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Au Sénat, qui a défendu le CETA le 21 mars ?

Ce 21 mars, le Sénat a débattu sur la pertinence de signer l’accord CETA. Si des conséquences positives ont été mentionnées pour la filière viticole et laitière, les inquiétudes étaient vives pour la viande bovine ou la lentille. 

resultat du vote du senat
La partie commerciale de l'accord CETA a été largement rejetée par les Sénat
© Senat

Le Sénat devait voter ce 21 mars sur deux articles, un correspondant au volet économique et un accord de coopération qu’ont conclu l’UE et le Canada en 2017. Ces deux composantes étaient liées dans les négociations. L’article 1 a été rejeté massivement, avec 211 voix contre et seulement 44 pour, alors que le groupe centriste avait claqué la porte des débats. Une défaite nette pour le gouvernement. Le partenariat stratégique a en revanche été adopté lors du vote sur l'article.

Lire aussi : Rejet du Ceta : applaudissements de la filière bovine, consternation dans le vin 

Au niveau agricole, produits laitiers et vins ont profité de l’application provisoire de l’accord commercial, mais la viande bovine et certaines productions végétales comme les lentilles auraient été menacées. A noter que si ce traité à une large portée industrielle, commerciale et sur les services, l’agriculture a été au cœur des débats du Sénat toute la journée. 

Lire l'édito : Quels enseignements tirer du rejet du Ceta ?

 

 

Le gouvernement est donc dans une impasse, et devra choisir soit de ne pas notifier le rejet à Bruxelles, pouvant se faire accuser de déni de démocratie, "et porter la responsabilité de construire la défiance vis à vis de la politique dans notre pays" alerte Yannick Jadot, soit de porter un message contraire à celui qu'il défend à Bruxelles. Il devra aussi maintenant inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale le projet de loi de ratification du CETA en nouvelle lecture.

Mis à jour le 28 mars, d'après Agra : Ce 27 mars, dans un entretien au Figaro, Franck Riester annonce que «le projet de loi sera transmis le moment venu, mais pas avant les élections européennes, car ce sujet nécessite un temps de débat apaisé». En cas de rejet par l'Assemblée nationale, l'équation deviendrait alors très complexe pour le gouvernement: soit il notifie à Bruxelles qu'il ne peut ratifier le traité et cela entraînerait la fin de son application provisoire pour toute l'Europe; soit il temporise au risque de s'attirer les foudres des oppositions qui crieront au déni démocratique.

Lire aussi : Pourquoi le bœuf canadien n’est plus une menace pour l’UE actuellement

Le parti présidentiel défend le CETA, les autres s’y opposent

Le débat, de plusieurs heures, était houleux, nombreux sénateurs de gauche comme de droite contestant avant tout un mépris du gouvernement pour l’institution, regrettant que ce vote ait lieu 7 ans après l’application provisoire et seulement grâce à une manœuvre du groupe CRCE-K. Les communistes ont en effet utilisé une de leurs deux niches annuelles pour inscrire ce projet alors qu’ils y sont opposés. 

« Signer l’accord de partenariat stratégique mais pas l’accord économique serait une erreur » Franck Riester

La ratification de l’accord a tout d’abord été défendue par Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie et des Français de l'étranger. Il a, dans un long discours, évoqué le lien entre l’accord de partenariat stratégique, et l’accord économique et commercial global, comme l'ont finalement fait les sénateurs. « Ces deux accords sont bons pour notre économie, nos entreprises, notre agriculture et nos relations avec le Canada ». Insistant sur les relations entre les deux pays « L’UE et le Canada sont deux piliers dans un monde qui perd ses repères».

Le ministre insiste notamment sur le fait que les Sénateurs ne peuvent pas choisir seulement une partie de l’accord ; « Signer l’accord de partenariat stratégique mais pas l’accord économique serait une erreur » qui induirait la révocation des deux parties, selon lui. Il n'a donc pas été suivi. 

Lire aussi : Mesures miroirs : 5 questions sur ce que l'UE peut faire sur la viande et les végétaux

Un accord positif pour les agriculteurs français selon Franck Riester

« Assumez vos responsabilités, (…) les faits sont indiscutables, c’est un bon accord utile, (…) les exportations françaises vers le Canada ont bondi de 35 % en six ans, notamment les produits industriels, (…), l’excédent commercial dans le secteur agricole et alimentaire a été multiplié par trois ».  Il cite ainsi un bond des exportations de vin (+24 %), et de fromage (+60 %) « bénéficiant de l’exemption des droits de douanes et de la protection des AOP »

Dans le même temps, toujours selon le ministre, l’application provisoire n’aurait pas eu d’impact sur les filières agricoles sensibles. Dénonçant les « contre-vérités proposées sur les réseaux sociaux et les médias », il a appuyé sur les très faibles chiffres des importations françaises de viande (aucune viande de porc, 7 t de volaille, 0.0034 % de notre consommation de bœuf). 

