Maïs : « ne modifions surtout pas le taux d'humidité »
Les Marchés : La Commission fait une proposition de durcissement des normes de mise à l'intervention du maïs, qui risque de s'appliquer dès la prochaine récolte. Quelles sont les objections des producteurs français de maïs ?
Luc Esprit : Nous, Orama *L'Union des grandes cultures. et l'AGPM, contestons d'abord le fait de réformer un système en cours de campagne, puisque la date d'entrée en application serait le 1er novembre. Le marché est à la hausse et le prix de marché est supérieur à l'intervention. Regardons donc les choses calmement. Le problème en cause, l'accumulation du stock européen de maïs, dure depuis trois campagnes. Il relève d'un seul pays, la Hongrie, pour lequel l'intervention est un débouché pur et simple, en raison d'un manque d'infrastructures logistiques. Cette réforme risque de nous pénaliser alors que nous ne mettons quasiment pas de maïs à l'intervention.
Nous contestons ensuite particulièrement la proposition de diminuer la teneur en eau maximale à 13 %, contre14,5 % actuellement. Cela suppose de diminuer le débit des séchoirs, ce qui va augmenter la durée de pré-stockage, avec peut être des conséquences sanitaires - je pense aux mycotoxines, dont les taux limite sont en baisse. Il y a ensuite un danger de dégradation de la qualité agro-industrielle du grain. Dans la mesure où on va augmenter la température de séchage, on peut avoir davantage de grains cassés et chauffés, ce qui est préjudiciable à l'amidonnerie et à la semoulerie ; et on va augmenter le coût énergétique. Ce critère est moins problématique pour les Hongrois qui sèchent notamment beaucoup sur pied. C'est d'ailleurs pourquoi nous soupçonnons qu’il serait inopérant pour eux.
On va voir ce que veut la Commission. Si ses intentions sont bonnes, si son objectif est de conserver l'intervention en tant qu'outil de régulation du marché, alors discutons des critères et ne modifions surtout pas le taux d'humidité.
LM : Dans quelle mesure la modification des critères d'interventions concerne le maïs français, qui ne va quasiment pas à l'intervention, et du reste pourquoi n'augmente-t-on pas les capacités de séchage ?
L. E. : Les critères de l'intervention deviendraient la norme pour les acheteurs, ça obligerait à des investissements. Augmenter les capacités de séchage reviendrait trop cher alors que les séchoirs ne sont utilisés qu'une fois dans l'année.
LM : La réforme ne relève-t-elle que de la Commission ?
L. E. : La modification des critères relève de sa seule compétence. D'autres changements plus fondamentaux peuvent être envisagés, qui feraient monter le dossier jusqu'au Conseil des ministres. Si on en venait là, on pourrait par exemple limiter l'intervention à un pourcentage de la production de chaque pays, ce qui obligerait les pays pour lesquels c'est un débouché à faire les investissements nécessaires pour fluidifier leur marché. Il faut aussi penser à la perspective d'entrée dans l'Union de la Roumanie, dont le potentiel est énorme.