Quelle sortie de crise pour les filières bio ?
Entre signes d'espoir dans les ventes en magasin et marasme chez les producteurs, les acteurs de la bio ont dressé un panorama mitigé de la situation actuelle lors du dernier Sival à Angers.
Entre signes d'espoir dans les ventes en magasin et marasme chez les producteurs, les acteurs de la bio ont dressé un panorama mitigé de la situation actuelle lors du dernier Sival à Angers.
Que retenir de la conférence sur «La filière bio en crise» qui s'est déroulée le 18 janvier dernier lors du Sival à Angers ? Le verre à moitié plein de ventes tendant à la stabilisation après une sévère chute ou celui à moitié vide des déclassements de produits et de la crainte d'une vague de déconversions ?
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Un «frémissement» au niveau des ventes de produits bio
Introduisant les débats, Laure Verdeau, directrice de l'Agence Bio, a rappelé que les produits bio ne pesaient que 6 % de la consommation en France en 2022, contre 6,4 % l'année précédente. Elle a relevé une trop forte dépendance à la consommation à domicile (92 % des ventes) et une défiance marquée du consommateur. S'agissant des prix, frein numéro un à l'achat de produits bio, «l'écart se resserre», a-t-elle noté avec satisfaction. Ainsi, selon l'Insee, l'inflation dans l'alimentation a atteint les 12 % en 2023, mais «seulement» 6,7 % pour le bio. D'où de premiers signaux intéressants sur les ventes ?
Un recul moins fort en GMS
Dans l'attente de connaître les chiffres des autres circuits, la GMS, qui représente la moitié des ventes à domicile, affiche un recul de 3 % sur les ventes en bio en 2023, contre - 8 % en 2022. «On a peut-être atteint un plateau», a espéré Laure Verdeau. Président du Synadis, Henri Godron a observé «un frémissement du marché de la bio chez les distributeurs» et notamment pour l'enseigne qu'il préside, Biocoop, qui affiche une croissance de CA de 2,3 % en 2023.
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En terme de fermetures de magasins spécialisés, l'année 2023 a été moins sinistrée que les deux précédentes et les ouvertures reviennent, a-t-il noté. Les deux représentants des transformateurs présents, Magalie Jost pour Nature et Aliments et Philippe Lassalle Saint-Jean pour les sirops Meneau, ont confirmé une remontée des ventes depuis l'été, et annoncé des progressions respectives de +1,6 % et + 2,5 % sur l'année. Prudents afin de ne pas entraver cette embellie, ils n'ont pas demandé de hausses de tarifs lors de leurs négociations 2024 avec la distribution.
La crainte d'une vague de déconversions
Ces premiers signaux favorables n'ont pas atteint le monde de la production. «L'heure est toujours à la morosité, évidemment», a résumé Philippe Camburet, le président de la FNAB. Si le coup de frein sur les conversions n'est pas nouveau, l'heure est aujourd'hui à la crainte d'une hémorragie d'agriculteurs quittant la bio.
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«Certainement que 2024, et peut-être même déjà 2023, sera l'année du recul de la bio en France. Ce sera un signal dramatique et à discuter politiquement», a estimé Philippe Camburet. Alors que les nouveaux arrivants font plutôt dans le petit maraîchage bio intensif, la déconversion de grosses exploitations en grandes cultures va réduire la SAU en bio, qui pourrait repasser sous la barre symbolique des 10 %, a mis en garde Laure Verdeau.
Le déclassement atteint 30 à 50 % sur certains produits bio, la pomme étant le plus malmené.
Paulin Matchon, responsable du comité bio d'Interfel, a mis en lumière les difficultés des filières fruits et légumes. Le «déséquilibre structurel» touche une dizaine de produits, dont les pommes, les carottes, les poireaux, avec un niveau de production trop élevé face à la demande, a-t-il précisé. Résultat, le déclassement atteint 30 à 50 % sur certains produits bio, la pomme étant le plus malmené.
La vente directe bio résiste
Dans ce marasme, la solidité de la vente directe, pratiquée par 26 000 des 60 000 fermes bio, a été relevée. Au chapitre des solutions, le développement en RHF et la relance volontariste du marché, soutenue par la communication, ont été prônés par Laure Verdeau. Porté par sa croissance, «le bio était muet» jusqu'ici, a souligné la directrice de l'Agence Bio, qui bénéficie d'une enveloppe de 8 M€ cette année sur son budget communication. Or «un citoyen informé mange plus de bio», a-t-elle martelé. Le besoin d'outils de pilotage, de données plus précises pour les filières bio, est enfin apparu partagé par les acteurs de cette table ronde.
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