« Les Canadiens ne peuvent pas et ne pourront pas exporter leur bœuf aux hormones »

« Il n’y a aucune raison de penser que cette tendance pourrait changer à l’avenir, les filières ne peuvent pas se structurer pour répondre aux exigeantes règles européennes », se veut rassurant le ministre qui continue « les Canadiens ne peuvent pas et ne pourront pas exporter leur bœuf aux hormones (…) et l’UE effectue un suivi sanitaire au Canada et à nos frontières ». Il a fini par lister les importations françaises depuis le Canada « du sucre (mais quasi exclusivement du sirop d’érable), des Airbus pour les assembler mais surtout des métaux critiques. Le pétrole canadien se substitut au pétrole russe » avant de conclure « Ce que nous importons, ce sont des biens stratégiques, pas de la viande aux hormones ».

« Ce que nous importons, ce sont des biens stratégiques, pas de la viande aux hormones »

 Dans les prises de paroles du début de l’après-midi, les parlementaires des groupes centristes ont répété qu’il ne fallait pas confondre Ceta et Mercosur, et que ce traité avec le Canada ne devait pas payer pour l’opposition au Mercosur. Emmanuel Capus (Les Indépendants) a même qualifié le traité de « positif pour les éleveurs bovins » tandis que Jean-Baptiste Lemoyne (RDPI) évoquait des clauses de sauvegarde pour la viande bovine. Jean-Pierre Grand (Les Indépendants, ancien Les républicains), sénateur de l’Hérault a vivement appelé à la signature de l’accord, crucial pour une filière viticole en crise. 

Les commissions du Sénat appellent à voter contre

Pascal Allizard, rapporteur de la commission des affaires étrangères, a dénoncé les sept ans d’attente et d’application provisoire avant de faire voter cet accord au Sénat et s’inquiétait sur la réaction du gouvernement en cas de rejet. Si la France ne notifie pas ce rejet à Bruxelles, rien ne se passe. Ainsi, actuellement, dix Etats membres n'ont pas terminé le processus de ratification et Chypre l’a même rejeté. Mais Nicosie n'a jamais notifié ce rejet, ce qui permet à l'accord de continuer de s'appliquer. Si le rapporteur concède les bons chiffres à l’export présenté par le ministre, « ce n’est que le reflet de la croissance des échanges français (…) qui ne doivent pas cacher un déficit commercial de la France (…) et des effets très limités attendus sur la croissance ».

« Le CETA, une épée de Damoclès sur notre agriculture et en particulier sur la viande bovine » Pascal Allizard.

Pascal Allizard a rappelé que si les importations de viande bovine sont limitées, elles sont constituées d’aloyau et donc peuvent déséquilibrer le marché. Enfin la forte dépendance de la filière canadienne aux marchés américains et asiatiques peut l’inciter à se tourner vers l’UE, surtout si le CETA est définitivement adopté, les poussant à des investissements. 

« un accord anachronique »

Pascal Allizard craint aussi que l’UE soit poussée à accepter le traitement des carcasses à l’acide peracétique et regrette fortement l’absence de mesures-miroir qui en fait « un accord anachronique qui ne tient pas compte des demandes sur le bien-être animal et le renforcement de la souveraineté alimentaire ».

La commission des affaires économiques alerte sur l’acide peracétique 

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques a estimé que cet accord « ne rapporterait que 4 $/an par Européen », le prix du reniement pour « importer ce que l’on ne peut produire chez nous ». D’autant plus que des audits de la Commission ont « constaté des lacunes sur la traçabilité du bœuf aux hormones », dénonçant que l’Europe se « comporte comme des tigres avec ses producteurs et des agneaux avec les Canadiens », notant plusieurs dérogations accordées, et s’inquiétant d’une nouvelle demande pour le traitement à l’acide peracétique des carcasses. 

« des lacunes sur la traçabilité du bœuf aux hormones »

La filière légumineuse serait particulièrement touchée

Plusieurs sénateurs, dont Guillaume Gontard, du groupe écologiste (GEST) alertent aussi sur les risques que court la lentille française. Même si l’AOP lentilles du Puy est reconnue par le Canada, l’arrêt des droits de douane conduit à une hausse des importations de lentilles cultivées de manière différente, notamment avec le glyphosate utilisé comme accélérateur de murissement. 

 

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