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Énergie
Objectifs : économiser l'énergie et « décarboner » les abattoirs

La récupération d’énergie sur les blocs frigorifiques ou les fours à flamber est désormais répandue. La production d’énergie est en revanche beaucoup moins courante.

© Creative Commons

Article initialement paru dans le Viande Mag de mars 2020

Les entreprises de transformation de viande ont-elles conscience de l’intérêt d’investir dans la maîtrise des dépenses énergétiques ? La nature des dossiers déposés dans le cadre du plan de modernisation des abattoirs offre un début de réponse. « Au moins 3 dossiers sur les 21 qui nous ont été remontés à ce jour par les entreprises comptent des projets énergétiques », explique Corinne Prades-Talouarn responsable de mission de Culture Viande. « C’est encourageant, car cette question n’est pas la clé d’entrée principale de l’appel à projet, dont l’objectif premier est l’amélioration de la protection des animaux, la santé et la sécurité au travail et le respect des réglementations sanitaire et environnementale. Cela montre aussi qu’il y a un vrai sujet qui entoure cette question », explique-t-elle.

L’appel à projet ciblant aussi l’amélioration de la compétitivité des abattoirs, des entreprises ont déposé des demandes visant à optimiser le pilotage des consommations d’eau et énergie, à restructurer la station de prétraitement ou encore à changer la production de froid. « L’appel à projets ouvert jusqu’à la fin 2022 peut constituer un bon véhicule, la liste des investissements n’étant pas fermée », souligne Corinne Prades-Talouarn, qui rappelle cependant que le projet soumis doit « obligatoirement inclure une ou des mesures permettant d’améliorer de façon substantielle la protection animale à l’abattoir ».

Pour moitié, l’énergie est récupérée sur les pôles froids

Les leviers d’économie d’énergie des entreprises d’abattage-découpe résident essentiellement dans l’optimisation des groupes frigorifiques, l’un des pôles qui consomme le plus d’énergie au sein des entreprises. Or la consommation de ces installations peut être limitée par des moyens de récupération d’énergie à différents stades de la production de froid, au niveau de la désurchauffe, du condenseur ou du circuit de refroidissement d’huile.

Les entreprises de transformation de viande se sont largement approprié ces solutions ces dernières années comme en témoigne l’observatoire des ratios environnementaux mis en place par Célene, la cellule d’expertise Energie-Environnement des entreprises d’abattage et de préparation de viande. Sur les 37 entreprises enquêtées en 2019, « 20 entreprises de l’échantillon, soit plus de la moitié du total, récupéraient de l’énergie, majoritairement des entreprises de plus de 20 000 tec/an », explique Christophe Lapasin, le secrétaire général de Célene. « Pour moitié, l’énergie est récupérée sur les pôles froids et pour un quart sur les fours à flamber ».

Les investissements des entreprises en matière de récupération d’énergie ont été encouragés ces dernières années par l’existence d’une « fiche standardisée » d’obtention de certificats d’économie d’énergie (C2E) relative à la récupération d’énergie sur les groupes froids. Cette opération a cependant été rendue moins avantageuse depuis l’introduction en octobre dernier d’une obligation de faire la preuve de la puissance récupérée de l’échangeur en kW thermique. « C’est un critère qui n’est pas facile à mettre en évidence dans le cadre de circuits d’énergie qui n’ont pas été conçus pour être connectés dès la conception du bâtiment », explique Christophe Lapasin.

Des besoins importants

Le caractère moins incitatif de la mesure risque de ralentir les investissements des entreprises dans la modernisation de leur groupe frigorifique, craint le secrétaire général de Célène. « Or les besoins sont importants pour supprimer les fluides HFC à plus fort Pouvoir de Réchauffement Glogal (PRG), qui sont condamnés à terme (PRG supérieur à 2 500) à l’horizon 2030, et les remplacer par le HFO, l’ammoniac ou le CO2»

À l’avenir, le secteur pourrait s’orienter vers la production d’énergie, pour alléger les dépenses mais aussi « décarboner » leur activité. Dans ce domaine, toutes les entreprises n’avancent pas au même rythme, les projets basés sur le traitement des effluents ou des coproduits nécessitant des volumes importants pour être rentables. Bigard, Doux, SVA ou Socopa ont misé de longue date sur des projets communs de méthanisation ou de transformation des graisses en biocarburant. La Cooperl, quant à elle, mise à la fois sur la transformation des déchets graisseux en biocarburants et sur la méthanisation, avec une unité industrielle « zéro épandage » dernier cri, baptisée Emeraude Bio-énergie, qui a démarré l’année dernière.

