réunit près de soixante-dix avocats et juristes à Paris. Il dispose également d’un bureau à Bruxelles et à Beyrouth. Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l’agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.

Racine - 40, rue de Courcelles - 75008 Paris - www.racine.eu

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