Une entreprise sur deux ne connaît pas son taux de pertes
Les Marchés Hebdo : Pourquoi l’Ademe a-t-elle lancé un appel à candidatures sur le gaspillage alimentaire en mars dernier ?
Antoine Vernier : Le gouvernement a fixé une réduction de moitié du gaspillage alimentaire. Et l’Ademe a été missionnée par l’État pour conduire des études et voir, acteur par acteur, les pistes possibles de réduction. Logiquement, l’agroalimentaire est un des secteurs où les pertes sont importantes. Nous avons fonctionné avec un comité de pilotage comprenant l’Ania, Coop de France et l’Ilec. Grâce à ce partenariat, soixante entreprises ont répondu, et nous avons sélectionné vingt sociétés témoins. Fin juin, nous avons commencé le diagnostic avec les bureaux d’études (I Care & Consult, Artesial et Phénix). Fin 2018, nous pourrons ainsi présenter les réductions en poids de gaspillage alimentaire et les économies générées par les actions mises en œuvre durant neuf mois.
LMH : Comment qualifieriez-vous le profil des entreprises choisies comme témoin ?
A. V. : Nous avons essayé d’avoir des profils divers, de taille et de maturité différentes (de 10 à 500 salariés environ), de secteurs d’activité variés (viande, crémerie, poisson, farine, fruits). Il était également intéressant d’avoir des noms connus (Nestlé et Brossard par exemple), car la finalité est une opération de communication auprès de l’ensemble du secteur agroalimentaire. Avoir des entreprises ou des marques connues attirera plus facilement les autres.
LMH : Percevez-vous déjà des pistes d’évolution pour ces témoins ?
A. V. : Une entreprise sur deux ne connaît pas son taux de pertes, aussi surprenant que cela puisse paraître. Quant au coût complet de ces pertes, qui comprend les coûts d’achats de matières premières, le coût du personnel associé à ces pertes, le coût de l’énergie consommé inutilement et finalement le coût du traitement du déchet, neuf sociétés sur dix l’ignorent. Les bureaux d’études sont entrés dans l’entreprise avec cette vision du coût complet. Souvent, elles ne se sont pas donné les moyens d’agir. Or, dans notre précédent appel à témoins, avec les distributeurs, on a constaté que chaque magasin pouvait réaliser une économie de 70 000 euros par an. Nous supposons qu’il en sera de même pour l’industrie. Le gaspillage alimentaire doit représenter autour de 4 % des matières entrantes. Une implication de tous les acteurs de l’entreprise sur cette question va permettre de baisser ce taux et dégager des économies permettant d’améliorer la chaîne de valeur. Nous voulons détailler ces mécanismes pour inspirer tout le secteur de l’industrie agroalimentaire.