Panneaux solaires

La pose de panneaux solaires sur les bâtiments ou les parkings constitue a priori une solution plus accessible aux entreprises de taille plus modeste. « En dehors de l’effet d’aubaine, l’intérêt est de disposer d’une électricité produite localement et donc exempte du coût de transport de l’électricité, qui compte pour près d’un tiers du coût total de l’électricité », explique Christophe Lapasin. « Mais cela nécessite encore des investissements assez lourds, amortissables sur de longues périodes (15 ou 20 ans) et qui ne sont pas rentables partout en France et notamment au Nord de la ligne Brest-Nice », assure le responsable de Célène.

En matière de consommation d’énergie et de décarbonation, un meilleur accompagnement des entreprises permettrait sans doute à la filière de franchir un cap. « À terme, j’aimerais mettre au point des ratios lisibles (par exemple indexés sur le chiffre d’affaires plutôt que sur les volumes), qui permettent aux entreprises de disposer de références et de progresser », conclut Christophe Lapasin. « La politique RSE qui a été initiée par Interbev est un bon cadre pour entrainer les entreprises de l’aval dans la réduction de leurs dépenses énergétiques et de leur impact carbone », complète Corinne Prades-Lossouarn.

Trois questions à Ilex Environnement

Modernisation des groupes froids et récupération de chaleur comme leviers de progrès

Mathieu Thoraval, cofondateur d’Ilex Environnement

La jeune entreprise Ilex Environnement propose du conseil et de l’appui technique aux projets de réduction du coût de l’énergie mais aussi du conseil en matière de financement. L’entreprise basée à Rungis s’est particulièrement développée dans le secteur agroalimentaire, de l’amont à l’aval de la filière.

VM-LMH : Quels sont les principaux leviers de progrès en matière d’économie d’énergie dont disposent abattoirs et les ateliers de découpe ?

Mathieu Thoraval : Incontestablement, il s’agit de la modernisation des groupes froids et l’optimisation de la récupération de chaleur. Ce sont des travaux qui peuvent bénéficier de primes à travers les certificats d’économie d’énergie. En outre, ces primes peuvent être articulées avec d’autres subventions, notamment dans le cadre du plan de relance, ce qui permet de mener des travaux avec des restes à payer très limités. L’investissement se justifie d’autant plus qu’afin de respecter les normes dans les prochaines années, un grand nombre d’entreprises aura à remplacer les fluides frigorigènes par des fluides à faibles potentiels de réchauffement global (GWP) comme le CO2, l’ammoniac ou certains HFO. Concernant l’usage de la récupération d’énergie de groupes frigorifiques, cela dépend des besoins spécifiques de l’entreprise. Les calories peuvent permettre de préchauffer l’eau de lavage ou servir au dégivrage des évaporateurs. Cette énergie peut aussi servir à déshydrater les boues des stations d’épuration par exemple.

VM-LMH : Quels autres moyens peuvent-être déployés ?

M. T. : Une solution pour alléger les factures de gaz et d’électricité, peut être la mise en place d’outils de suivi de la performance énergétique. Le comptage précis des consommations et le suivi d’indicateurs de performance énergétique vont permettre d’adapter les comportements et d’économiser 5 % à 10 % des besoins par kilo produit. Il ne faut pas oublier non plus le transport frigorifique. Des fiches standardisées donnent accès à des CEE pour l’acquisition de véhicules dotés de groupes froids à haute efficacité énergétique ou encore pour la formation à l’écoconduite des chauffeurs, un autre levier non-négligeable d’économies. Enfin les boucheries artisanales ou de taille moyenne peuvent avoir recours à des groupes froids performants utilisant du CO2 en cycle subcritique ou transcritique à la place du R404a. Il faut également garder en tête l’existence des « opérations spécifiques » dans le cadre des Certificats d’Économies d’Énergie. Ce dispositif permet de bénéficier de primes pour toute opération d’économie d’énergie sortant du cadre strict des opérations standardisées.

VM-LMH : La méthanisation est-elle promise à un bel avenir dans le secteur ?

M. T. : Je le crois, car cela répond dans le secteur de la viande à une logique d’économie circulaire. En outre, les déchets d’abattoirs présentent une efficacité énergétique intéressante et permettent un usage direct. Le projet de la Cooperl à Lamballe constitue un exemple qui sera observé de près.

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