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Quelle est la doctrine de la DGCCRF en matière de pénalités logistiques ?

À l’aube des négociations commerciales 2023 et dans un contexte de forte tension des approvisionnements nécessitant souvent de modifier les accords 2022, les pénalités logistiques cristallisent les tensions entre fournisseurs et distributeurs.

Anne Rogez, avocat au cabinet Racine à Paris.
Anne Rogez, avocat au cabinet Racine à Paris.
© Racine

Si la loi dite « Egalim 2 » du 18 octobre 2021 a sanctuarisé l’encadrement des pénalités logistiques, certaines dispositions ont soulevé des interrogations de la part des opérateurs.

La publication des « lignes directrices » de la DGCCRF, le 11 juillet 2022, était donc opportune. Ce document, qui constitue la doctrine de l’administration (sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux), fournit des précisions sur la mise en œuvre de l’article L. 441-17 du Code de commerce qui encadre les pénalités logistiques pouvant être infligées à un fournisseur par un distributeur.

Au rang des apports de la DGCCRF, dont nous proposons ici une liste non exhaustive, il convient de relever la confirmation du caractère d’ordre public du texte, auquel il n’est donc pas possible de déroger.

Des exclusions du champ d’application

S’agissant des opérateurs concernés, la lettre de la loi pouvant faire douter quant au champ d’application du dispositif, une précision était bienvenue. En effet, selon les alinéas, le texte (i) se réfère à la relation entre fournisseur et distributeur ou (ii) n’identifie pas les opérateurs concernés. Or, l’article L. 442-1 du même Code – qui sanctionne le fait d’imposer des pénalités ne respectant pas l’article L. 441-17 C. com. – vise largement « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ». Selon la DGCCRF, le texte s’applique « en bloc aux seules relations entre fournisseurs et distributeurs », et ce, « quelle que soit la convention à laquelle ils sont soumis ». Les acheteurs non distributeurs (industriels par exemple) sont donc exclus de son champ d’application.

S’agissant de son champ d’application territorial, la DGCCRF précise que « dès lors que la livraison a lieu sur le territoire français, les pénalités logistiques éventuellement appliquées par le distributeur doivent être conformes aux dispositions de cet article ». Cette précision intéressera spécialement les fournisseurs en relation avec les centrales internationales.

Un taux de service proche de 100 % considéré comme abusif

S’agissant de la « marge d’erreur suffisante » qui doit, selon la loi, être stipulée dans les contrats prévoyant l’application de pénalités logistiques, la DGCCRF indique qu’elle doit être déterminée entre les parties au cas par cas et doit en principe être appréciée « sur une périodicité supérieure à un mois ». Elle ajoute qu’en tout état de cause, « les taux de service proche de 100 % sont en général considérés comme abusifs et non conformes à la loi, y compris pour les produits faisant l’objet d’une opération promotionnelle » – et la précision est cruciale tant les produits en promotion sont « le nerf de la guerre » en la matière.

Enfin, concernant le « délai raisonnable » dont doit disposer le fournisseur pour vérifier et, le cas échéant, contester la réalité du grief qui lui est notifié par le distributeur, la DGCCRF précise qu’il doit être « supérieur ou égal à un mois, à compter de l’envoi de l’avis de pénalité », lequel avis « doit être accompagné de la preuve du manquement ».

Les lignes directrices de la DGCCRF guideront sans doute les opérateurs lors des prochaines négociations commerciales. On peut néanmoins regretter le silence de l’administration sur certains points, comme les modalités de démonstration de l’existence d’un préjudice en dehors des cas de rupture de stocks ou encore les conditions d’application de l’article L. 441-18 du Code de commerce relatif aux pénalités pouvant être infligées par le fournisseur au distributeur.

Le cabinet Racine

Le cabinet Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents avocats et juristes dans sept bureaux (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Bruxelles), il réunit près de 30 associés et 70 collaborateurs à Paris. Anne Rogez, avocat au cabinet Racine à Paris, intervient en droit des contrats, concurrence, distribution et consommation, tant en conseil qu’en contentieux. Racine – 40, rue Courcelles, 75008 Paris – www.racine.eu

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